La Grande Interview : Stephen Delcourt

Crédit photo Thomas MAHEUX

Crédit photo Thomas MAHEUX

Un emploi du temps de ministre, 365 jours par an. Manager de la formation FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope, fraîchement débarquée au sein du restreint WorldTour féminin, Stephen Delcourt n’a pas franchement le temps de s’ennuyer. Bien que la gestion de la plus grande équipe cycliste féminine hexagonale lui prenne “minimum cinq heures par jour”, il n’en a toujours pas fait sa profession et continue, en parallèle, de manager pas moins de quatre agences bancaires. Lorsque l’ancien coureur de 1ère catégorie n’est pas à l’étranger pour suivre ses athlètes, il enchaîne les aller-retour entre Poitiers et la région parisienne, pour le travail. “Je sais que je ne tiendrai pas encore X années comme ça. Je ne me pose pas de limites pour l’instant mais je devrai peut-être faire un choix un jour”. En attendant, Stephen Delcourt continue de faire franchir des paliers à sa formation, année après année. Jusqu’à, peut-être bientôt, la hisser tout en haut de la hiérarchie mondiale.

DirectVelo : Ta formation FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope semble être rentrée dans une nouvelle dimension cet hiver !
Stephen Delcourt : L’équipe a été créée en 2006 et fête ses quinze ans d’existence. Nous devions passer un nouveau gros cap et nous l’avons fait. La montée en WorldTour représente beaucoup au niveau de notre évolution structurelle, administrative, financière et bien sûr sportive. Maintenant, si nous ne sommes pas bons sur le vélo, ça n’apportera pas grand-chose. Mais j’ai confiance en ce groupe.

L’intersaison a été marquée par l’arrivée dans l’effectif de la Danoise Cecilie Uttrup Ludwig, l’un des grands talents de la nouvelle génération…
Nous arrivons à être aux alentours du Top 10, sur les courses WorldTour, depuis trois-quatre ans. Mais soyons francs : mis-à-part Roxane (Fournier) sur quelques sprints ou Emilia (Fahlin) sur l’Amstel Gold Race l’an passé, nous étions pratiquement toujours en second rideau jusqu’à présent. Il nous fallait donc l’arrivée d’une « star ». Sauf que ça ne se fait pas en une semaine… Il se trouve que je suivais Cecilie depuis trois ans mais à l’époque, nous n’étions pas en mesure de lui offrir les mêmes garanties. Depuis, on est toujours restés en contact et je n’oublierai jamais ce moment où j’ai reçu un SMS de sa part où il était écrit : « je suis prête ». À partir de là, on a repris les négociations pour 2020 et on lui a prouvé que l’équipe avait bien grandi. Je suis ravi de sa venue car c’est une fille que je voulais vraiment dans mon effectif.

On sent qu’au-delà de l’aspect sportif, il y a également une vraie part d’affectif dans ton choix de recrutement !
Bien sûr... Et c’est un luxe. Je me souviens avoir récemment entendu Cédric Vasseur se féliciter d’avoir un groupe à son image. Un groupe qu’il a lui-même façonné alors que lorsqu’il est arrivé chez Cofidis, il devait faire avec ce qui était déjà en place. J’ai le même ressenti aujourd’hui : j’ai un groupe qui me ressemble et c’est un bonheur.

« JE NE VOULAIS PAS ENVOYER UN MESSAGE NÉGATIF À CLARA (COPPONI) »

Comment un manager construit-il un groupe de treize athlètes pour performer au plus haut-niveau mondial ?
Cette année, je voulais un groupe qui puisse jouer la gagne tout de suite. On doit être devant sur tous les parcours difficiles. Il fallait une leader comme Cecilie pour apporter de la sérénité au reste du groupe. Emilia a déjà gagné en WorldTour, c’est l’une des plus expérimentés de l’équipe et elle court depuis longtemps dans certaines des meilleures équipes du Monde. Elle rassure. Dans un groupe, il faut aussi une capitaine, capable de faire le relais entre les autres filles et moi-même. Cette fille, c’est Lauren Kitchen. C’est un soutien précieux. Il faut aussi bien sûr de la fougue, des jeunes qui débordent de talent et d’envie. Nous avons la chance d’avoir un bon nombre de filles avec ce profil dans l’équipe, à commencer par notre Championne de France, Jade (Wiel). Je suis vraiment content de notre effectif. Je sais que Marc (Madiot) recrute à l’instinct, au feeling… Et il m’a beaucoup apporté de ce point de vue-là.

