Julien Fouchard, le dernier amateur

Crédit photo Www.velofotopro.com

Crédit photo Www.velofotopro.com

Pour saluer le 50e Tour de Bretagne (ex-Ruban Granitier Breton), DirectVelo vous propose une série d'articles sur l'histoire de cette course devenue une référence parmi les 2.2. Aujourd'hui, Julien Fouchard, dernier Amateur au palmarès du Tour de Bretagne.

Julien Fouchard est le dernier coureur amateur à avoir remporté le Tour de Bretagne. C'était en 2009 sous le maillot bleu ciel des Côtes d'Armor-Maître Jacques, alors en DN1. Au départ de Nantes, on prévoit un match entre les deux équipes Continentales bretonnes, Besson Chaussures-Sojasun et Bretagne-Schuller. Le plateau est relevé avec Timofey Kristkiy, Alexander Kristoff, Steven Kruijswijk ou encore Jan Ghyselinck ce qui donne encore plus de valeur à la victoire du coureur de la Manche.
L'aventure de Julien Fouchard commence le deuxième jour, sur la route de Fougères, échappé avec Yuriy Metlushenko, l'Ukrainien d'Amore e Vita.
Pour DirectVelo, Julien Fouchard revient sur cette folle semaine qui, aujourd'hui encore lui "donne la chair de poule."

DirectVelo : Quelles étaient tes ambitions au départ du Tour de Bretagne ?
Julien Fouchard : Les ambitions de l'équipe étaient simples : essayer de gagner au moins une étape. Nous n'avions pas de leader désigné au départ. Chacun avait sa chance en allant de l'avant et priorité était donnée au coureur qui se trouvait dans l'échappée. Encore étudiant, je sortais d'une semaine de partiels pour mon Master 2 pendant laquelle je n'avais pas beaucoup roulé. Mais j'étais serein après un excellent début de saison avec ma victoire aux Plages Vendéennes notamment et la 6e place au contre-la-montre de la Coupe de France à Civaux quelques semaines auparavant.

« ON PEUT TOUJOURS SE REFAIRE »

Qu'avais-tu appris de tes deux premières participations sur la façon de courir un Tour de Bretagne ?
En 2007 et 2008, j'avais énormément souffert. Je découvrais les courses UCI et c'était parfois très difficile. J'essayais malgré tout d'aller de l'avant. C'était ma façon de courir. En 2008, j'étais un peu malade les deux premières étapes mais je n'ai pas hésité à m'échapper le troisième jour. Ça m'a permis de prendre le maillot de meilleur grimpeur à Johnny Hoogerland et de le disputer avec lui jusqu'à l'arrivée. Comme quoi, sur une course à étapes, quelque soit le niveau, on peut toujours se refaire. J'ai toujours gardé ça à l'esprit ensuite.


Le maillot à pois à Fréhel en 2008 - Photo : DirectVelo.com


Comment décides-tu de t'échapper dans la 2e étape ?
Ce n'était pas prévu que je m'engage dans un raid à deux comme celui-ci. La première heure de course avait été très rapide. Il pleuvait et il y avait beaucoup de vent. Les Rabobank avaient le maillot mais ils étaient réputés pour ne pas le défendre. Je connaissais en partie le circuit de Fougères et je savais qu'il ne favorisait pas le retour d'un peloton, surtout sous la pluie. On sort au bout d'une heure de course avec Yuri. On s'entendait très bien, sans se poser de question mais on n'avait aucune information sur nos écarts et la situation de la course derrière. A 40 ou 50 km de l'arrivée, on apprend qu'on a 8 minutes d'avance !

Comment s'est jouée la victoire d'étape entre vous deux ?
Nous avons perdu beaucoup de temps sur le circuit final, surtout dans les quinze derniers kilomètres. Je me méfiais beaucoup de Metlushenko. Il ne passait plus trop ou en dedans. Je savais que celui qui gagnait l'étape faisait coup double. Le maillot de leader, c'était la cerise sur le gâteau mais l'objectif, pour nous, c'était l'étape, la première pour l'équipe Côtes d'Armor-Maître Jacques, de surcroît, un Dimanche en haut de la côte de la Pinterie.

