Xandro Meurisse : « J'aurais pu raccrocher le vélo »

Tombé à plus de 70 km/h dans la descente du prologue du Tour du Val d'Aoste, Xandro Meurisse n'a pu que constater les dégâts : une fracture du poignet et trois côtes froissées. "Ca aurait pu être plus grave, car j'ai volé au-dessus de mon vélo. Ma clavicule s'est également déboitée, mais normalement, après un tel choc, c'est cassé. Je peux me montrer heureux", positive l'Espoir dernière année. Depuis le 16 juillet dernier, le coureur de la formation Lotto-Belisol U23 a vécu un long chemin de croix, qu'il a retracé en compagnie de DirectVelo.be.

DirectVelo : Comment se déroule ta rééducation suite à ta chute ?
Xandro Meurisse : On récupère toujours lentement d'une blessure au poignet, mais ça va de mieux en mieux. Ce n'est pas idéal, mais ça va. Ce n'est plus qu'une question de temps. Je le sens, de la semaine passée à cette semaine, il y a une évolution sensible. C'était une opération très compliquée. Ca a duré près de trois heures ! C'était cassé à cinq endroits, la rotule était aussi un peu touchée. C'était très grave. Normalement, je n'aurais pas dû pouvoir courir cette année. J'aurais même dû avoir du mal pour être prêt au début de la saison 2015. Les médecins parlaient de cinq à six mois sans vélo. Le fait que je puisse déjà rouler est une chance.

Pourtant, les dernières semaines ont été difficiles à vivre...
Après mon opération, je n'ai dû rester à l'écart du vélo que pendant quatre jours. J'ai d'abord repris quelques jours sur les rouleaux, puis mentalement, je me suis retrouvé dans une impasse. Je ne me suis pas entrainé pendant deux jours. Je ne pouvais même plus m'imaginer sur mon vélo. Finalement, j'ai relancé la machine, je me suis entrainé quotidiennement. Certaines semaines, j'avais près de 20 heures d'entrainement, sans compétition. C'est beaucoup.

Qu'est-ce qui t'a remotivé ?
J'ai pu compter sur le soutien de mon compagnon d'entrainement James Vanlandschoot qui s'est aussi cassé le poignet. Nous étions tous les deux dans le trou mentalement, mais nous nous sommes soutenus mutuellement. Nous allions presque chaque jour rouler ensemble, avec parfois même l'envie de rallonger l'entrainement. J'ai eu les bonnes personnes derrière moi : mes parents, ma copine, mon masseur, mon kiné, l'équipe aussi qui a continué à m'accorder sa confiance. C'est grâce à eux que j'ai traversé ces semaines. Car je pense que sans ces gens-là, j'aurais raccroché le vélo. Cette chute n'aurait pas pu tomber à un plus mauvais moment ! Tout allait bien ! Je venais de participer aux Championnats d'Europe, et j'étais presque sûr de participer au Tour de l'Avenir. Je devais aussi commencer ma période de stage chez Lotto-Belisol. J'étais si proche d'un contrat pro. Ma condition était bonne. Mais bon, c'est comme ça, et je ne peux pas revenir en arrière.

« JE PEUX ETRE A 100 % A PONFERRADA »

Tu reviens donc plein d'ambitions ?
J'entre encore en compte pour une sélection aux Mondiaux. Je suis convaincu que je peux être à 100% à Ponferrada. C'est mon objectif. Toutes les échéances à venir sont importantes et servent de préparation aux Championnats du Monde. Je ne suis pas sûr d'y aller, mais j'avance dans cette optique. Je suis pour le moment en République Tchèque pour disputer l'Okolo Jiznich Cech, puis je pars au Tour de Moselle, avant de disputer ma première course comme stagiaire, le GP de Wallonie. Je prends ces courses comme une préparation pour le Mondial. J'ai directement appelé Jean-Pierre Dubois, et il m'a accordé sa confiance. Je lui ai clairement demandé si j'avais encore une chance d'aller à Ponferrada, et il m'a répondu que oui. Peut-être que si j'avais pu faire le Tour de l'Avenir, j'aurais déjà été écertain d'une sélection. Mais ça ne s'est pas déroulé ainsi, donc je dois m'adapter. C'était ma plus grande motivation pour revenir . Au départ, je n'étais plus vraiment motivé mais maintenant... Tout le monde veut aller à ces Championnats, mais ce n'est pas possible pour tous. Moi, j'ai ici une chance que je ne veux pas laisser filer. Je ferai tout pour aller aux Mondiaux. Peut-être pas pour y jouer ma propre carte, mais au moins être présent au départ.

Une non-sélection serait un nouveau coup dur...
Ce serait forcément une grande déception. C'est la raison, la motivation pour laquelle je suis revenu si rapidement Ce serait peut-être logique car d'autres gars en lice pour la sélection ont pu faire leurs preuves les dernières semaines, mais moi pas. Mais le sélectionneur national accepte aussi mon indisponibilité. Il m'a dit que ma chute était dommage, mais idéale. Les autres ont continué à courir, alors que moi, je suis reposé, je suis frais. Peut-être plus frais que d'autres. Ca peut tourner à mon avantage. Le parcours aussi joue en ma faveur. Avec un poignet rétabli, je suis certain que je peux faire quelque chose de bien pour l'équipe, ou pour moi-même. Je ne dis pas que je serai champion du monde. Mais c'est une course d'un jour, tu ne sais jamais. Un groupe de cinq ou six avec les bonnes nations à l'avant peut suffir ! Je ne suis pas lent au sprint, je sais passer les bosses. Tout peut se passer à un Championnat du Monde. Etre au départ serait déjà une belle satisfaction pour moi. C'est une motivation.