Tu t’inspires donc de lui ?
Il m’a partagé son vécu et les erreurs qu’il a pu commettre. J’essaie de ne pas les reproduire. Ce que je retiens avant tout de son expérience, c’est qu’il faut construire une équipe à son image. Il faut de vraies valeurs humaines et affectives à l’intérieur de ton groupe, pour les coureurs comme le staff. Je m’appuie aussi sur le vécu de Philippe Mauduit, sans doute l’un des directeurs sportifs les plus intéressants du peloton. Il a voyagé partout, il a connu plein d’équipes, il a côtoyé Contador, Nibali… J’essaie de m’enrichir au maximum de sa grande expérience.

Tu évoquais à l’instant des “erreurs” partagées par Marc Madiot et qui t’ont interpellées. As-tu un exemple ?
La gestion du cas Bouhanni-Démare. On sait tous que c’était compliqué et je me suis promis de ne jamais confronter à nouveau deux sprinteuses dans mon effectif. En plus, les sprinteurs ont souvent un égo surdimensionné… En réalité, à moindre échelle, on a déjà connu sensiblement la même chose avec Roxane (Fournier) et Pascale (Jeuland). C’est dur à gérer. C’est d’ailleurs pour ça que je n’ai pas cherché à enrôler une grande sprinteuse cet hiver. On aurait pu démarcher Chloé Hosking par exemple, mais je ne voulais pas envoyer un message négatif à Clara (Copponi). Ce serait une erreur. Elle doit savoir qu’on lui fait confiance pour le long terme.

Abordons plus largement la situation du cyclisme féminin actuel. Seules huit équipes ont accédé au WorldTour pour cette saison 2020 : qu’en penses-tu ?
C’était l’objectif de l’UCI. Les équipes devaient valider un budget avec une augmentation des salaires tous les ans sur quatre ans. Ce n’est pas simple du tout et c’est pour ça que sur les 23 équipes candidates au départ, seules huit ont finalement pu valider leur projet. Il y a maintenant un salaire minimum pour l’ensemble des filles de l’équipe. Elles sont toutes au-dessus du SMIC. D’ici 2023, elles auront toutes un salaire équivalent à celui des coureurs masculins de Conti Pro. Il fallait donc trouver des partenaires qui veulent bien s’engager pour quatre ans minimum et ce n’est pas simple du tout ! Il n’y a qu’à regarder ce qui se fait dans les autres sports pour s’en rendre compte. Les partenaires s’engagent pour une ou deux années, rarement plus.

« IL NOUS MANQUE DEUX ÉPREUVES : UN TOUR DE FRANCE ET PARIS-ROUBAIX »

À terme, la situation doit encore évoluer…
L’UCI mise sur la présence de douze équipes féminines dans le WorldTour féminin en 2021, et quinze en 2022. J’espère que ce rythme imaginé sera tenu. Encore une fois, on est dans les temps après la première année. Le plus dur est peut-être fait dans le sens où l’an prochain, il faudra quatre nouvelles formations avec des sponsors prêts à s’engager sur… trois ans, et non plus quatre, pour aller jusqu’en 2023. En attendant, nous avons eu l’opportunité de nous installer parmi le Top 8 mondial et c’est une très bonne nouvelle.

Outre cette structuration des équipes, quels te semblent être les chantiers principaux du cyclisme féminin ?
Pour que les partenaires suivent et s’engagent pleinement, il faut plus de retombées et donc plus de médiatisation. Le calendrier français manque d’épaisseur. Quand je regarde notre calendrier de courses pour 2020, je peux assurer que notre visibilité à l’échelle européenne et mondiale est très bonne. En revanche, le calendrier français laisse à désirer. Nous allons devoir compter sur des dérogations pour pouvoir participer à toutes les courses de Classe 2 : Kreiz Breizh, Périgord Ladies, Picto-Charentaise, GP de Fourmies et GP d’Isbergues. Ces épreuves doivent monter en Classe 1. Mais surtout, il nous manque deux épreuves majeures au calendrier : un Tour de France d’une semaine et un Paris-Roubaix féminin. C’est le prochain cap à passer et je sais qu’ASO fait tout pour y arriver. J’ai confiance en leur travail.