« L'EQUIPE ETAIT INCROYABLE »

As-tu hésité à défendre le maillot ?
Nous avons hésité, oui. Mais la question était plutôt : on le défend ou on essaie de gagner une seconde étape ? On connaît l'importance d'une victoire d'étape sur une telle course pour un coureur amateur et l'équipe voulait donner la chance à chacun de briller. On a parlé tous ensemble et les mecs ont décidé de le défendre au moins une journée. Ensuite, on s'est dit qu'on traverserait le département des Côtes d'Armor avec. On y prenait goût à ce maillot. L'équipe était incroyable.

Dans le peloton, y avait-il une rivalité entre les deux équipes pro bretonnes et est-ce qu'elle t'a servi ?
Besson avait fait un énorme début de saison, et Dimitri Champion (Bretagne-Schuller) faisait figure d'épouvantail après sa victoire au Tour du Finistère [il deviendra Champion de France pro au mois de Juin NDLR]. Tout le monde en Bretagne attendait la confrontation entre les deux équipes pros. J'en ai profité lors de la 2e étape. Personne ne voulait rouler. Les Besson avaient mis un coup de bordure la veille mais les Rabo avaient tiré les marrons du feu. Je pense que ces trois équipes se marquaient et on en avait bien conscience. L'abandon de Dimitri Champion a cependant changé la donne en fin de semaine. On commençait à nous prendre au sérieux.

« ON NOUS TIRAIT DESSUS A BOULETS ROUGES »

Après ta prise de maillot, tu chutes et il y a la polémique de ton saut de chaîne à Perros-Guirec. Quelle était l'ambiance dans le peloton autour de toi ?
On nous a tiré dessus à boulets rouges dans les médias. Nous, on faisait notre job et on prenait beaucoup de plaisir à le faire. Nous restions sereins. Je pense que d'une certaine manière, l'on souhaitait nous déstabiliser. Personnellement, ça m'a rassuré car ça voulait dire qu'ils n'étaient pas aussi sûrs d'eux qu'ils le prétendaient. Avec ma chute le lendemain de Fougères, mon saut de chaîne à Perros-Guirec et une crevaison lors de la 5e étape, la semaine n'a pas été de tout repos. Mais nous avons tenu la barre tous ensemble.

T'attendais-tu à voir ton équipe tenir la barre toute la semaine ?
La présence de Benoît Ebrard ou de Cédric Hervé a été super importante dans l'organisation de l'équipe. Mais Mathieu Halleguen, Erwan Brenterch et Romain Hardy étaient tout autant indispensables. Ils ont fait plus qu'assurer (lire ici). L'équilibre dans l'équipe entre la fougue et l'expérience était excellent. Franchement, parfois dans leurs roues, j'étais bluffé. Le contre-la-montre était pour eux un jour de "repos" bien mérité, mis à part pour Benoît qui l'a fait à fond pour m'établir des temps intermédiaires.

« JE FAISAIS DES POINTAGES AVEC MA POLAR »

Quel a été le moment le plus critique pour l'équipe ?
La 5e étape fut tendue. Je perce au bout de cinq bornes et 20 mecs sortent dont beaucoup sont placés au général. L'équipe a été à la planche toute l'étape. 20", 30", 20"... Je leur faisais des pointages avec ma Polar, ils faisaient jeu égal avec l'échappée et tout rentre dans l'ordre dans le final. Mais ça avait été chaud !