Cela fait désormais deux semaines que tu es revenu à la compétition, ça suffira pour être prêt pour la deuxième quinzaine de septembre ?
J'ai pu rouler quatre jours après mon opération, donc je n'ai pas énormément perdu non plus. J'ai repris la compétition le 22 août, à la kermesse de Sint Jan-Ieper avant de disputer le Championnat de Belgique où j'ai fait le maximum pour l'équipe, avec réussite. Dimanche dernier, j'étais au Grand Prix de la Magne. Je me sentais bien, mais j'ai bien vu dans le dernier tour que je manque encore de souplesse dans les bosses. Je vais devoir améliorer ça, mais c'est possible. J'en suis convaincu. Je vais tout faire, je sais ce qu'il me reste à travailler dans les prochaines semaines. Je n'ai pas spécialement besoin d'entrainement, mais surtout de rythme de course. Je suis jusque ce dimanche en République Tchèque, pour l'Okolo Jiznich Cech (2.2). L'an passé, j'y avais décroché une victoire d'étape et cette année, je veux encore bien faire (il a terminé 101e de la première étape et 83e du chrono, NDLR.). On revient lundi, puis jeudi commence le Tour de Moselle, encore quatre jours de compétition. Puis il restera le Grand Prix de Wallonie, le mercredi.

Dernière échéance avant un possible départ pour Ponferrada...
J'espère que je recevrai la confiance du sélectionneur. Je pense que je serai parfaitement prêt. En cas de non-sélection, je serais forcément déçu, mais j'aurai aussi l'opportunité de disputer de belles courses comme stagiaire : normalement, l'Eurométropole Tour et Paris-Tours. J'ai encore des ambitions pour cette fin d'année. J'aimerais vraiment faire le Franco-Belge car c'est une épreuve de quatre jours et si un gars comme Greipel est au départ et satisfait de ton travail, ça peut aider à obtenir un contrat ! J'ai l'ambition de faire mes preuves face aux meilleurs pros, et par rapport aux autres équipes. C'est dommage que je sois tombé, mais je pense que les derniers mois, j'ai prouvé que j'ai le niveau et que je dois recevoir ma chance.

« JE VISE PLUS HAUT »

Tu vises donc un contrat professionnel ?
Les Championnats du Monde sont un but, mais le gros objectif est de passer pro. Je suis très heureux dans l'équipe, et je peux aussi y rester. Mais ce n'est pas mon ambition, je vise plus haut. Quand ton nom est dans la sélection des mondiaux, tu es aussi dans l'oeil des équipes pros. Tu peux aussi créer plus rapidement des contacts, le coach national peut donner un petit coup de pouce... Ma vie, c'est le vélo. Je me fais tout pour le vélo : de l'alimentation, aux soins et à l'entraînement. Je bénéficie aussi d'un statut du VDAB. Je vis déjà plus ou moins comme un pro. Mais si je grimpais d'un échelon, j'en ferais encore plus. Tant qu'à présent, je peux encore me permettre de petits écarts au niveau de mon alimentation, de mes heures de sommeil,... Mais j'en ferais encore plus. Mon plus grand but est de passer au niveau supérieur dès cette année. Si ça ne se réalise pas, je serais très déçu.  Mais alors, je vivrais certainement comme un pro car je veux montrer que même étant Elite-sans-contrat, tu peux obtenir un contrat pro. Ce sera une double motivation pour me remettre au travail et montrer que je mérite ma place. Il faudra surtout que je gagne plus. Je ne suis pas un grand gagneur.

Tu ne comptes en effet qu'une seule victoire cette saison : la dernière étape du Triptyque Ardennais.
Je pense que même si je ne gagne pas, je suis constamment dans le top dix. Ca se voit aussi dans le classement de la Top Compétition. Je n'ai fait ni Templeuve, ni la Kattekoers, ni l'Havenpijl et je suis encore sixième. Cela prouve ma régularité dans les épreuves de la Top Compétition. Dans l'optique de passer pro, c'est important d'être régulier. Pas uniquement sur des épreuves plates, mais aussi quand ça monte. J'ai obtenu des résultats dans toutes les courses : plates, dans les Ardennes, sur les pavés, ... Je me suis mis en avant partout. J'apprécie tous les types de course. Si je suis lancé au sprint, je peux faire une place d'honneur même si je ne suis pas le plus rapide. Je fais aussi partie des meilleurs Belges dans les Ardennes. A Paris-Roubaix, j'ai eu pas mal de malchance, mais en deuxième année Espoir, pour ma première participation, je fais onzième. Au chrono, j'étais aussi dans les cinq ou six meilleurs aux tests nationaux de contre-la-montre l'an passé. Je ne domine pas de la tête et des épaules dans un domaine, mais je sais passer partout, à l'exception de la haute montagne.

Un domaine que tu vas travailler ?
Je ne suis pas un pur grimpeur, mais ce n'est pas non plus mon ambition. Je préfère être passe-partout. Tu peux disputer une saison complète, sans devoir te concentrer sur un Tour. C'est un de mes avantages. Dans une équipe comme Topsport Vlaanderen-Baloise, je pense que c'est un avantage. Ils pourraient m'utiliser partout. Puis je peux aussi me mettre à la planche. J'ai déjà aidé des gars comme Jorne Carolus à remporter des victoires. Ca ne me pose pas de problème.

Crédit photo : Maxime Segers - www.directvelo.be
 

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