Jean-Christophe Barbotin, à la tête de la formation Charente-Maritime WC, se dit - comme d’autres - inquiet du faible nombre actuel de licenciées FFC dans les catégories de jeunes…
Je ne suis pas inquiet. Je comprends l’inquiétude de Jean-Christophe d’autant mieux que je la partageais moi-même entre 2006 et 2014, en gros. Mais il y a de l’espoir et on peut se donner les moyens de réussir. À elle seule, Pauline Ferrand-Prévot a plus d’impact que mon équipe toute entière pour booster des filles à faire du vélo. J’espère qu’il se passera la même chose, demain, avec nos jeunes. 

La structure féminine d’Arkéa-Samsic vient de voir le jour. C’est encourageant ?
Avec la Charente-Maritime WC, ce sont deux équipes qui peuvent nous mener la vie dure sur le prochain Championnat de France (sourires). Ou dans le recrutement des futures pépites françaises. Mais j’en suis ravi ! Le vélo féminin en a besoin. Nous ne sommes que la quatorzième nation mondiale actuellement et cela doit évoluer. Je veux surtout dire à ces équipes d’être sérieuses et de s’accrocher.

« JE SUIS UN GAGNANT »

Les premières années sont-elles les plus difficiles ?
C’était le cas pour nous. Nous avons connu huit premières saisons “difficiles”. Mais on n’a pas cherché à se voir plus grands qu’on ne l’était. On n’a jamais promis aux filles des choses intenables et ça nous a évité la banqueroute. Le sport féminin est aujourd’hui très dépendant des pouvoirs publics et il faut que cela change. Je ne crache certainement pas dans la soupe car à un moment donné, nous étions nous-mêmes soutenus à hauteur de 50% par les pouvoirs publics et je leur dis encore merci. Mais ce n’est pas viable sur le long terme pour devenir une grande structure. Aujourd’hui, les pouvoirs publics ne représentent plus que 15% de notre budget.

Quelle est la clef principale pour réussir et pour durer ?
Il y en a plusieurs : le respect, le sérieux, l’engagement… En réalité, il est facile de créer une équipe et de vendre du rêve à tout le monde pendant deux-trois ans. Le plus dur, c’est de construire une base réellement solide pour tenir dix ans.

Comment l’équipe FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope avait-elle posé ses propres fondations ?
L’équipe a vu le jour grâce à ma femme, Emmanuelle (Merlot). De mon côté, j’étais coureur de 1ère catégorie mais j’ai vite su que je n’allais pas percer. J’avais beau m'entraîner le plus dur et le plus sérieusement du monde, avec le plus grand des courages, j’étais un ton en-dessous de garçons comme Jonathan Hivert ou les frères Feillu. En parallèle, j’ai toujours continué les études jusqu’à valider mon Masters de Finance. Mon beau-père a commencé à me faire signer des bilans pour l’équipe. C’est comme ça que je suis rentré dans l’équipe en 2008 (rires). Quelques années plus tard, j’ai commencé à démarcher des sponsors lors de l’EuroBike et je me suis mis à gérer la partie financière de l’équipe. Puis j’ai fini par reprendre totalement le flambeau de ma femme. Mais “l’idée folle” du départ, en 2006, je n’y suis pour rien. Tout le mérite revient à ma femme et à la dizaine de bénévoles qui l’entouraient, dont mon beau-père.

Puis l’équipe a passé plusieurs caps !
Je suis un gagnant. Dans la vie, je veux vite progresser dans tout ce que j’entreprends. Disons qu’à partir de 2012, j’ai vraiment voulu faire accélérer les choses. Je voulais m’assurer de reprendre une équipe saine au niveau financier et structurel. À partir de là, je me suis investi à 200%. Puis 2014 a marqué un nouveau tournant.

