Bernard Bourreau : « Dur de tourner la page »

Crédit photo FFC/Patrick Pichon

Crédit photo FFC/Patrick Pichon

Il l’a annoncé ce lundi 21 novembre, Bernard Bourreau prend sa retraite après avoir été le sélectionneur de l’Equipe de France Elites depuis 2013. La fin d’un parcours au sein de la Fédération Française entamé après une carrière professionnelle chez Peugeot. Et, onze Tour de France au compteur avant de devenir le Sélectionneur de l’Equipe de France Juniors en 1988, puis des Espoirs de 2005 à 2013 dont deux titres de Champion du Monde (Romain Sicard en 2009 et Arnaud Démare en 2011). Il revient pour DirectVelo sur sa retraite et nous livre son analyse sur le poste de sélectionneur des Juniors jusqu’aux Elites.

DirectVelo : Pourquoi décider d’arrêter en cette fin de saison ?
Bernard Bourreau : Il faut savoir passer la main et je préfère arrêter de mon plein gré plutôt que l’on me pousse vers la porte dans quelques années. C’est comme quand j’ai pris ma retraite du peloton. Je suis parti sur une 5e place aux Championnats du Monde ! J’ai dû faire un choix, j’ai pensé à moi mais aussi à ma famille et je pense qu’il était temps de partir. Je l’avais laissé entendre à quelques proches. Je savais que j’allais arrêter depuis le début de l’année.

« QUAND ON DIT QU’ON ARRETE, ON A DEJA ARRETE »

Et pourtant le secret a été assez bien gardé ?
Je ne voulais pas l’annoncer avant car quand on dit qu’on arrête, on a déjà arrêté. J’étais encore très motivé pendant cette saison et je ne voulais pas que ça vienne me freiner ou que l’on en parle.

Après toutes ces années, la passion est toujours présente ?
Ça oui ! Je peux le garantir ! J’ai vécu une super course à Plumelec lors des derniers Championnats d’Europe. Avec une grande émotion. C’est quand même violent d’arrêter comme ça même si c’est ma volonté… Je m’y suis préparé mais je reste un passionné et je pense que ce sera quand même dur de tourner la page. Enfin, il y a une fin à tout.

Revenons sur ta carrière. Plus de 28 ans à la tête des Equipes de France et donc un début dans la catégorie des Juniors…
Je peux dire que j’ai vécu l’âge de pierre de cette catégorie en France. Quand je suis arrivé, il n’y avait pas de Challenge National donc on organisait des épreuves de sélection. Pareil au niveau international, la Coupe des Nations n’existait pas encore. Il y avait tout à créer. Avec la Fédération nous avons structuré cette catégorie au fur et à mesure. J’étais vraiment dans un rôle de formateur. Les jeunes à l’époque écrivaient simplement leurs sorties d’entrainement sur un carnet. J’ai collaboré avec Frédéric Grappe, j’ai toujours voulu évoluer avec les innovations physiologiques et technologiques.

« CA VA TROP VITE A TOUS LES NIVEAUX »

Jusqu’à ce premier titre mondial pour la France en 2002 avec Arnaud Gérard…
Quand je suis arrivé, nous étions loin des meilleures équipes qui étaient l’Allemagne, les pays de l’Est ou encore l’Italie. Ce titre reste un grand souvenir car il était inattendu. Je me souviens d’un Championnat du Monde Juniors où les Italiens font un, deux et trois ! Ivan Basso était sur le podium (2e en 1995). Et nous, nous étions beaucoup moins structuré qu’aujourd’hui.

Justement, que penses-tu de la catégorie et de ses évolutions ?
Je pense que ça va trop vite ! Que ce soit au niveau de l’entrainement, ou de la médiatisation. Il y a pour moi des points sur lesquels nous devons réfléchir. Physiquement, ils sont mûrs mais pas encore mentalement. On risque d’en casser certains à ce rythme. J’ai dû voir passer plus de mille coureurs quand j’étais sélectionneur des Juniors et forcément, tous ne réussissent pas. On a vu aussi des coureurs se révéler chez les Espoirs, Romain Sicard notamment.

Romain Sicard (Vainqueur du Tour de l’Avenir et Champion du Monde en 2009), c’est ton premier titre dans la catégorie Espoirs…
Chez les Juniors c’était de la formation mais ici, on touche au haut-niveau. C’est peut-être là où j’ai pu le plus partager mon expérience d’ancien professionnel. Et l’on a l’adhésion des coureurs à 100%. J’ai beaucoup aimé ces années et j’en garderai de très bons souvenirs. Que ce soit le doublé à Copenhague (Arnaud Démare devant Adrien Petit aux Championnats du Monde) et le titre de Romain Sicard. C’est aussi avec cette génération que j’ai travaillé chez les Elites.

Le rôle du sélectionneur en Elites est différent ?
Tous les coureurs ont leurs objectifs et leurs intérêts personnels. Le sélectionneur est là pour faire cohabiter tout le monde. Ce n’est pas évident mais je savais dans quoi je m’embarquais. C'est différent. C’est aussi un travail qui m’a plu que ce soit avec les coureurs ou dans l’élaboration des programmes avec les équipes.

« UN AVENIR BRILLANT ET UNE PEPINIERE INTERESSANTE »

La cohésion est difficile à travailler ?
Idéalement, j’ai pensé faire un stage au milieu de la saison mais ce n’est tout simplement pas possible avec les exigences du calendrier. On a essayé de mettre en place des pré-sélections avant Rio notamment pour que les coureurs puissent se préparer dans les meilleures conditions. Je pense que ça a été bénéfique mais nous restons dans un sport où l’on ne peut pas tout prévoir.

On a souvent eu l’impression que les coureurs Français, brillant chez les Espoirs, avaient du mal à confirmer chez les Elites. Etait-ce ton sentiment ?
Ça a été vrai il y a quelques années. Je pense qu’il y avait un contexte dans le cyclisme qui était difficile pour l’ensemble des coureurs français donc forcément dur pour les jeunes qui montaient. Peut-être que les équipes françaises n’ont pas été assez à la pointe en terme d’entraînement ou de recherche. Mais ça ne me semble plus vrai aujourd’hui. Je pense que nous avons une pépinière intéressante. Je pars avec la certitude que l’avenir sera brillant.

Pourquoi ce surnom de P’tit Frère ?
Ce surnom,  il m’a suivi avant même que je passe pro. Le début de l’histoire, c’est à Munich avant les Jeux Olympiques. J’étais avec Régis Ovion et nous étions très proches. Tellement proche qu’un jour, quelqu’un a demandé si nous étions frères. C’était au réfectoire, il me semble ! Régis a répondu que j’étais son petit frère. Comme nous nous sommes retrouvés chez Peugeot, tout le monde m’a appelé comme ça dans l’équipe ! Mais aujourd’hui, c’est plus p’tit pépère (rires).

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