On a retrouvé : Laszlo Bodrogi

Crédit photo Luc Lhomme

Crédit photo Luc Lhomme

Fin 2012, à 36 ans, Laszlo Bodrogi quittait les pelotons professionnels après douze années de service. Durant sa carrière, le coureur Hongrois naturalisé Français depuis 2007 s'est souvent illustré grâce à ses qualités de rouleur. Ainsi, figurent à son palmarès de nombreux succès dont notamment le Tour du Luxembourg en 2005 mais aussi d'importantes places d'honneur. En 2016, le coureur formé au CC Etupes a repris la compétition... en 2e catégorie sous les couleurs de Jura Cyclisme. Pour DirectVelo, il se replonge dans sa carrière.

DirectVelo : En 2016, on te retrouve dans les pelotons en Franche-Comté...
Laszlo Bodrogi : Le vélo m'a rapidement manqué, principalement le milieu de la compétition. Mes trois enfants courent donc on va sur les courses ensemble. Cela nous permet de partager du temps ensemble. Cette année, j'ai effectivement repris une licence en 2e catégorie, simplement pour le plaisir. Je n'ai pas vraiment le temps de m’entraîner. Je peux compter sur mon expérience mais sans entraînement sérieux, cela reste difficile car tout ce que j'avais physiquement quand j'étais professionnel est parti.

As-tu une certaine notoriété sur les courses locales ?
Oui on parle de moi, surtout quand on parle de mes enfants. Les speakers pensent à moi tout de suite en tant qu'ancien professionnel. Quand ils voient mes enfants, ils les nomment et ça fait référence à mon passé. Donc c'est vrai que ça revient assez souvent.

Tes enfants pratiquent la compétition pour suivre ton exemple ?
Ils sont tombés dedans depuis qu'ils sont nés. J'ai un fils qui m'a vu courir donc il a voulu s'y mettre, son frère a voulu l'imiter et cette année, c'est ma fille qui s'y met. Ça marche pas trop mal pour eux. Ils aiment le vélo, les compétitions, ils prennent du plaisir sur les courses et c'est ça le principal. Je peux les conseiller mais c'est trop tôt pour savoir ce qu'ils devriendront.

TROUVER QUELQUE CHOSE DANS LE MILIEU DU CYCLISME

Fin 2012, tu as mis fin à ta carrière professionnelle, était-ce ton choix ?
J'étais en fin de contrat avec mon équipe mais je voulais continuer, j'étais encore motivé et physiquement toujours performant, mais malgré cela, je n'ai pas trouvé de contrat professionnel pour 2013. Donc, à partir de ce moment, j'ai été contraint d'arrêter : il fallait trouver autre chose et rapidement.

Justement, comment as-tu assuré ta reconversion ?
Il fallait absolument que je trouve du travail puisque je n'avais pas le droit au chômage du fait que je courais dans une équipe étrangère [Team Type1, NDLR]. Je suis resté six mois sans revenus. Par chance, j'ai pu conduire une voiture sur le Tour de France, donc c'était déjà un premier emploi. Aujourd'hui, je suis employé dans une entreprise de décolletage où je m'occupe de plusieurs machines pour usiner les pièces.

Tu n'as pas souhaité poursuivre dans l'univers du cyclisme ?
J'ai essayé cependant, vers chez moi. Il y a un magasin de cycles mais sans emploi à pourvoir. Je ne connais pas suffisamment le milieu pour me lancer tout seul. Pour l'instant, je fais avec le travail que j'ai mais si je peux, j'essaierai de trouver quelque chose dans le milieu du cyclisme ou du sport parce que j'ai passé mon brevet d’État dans cette optique.

Le milieu professionnel te manque-t-il ?
Oui, ça me manque, j'aurais bien continué deux voire trois années supplémentaires après 2012. L'objectif aurait été de faire quinze années chez les pros. Je regarde parfois des courses, surtout l'été en vacances mais sinon je n'ai pas trop le temps de suivre l'actualité. Par contre, je n'ai gardé aucun contact avec les anciens coureurs ou les directeurs sportifs.

UN GOUT D'INACHEVE

Quel regard portes-tu sur ta carrière ?
Il y a une partie dont je suis satisfait et une autre qui me laisse un goût d'inachevé : j'aurais aimé choisir le moment pour quitter le milieu professionnel sans qu'il me soit imposé comme cela s'est produit. De plus, il y a eu beaucoup de coureurs à mon époque qui se dopaient. Je pense avoir perdu par leur faute de nombreuses victoires et de bonnes places, ce qui est un grand regret. Malgré cela j'ai réussi à remporter une trentaine de victoires, ce qui n'est pas si mal.

Tu es étais professionnel durant la mauvaise époque en quelque sorte...
J'étais capable de remporter plus de victoires mais les circonstances ont fait que cela n'a pas été le cas. Il y avait des coureurs qui avaient des aptitudes de grimpeur et qui tout à coup remportaient des contre-la-montre. On pouvait se poser des questions sans vraiment avoir de preuves. Parfois on en a eu mais quinze ans après... J'ai perdu une victoire d'étape sur le Tour de France comme ça : les deux coureurs devant moi ont été contrôlé positifs ultérieurement (Il fait référence au contre-la-montre de Mâcon, en 2002, où il a été devancé par Lance Armstrong et Raimondas Rumsas, NDLR).

Tu y repenses encore souvent à cette étape ?
Oui, une victoire d'étape sur le Tour change une carrière, un coureur capable de remporter une victoire sur le Tour est perçu différemment par les équipes. Beaucoup de choses auraient pu être modifiées mais près de quinze ans après, c'est trop tard pour faire des suppositions, on ne va pas refaire une carrière si longtemps après.

DES PODIUMS AU CHAMPIONNAT DU MONDE CHRONO

Gardes-tu tout de même de bons souvenirs de ton expérience professionnelle ?
Oui je garde quelques bons souvenirs notamment avec ma victoire d'étape sur le Tour de Ligurie qui m'a permis de remporter le classement général. De même que sur le Tour du Luxembourg. A l'inverse, je me souviens bien d'une galère : c'était avec la Mapei lors de ma première année professionnelle au Tour de Slovénie, une étape dantesque dans la neige, nous étions vraiment gelés.

Tu as été également vice-Champion du Monde de contre-la-montre...
Pour ma première année professionnelle, j’avais déjà pris la troisième place. Les années suivantes, je tournais autour du podium, c'était décevant, j'ai perdu un peu de motivation mais en 2007, j'ai réussi à faire deuxième. C'était une grande satisfaction sur le coup. Je pense qu'en 2008, j'aurais peut être pu remporter le titre mondial. Cependant, j'ai chuté peu de temps avant alors que la condition était optimale. On ne saura jamais ce qu'il aurait pu se passer.

Que t'a apporté le cyclisme professionnel ?
En tant que coureur, j'ai appris qu'il faut toujours se battre pour obtenir le meilleur résultat et c'est la même chose dans la vie. Mais dans le monde réel, cela n'intéresse pas beaucoup de gens. Ils nous disent « vous étiez professionnel ? D'accord, c'est bien ». Ce n'est pas ça qui permet d'obtenir un emploi. Au niveau de la réussite professionnelle, on ne peut pas dire que cela m'a apporté grand chose.

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