« JE NE SUIS PAS ENCORE ALLÉ AU BOUT DE MA MISSION »

Pourquoi ?
Il a fallu surmonter des difficultés cette année-là. Nous recevions le Championnat national au Futuroscope mais paradoxalement, c’est sans doute le Championnat où nous sommes le plus passé au travers. C’est aussi le moment où Audrey Cordon-Ragot a décidé de quitter l’équipe pour partir à l’étranger. Il a fallu reformer une équipe avec un budget qui stagnait autour de 300.000 euros, se remettre en question et chercher de nouveaux sponsors. C’est à ce moment-là que l’on a véritablement établi un plan stratégique pour savoir où l’on voulait aller. Le cyclisme féminin lançait sa croissance et si on ne grandissait pas directement avec lui, ça voulait sans doute dire que nous étions arrivés au bout de notre mission. On aurait pu arrêter la tête haute mais l’histoire ne s’est pas passée comme ça, et l’arrivée de la FDJ a encore changé la donne.

La structure de l’équipe a-t-elle encore une grosse marge de progression ?
Aujourd’hui, tous les managers des autres formations WorldTour exercent cette profession à plein temps. Nous sommes la seule exception. C’est une spécificité qui est dûe à l’historique de l’équipe. Je ne sais pas combien de temps nous tiendrons de cette façon-là. Actuellement, ce rôle de manager de l’équipe me prend cinq heures minimum par jour. C’est un travail continu, sept jours sur sept… Ça me prend les week-ends et les vacances également. 80% de mes congés, je les passe dans un rôle de manager. L’an passé par exemple, j’ai lié l’utile à l’agréable en partant en vacances en Suède… pendant le Tour de Suède. On est obligé de procéder de cette façon-là. L’équipe a franchi un gros cap mais elle doit encore progresser. Pour moi, la FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope n’est pas encore assez mature pour avoir un manager à plein temps. Plus généralement, je ne suis pas encore allé au bout de ma mission.

De quelle mission s’agit-il ?
Il y en a plusieurs, en réalité. La mission première, c’était que tout le monde soit payé à plein temps un jour. Je me l’étais promis et c’est désormais chose faite. En numéro deux, nous voulions un vrai service-course et ce sera fait dans les mois qui arrivent, au Futuroscope, avec toutes les infrastructures nécessaires. Pour le reste, nous avons encore des idées et des projets.



À quoi ressemble une journée type pour toi ?
Je n’ai pas le temps de m’ennuyer, clairement. Je suis à bloc toute la journée entre mes trois activités. Je gère quatre agences bancaires en tant que manager. Je monte souvent sur Paris. Je suis également représentant de la banque qui est en partenariat avec les Jeux Olympiques de Paris 2024 (Banque Populaire Caisse d’Épargne, NDLR).

« CE SONT DES MOMENTS HORRIBLES ET DES ÉMOTIONS EXTRÊMES »

Il est à chaque fois question de management…
C’est ce que j’aime : diriger des personnes. Je m’intéresse beaucoup à l’humain, aux collègues de boulot comme aux athlètes. Aujourd’hui, je vois de moins en moins de différence entre mon boulot et l’équipe. Tant en terme de volume de travail, de compétences, de remises en question permanentes, de gestion de conflits, de négociations… Il y a beaucoup de parallèles.

Il doit bien y avoir des différences malgré tout ?
L’émotion ! Le cyclisme m’apporte des émotions que mon boulot ne m’apportera jamais. L’émotion que l’on peut ressentir dans la victoire ou dans la défaite, c’est incomparable. Marc (Madiot) le résume bien. Quand tu es manager d’équipe, par moments, tu vas détester ton boulot… Quand Marc a dû gérer le cas de Georg Preidler (convaincu de dopage l’an passé, NDLR), ou quand il a dû gérer l’abandon de Thibaut Pinot sur le Tour… Ce sont des moments horribles et des émotions extrêmes, dans le meilleur comme dans le pire.

As-tu toi-même vécu des moment aussi forts récemment ?
Oui, lors du dernier Championnat de France, avec la victoire de Jade (Wiel). J’ai une relation particulière avec Jade. Je la voulais dans l’équipe depuis qu’elle a 15 ans (sourires). C’est une gagneuse. Au départ de la course, ma fille a fait une photo avec Jade et elle lui a dit : « Ce soir, on refait la photo avec un autre maillot ». Pourtant, ma fille n’a que 5 ans ! Pour qu’elle dise ça, c’est qu’elle a dû entendre un paquet de fois de la bouche de son père que Jade est une battante.