Le soir à l'étape, comment évacuais-tu la pression de la course ?
Bizarrement, je ne ressentais pas de pression particulière. L'appétit était là, le sommeil aussi. Avec la victoire d'étape, la semaine était déjà réussie. L'ambiance était super. Mes coéquipiers me racontaient leur course, c'était excellent. Des fois, je regrettais presque de ne pas pouvoir rouler avec eux, partager ça avec eux.

« J'ESSAYAIS D'ÊTRE PRO SUR MES CHRONOS »

Pour gagner le général, il fallait que tu résistes sur le chrono de 24 km. Comment l'as-tu préparé ?
Je suis allé le reconnaître au matin de Redon-Redon, quelques semaines auparavant. J'étais resté dormir à Douarnenez au soir du Circuit d'Armorique avec Benoît Ebrard, juste pour ce contre-la-montre. Je venais de gagner le Chrono des Herbiers Espoirs (revoir le classement ici). J'essayais d'être professionnel sur chacun de mes chronos. Je venais de préparer la Coupe de France de Civaux et je pense que ça m'a servi toute la semaine. Cette préparation m'a mis en bonne forme. Le matin du chrono, il pleuvait, je suis resté à l'hôtel, je ne suis pas allé tourner sur le circuit, pour me reposer.
Benoît Ebrard a fait l'étape à bloc et il est allé vite ! Avec mon entraîneur, nous avions créé un tableau Excel pour les Herbiers avec les temps et les vitesses moyennes. On s'en est resservi pour cette étape de Douarnenez.

Qui craignais-tu le plus ? (Avant l'étape, Metlushenko pointe à 56", Kristoff à 1'43" NDLR)
Moi peut être ? L'équipe avait assuré toute la semaine. C'était à mon tour de jouer. J'étais un peu tendu au début du chrono, pour la première fois de la semaine. Mais je me suis finalement détendu au bout de quelques kilomètres. [Il termine 6e à 1'04" de Kritskiy]

« FELICITE PAR DES PROS »

Quelles ont été les retombées de ta victoire ?
J'ai reçu beaucoup de félicitations après cette victoire. Même plusieurs mois après, de la part de coureurs pros que j'ai revu quand j'étais stagiaire chez Cofidis. Je pense que ça m'a aidé à passer pro. J'ai pris confiance en moi. Quand je fais 2 lors du Giro l'année suivante [à Novi-Ligure, NDLR], je pense que ma performance au Tour de Bretagne y est pour beaucoup. J'ai fini les trois Grands Tours aussi grâce à ça : "Toujours s'accrocher, il y aura des moments fastes."

Tu es le dernier coureur d'une DN à avoir gagné le Tour de Bretagne, est-ce que ça redonne de la valeur à ta victoire ?
Je suis fier d'avoir mis mon nom au palmarès du Tour de Bretagne (voir ici). C'est l'un de mes meilleurs souvenirs sur le vélo et cela prouve que le niveau du cyclisme amateur en France est excellent. Les clubs sont bien structurés, les bénévoles comme Gérard Tréhorel (le Président de l'époque, NDLR) font un travail énorme. Malgré le peu de moyens comparé aux équipes pros, ils n'ont rien à leur envier. Jean-François Rault et Léonard Cosnier ont su construire une équipe capable de briller sur les courses UCI et former des jeunes pour le peloton professionnel. J'espère qu'une DN inscrira son nom au palmarès du Ruban prochainement, ça ne serait qu'une juste récompense pour tous les bénévoles qui s'investissent dans le cyclisme au quotidien.

Retrouvez nos articles consacrés au 50e Tour de Bretagne
« Les Russes bouffaient tout le temps » 
Le vélo des Ukrainiens
Jacky Durand, le passager clandestin
Vidéo : Les souvenirs de Frédéric Guesdon
Marc Gomez : Le choix de la pâte de fruits
Les nuits mauves de Rémy Quinton
Vidéo : « Il est le meilleur du monde, ce type ! »


Julien Fouchard et sa casquette, à l'arrivée à Fougères - Photo : DirectVelo.com

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Julien FOUCHARD