Thomas Maheux : « Garder le contact avec le milieu »

Crédit photo Thomas Maheux

Crédit photo Thomas Maheux

Malgré l’absence de compétitions depuis maintenant deux mois, le monde de la presse écrite continue de faire vivre l’actualité. Chose impossible pour les photographes, privés de toute possibilité de travailler pendant l’ensemble de la période de confinement. Thomas Maheux fait partie de ces professionnels qui n’ont rien eu à se mettre sous la dent depuis le mois de mars. Alors, aussitôt le déconfinement entamé, il a proposé à plusieurs coureurs de les suivre lors de leurs séances d’entraînement. Histoire de prendre l’air et de remettre la main à la pâte, en retrouvant un semblant d’activité. DirectVelo a recueilli le témoignage de celui qui travaille notamment pour les formations Canyon-SRAM, FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope, Creuse Oxygène Guéret ou St-Michel-Auber 93.

DirectVelo : Tu as enfin pu réaliser quelques clichés ces derniers jours, tes premiers depuis deux mois !
Thomas Maheux : Oui, ça fait du bien. J’ai suivi Anthony Turgis - notre photo - lors de l’une de ses premières sorties. Je vais renouveler l’opération dans les prochains jours. Je devrais aller voir les frères Barbier, notamment. Je réfléchis à d'autres possibilités, en restant dans un rayon de 100 kilomètres (sourires). J'avais l'idée de faire ce genre de reportages depuis pas mal de temps. Je l'ai déjà proposé à certaines équipes. C'était le moment car je m'impatientais à la maison.

Comment se passe une journée où tu suis un coureur à l’entraînement ?
J'étais en voiture et je faisais "les coupes", comme en course. Anthony (Turgis) m'avait préparé ça parfaitement, avec un petit parcours sympa. C'était l'occasion de m'occuper et de reprendre le travail. Si ça peut donner des idées à certaines équipes, pourquoi pas enchaîner ce genre de choses… Je pense faire ça avec les filles de la FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope dans les prochaines semaines. L'idée serait d'aller à leur rencontre, chez elles... On avait aussi ce projet avec les filles de la Canyon-SRAM. Il n'y a pas de courses en ce moment, donc pas de boulot. Alors ça permet de garder le contact avec le milieu.

Faire de “l’inside”, sur l’avant-entraînement comme l’avant ou l’après-course, semble être ta marque de fabrique…
Complètement ! J'aime ce côté inside, partager le quotidien des athlètes... C'est même ce que je préfère. L'avant-course, la préparation, ça me botte. L'après-course, c'est encore mieux. Les secondes qui suivent l'arrivée... C'est là que l'on a toutes les émotions. C'est pour ça que je me mets souvent en retrait derrière la ligne sur les courses. Je n'ai pas souvent besoin de la photo de l'arrivée. Le mieux, c'est ce qu'il se passe après : la satisfaction, les accolades, ou la déception… Ce sont des moments forts, des moments qui restent. Et souvent, ce sont les moments où les photos en disent le plus.

« IL RESTE UN SACRÉ NOMBRE DE QUESTIONS SANS RÉPONSES »

Tu ne retrouves donc pas le même type d’émotions durant la course ?
Les coureurs passent, et voilà... Bien sûr, tu peux faire de belles choses en course, jouer avec les paysages... Mais pour moi, il n'y a rien de mieux que l'avant/après-course. Il y a justement ce côté inside que j’aime tant.

Beaucoup de prestataires souffrent de la situation actuelle. Qu’en est-il pour un photographe comme toi ?
Pour être honnête, je ne suis pas le plus à plaindre pour le moment car ça ne change pas grand-chose pour moi. J'ai des contrats à l'année avec plusieurs équipes. Les équipes sont derrière moi et comprennent la situation actuelle. Par contre, il ne faudrait pas que ça dure beaucoup plus longtemps. Je suis inquiet pour l'année prochaine et donc pour mon business, que j'ai monté il y a maintenant cinq ans. Je suis inquiet pour les équipes que j'apprécie et que je suis depuis un moment. Je pense à St-Michel-Auber 93 ou à Creuse Oxygène Guéret. Ce sont de beaux projets et j'espère qu'ils ne vont pas trop galérer à la suite de cette épidémie. Pour la FDJ et Canyon-SRAM, j'imagine que ça ira car elles font partie des équipes féminines les plus solides. Il serait quand même préférable que ça reprenne cet été. Mais bon, je n'ai pas envie de me mettre trop de pression. Je préfère rester positif. 

Ton calendrier de fin de saison pourrait-être un véritable “chantier” !
Je commence à bien me gratter la tête avec les dates et ce semblant de calendrier. Entre les calendriers féminins et masculins sur route, le calendrier VTT... Parfois, j'ai quatre courses provisoirement soulignées aux mêmes dates (rires). Quatre fronts, donc. Il y aurait sans doute le Tour de France, le Tour du Doubs, le Boels Ladies Tours et une manche de Coupe du Monde de VTT en même temps, par exemple. Le plus gros chantier, à priori, ça devrait être le mois de septembre. Je ne sais pas si j’irai sur le Tour… Août pourrait être bien chargé également. Ce serait plus simple à gérer en octobre et novembre, si ça reste comme ça, mais on n'est pas à l'abri de nouveaux changements d'ici-là. Il reste un sacré nombre de questions sans réponses. Je suis quand même obligé de prévoir au cas où, pour avoir quelques repères. Je suis en contacts réguliers avec les équipes pour voir ce qu'il serait possible de faire avec eux.

« J’ATTENDS D’AVOIR DES OPPORTUNITÉS DE TRAVAILLER »

Si le calendrier se déroule sans accroc, tu ne vas sûrement jamais décrocher pendant trois à quatre mois !
Dans tous les cas, j'aurais dû courir dans tous les sens à cette période de l'année. Dans le calendrier initial, je n'aurais eu qu'une semaine de repos début mai. J'ai pris goût à ce mode de vie. Plus c'est rempli, mieux c'est. Ce n'est même pas qu'une question d'argent. J'ai simplement envie de bouger et de faire des choses...

On imagine donc que tu as dû mal vivre ces deux mois de confinement ?
J'ai quand même un côté casanier, paradoxalement. Ce confinement, je ne l'ai pas super mal vécu. De toute façon, il serait indécent de se plaindre quand on sait ce qu'ont vécu certains. Je me suis occupé comme j'ai pu. Je n'ai jamais fait autant de sport dans ma vie (rires). J'ai découvert le home-trainer et Zwift. J'ai géré la communication de la FDJ. Au début, c'était calme mais ensuite, il y a eu beaucoup de boulot. Plus qu'en temps normal, même (rires), avec les séances de courses virtuelles des filles etc. Je ne me suis pas ennuyé sur la fin du confinement. Mais maintenant, il est temps de retrouver les routes !

Vas-tu multiplier les sorties comme celle réalisée avec Anthony Turgis ou as-tu d’autres projets d’ici le mois d’août ?
Disons que ça dépendra des possibilités. Si des médias, journaux, magazines, sont intéressés à l’idée d’illustrer de prochaines interview par des clichés actuels, je suis ouvert à toute proposition. Si ça peut me permettre de trouver du boulot, tant mieux. Pour le reste, j’espère avoir bientôt l’occasion d’aller voir les filles de la FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope chez elles, toujours pour ces fameux reportages inside. Peut-être que j’irai aussi voir Pauline Ferrand-Prévot pour Canyon-SRAM. J’attends d’avoir des opportunités de travailler et de rendre la pareille à ces équipes qui m’ont tendu la main à l’époque.

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