Et tu avais raison…
Ce Championnat était fou, avec également une grande Marie Le Net. J’ai vécu des émotions énormes ce jour-là. À trois bornes de l’arrivée, je me suis retrouvé dans le carré VIP et tout le monde me parlait. Je suis parti de là pour me mettre tout seul dans un coin. Je me suis dit : « Putain… On va faire 2, 3 et 4 ». C’était la douche froide car après la course que les filles avaient réalisée, nous ne méritions pas de perdre. Mais si Aude (Biannic) avait bien couru, elle gagnait. Elle était plus forte, plus fraîche et plus expérimentée… Mais bon, Jade, une gamine née en 2000, a dit à Victorie (Guilman) : « N’attaque pas, je vais la cogner au sprint ». Et elle l’a fait ! Cette émotion là vaut tout l’or du monde et ça me fait oublier toutes les nuits blanches que j’ai passées pour l’équipe.

« SI UN JOUR, ILS ME DISENT QU’ILS NE ME VOIENT PAS ASSEZ... »

C’est la récompense de tous les sacrifices ?
Exactement. J’ai repensé au volume de travail pour notre candidature WorldTour… Nous avons été la première équipe à obtenir notre licence. C’était un boulot de dingue pendant trois mois, à passer des coups de fil à mon expert comptable à 1h30 du matin. Avoir ce retour permet de tout oublier. Au boulot, c’est plus rationnel : tu es payé tant pour faire tant d’heures et basta. Dans le cyclisme, rien n’est rationnel.

Comment imagines-tu ton avenir ? Envisages-tu, à terme, de “sacrifier” l’une de tes activités pour te consacrer pleinement à l’autre ?
Je sais que je ne tiendrai pas encore X années comme ça. Je ne me pose pas de limites pour l’instant mais je devrai peut-être faire un choix un jour. Pour l’instant  je me sens encore capable de gérer tout ça. J’ai la chance d’avoir une femme qui me soutient et qui fait pleinement partie de mon équilibre personnel. Elle est également à bloc dans l’équipe et comprend mes déplacements. La corde sensible, ce sont mes deux enfants de cinq et deux ans. Si un jour, ils me disent qu’ils ne me voient pas assez… Il faudra faire un choix. Pour l’instant, je repousse le moment de ce choix car à 34 ans, j’arrive encore à avoir la force et l’envie de tout faire. Mais ça ne durera pas pendant trente ans de plus. Je ne veux pas louper l’enfance de mes deux petits. Je ne sais pas combien de temps je tiendrai comme ça mais ce qui est sûr, c’est que je me pose la question, alors que ce n’était pas le cas il y a encore peu.

Dans ton effectif 2020, une fille comme Stine Borgli est elle aussi bien occupée en tant qu’athlète de haut-niveau et que jeune Maman…
Pour que ça marche sur le vélo, je reste persuadé qu’il faut que les filles soient bien dans leur tête, en faisant ce qu’elles aiment. Quand on l’a recrutée en juillet, on s’est posé des questions. Elle est effectivement jeune Maman et souhaite passer du temps avec son petit garçon. Tout ce qu’il y a de plus normal. Nous nous sommes adaptés. Elle a le droit d’arriver sur les courses la veille, et non pas l’avant-veille comme les autres filles. Elle a le droit de rentrer chez elle s’il y a plus de trois jours d’intervalle entre deux compétitions. Même si elle va accumuler de la fatigue dans les voyages, psychologiquement, elle reviendra plus forte après des moments passés avec son fils, et plus redevable vis-à-vis de l’équipe, en quelque sorte.

Encore une fois, on est en plein dans le management, ton domaine de prédilection !
Tu peux mener un management stricte et très directif, ou un management plus humain et compréhensif. Je reste persuadé que le management collaboratif et participatif reste la meilleure solution. Le management ne s’apprend pas mais se vit au jour le jour. Bien sûr, je suis parfois contraint de trancher, de faire des choix. Mais il faut absolument faire adhérer les athlètes et le staff à l’état d’esprit de tout un groupe. Sinon, tu imposes tout, tout le temps. À la Philippe Lucas en natation, ou à la José Mourinho, pour ceux qui aiment le foot… Mais ce n’est pas mon truc. Je pense avoir de meilleurs résultats avec ma façon de faire. En tout cas, à long terme.

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