Comment les coureurs sont devenus plus forts sans courir

Crédit photo DirectVelo

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Rémi Capron l'avouait à DirectVelo. Dans la course de côte Martigny-Mauvoisin du 19 juillet, "j’ai battu mon record de watts sur une heure là-bas. Mais je n’avais pas non plus des sensations de malade", disait-il à la sortie du Tour de Sibiu (Lire ici). Le nouveau Champion de Suisse de contre-la-montre Espoirs, Alexandre Balmer, ajoute de son côté, "j'ai profité de cette période pour progresser".

JUSQU'À 10% DE GAIN DE PUISSANCE

Cette période c'est le confinement et la période sans course qui s'en est suivi. Le Suisse, comme certains de ses coéquipiers de la Conti Groupama-FDJ, a pu toujours rouler à l'extérieur. Son entraîneur de la réserve de l'équipe WorldTour, Joseph Berlin-Sémon, constate ces progrès chez plusieurs coureurs. "Il y a eu un gain de Watts par rapport au début de saison", dit-il à DirectVelo. Arthur Quilliec, entraîneur et directeur sportif de la Breizh Ladies va même plus loin. "Des coureurs que je suis ont progressé par rapport aux tests de début d'année et d'autres ont même poursuivi leurs progrès par rapport à l'an dernier à la même époque". Le technicien breton chiffre ces progrès. "Sur vingt minutes, j'ai constaté jusqu'à 10% de gain de puissance et en moyenne 4 à 6 %. C'est une marge de progression inespérée en si peu de temps pour des coureurs qui s'entraînent déjà beaucoup", relate-t-il.

Alors pourquoi, après plusieurs mois sans compétition, des coureurs ont-ils progressé ? "Ne pas courir, c'était bien dans un sens car ça nous a permis de faire du travail spécifique qu'on n'aurait pas fait", avance le Bisontin. "Nous avons eu le temps de proposer des blocs de travail spécifique, sans la fatigue des courses ni celle des déplacements", ajoute le Breton.

« LA SEULE VARIABLE QUI A CHANGÉ »

Mais alors à quoi attribuer ces gains de puissance ? Arthur Quilliec les met sur le dos du travail sur home-trainer. "C'est la seule variable qui a changé", souligne-t-il après analyse. L'entraîneur était déjà un partisan des exercices sur les rouleaux. "Il permet un travail de qualité mais attention à ne pas se disperser dans des événements comme les courses sur les plate-formes car on peut vite se laisser aller à faire plusieurs courses par semaine", prévient-il. Joseph Berlin-Sémon se veut prudent avec l'usage de cet outil. "Il y a un risque de bouffer du jus, on risque de le voir chez les amateurs. Certains en ont beaucoup fait alors que la fraîcheur va jouer car le calendrier des courses est chargé".

La période du déconfinement, a fait naître l'envie chez certains coureurs d'entreprendre des périples, sacoches sur leur vélo transformé en "randonneur". "Comme il n'y avait pas de course, les coureurs manquaient d'objectifs, d'où ce besoin de défi. C'était l'occasion de se faire plaisir", estime l'entraîneur breton. Le technicien de Besançon est plus dubitatif : "c'était la mode pendant un mois, c'était à celui qui allait faire plus long. Ce n'était pas indispensable pour être en forme au mois d'août, juge-t-il, mais ça aide pour la motivation. Mais il faut faire attention, une sortie de 300-400 km ce n'est pas n'importe quoi, ce doit être bien encadré".

Les entraîneurs ont dû s'adapter à cette année exceptionnelle qui est aussi devenue expérimentale dans leur travail, "où les coureurs n'ont pas pu se tester dans les courses", souligne Joseph Berlin-Sémon. Le gain de puissance observé peut-il donner des idées pour la suite ? "J'étais déjà convaincu qu'il fallait se donner deux semaines sans courir en pleine saison pour se préparer, soutient Arthur Quilliec. C'est un argument pour convaincre les coureurs. Il faudra peut être avoir une approche similaire du triathlon ou de la course à pieds avec un objectif préparé longtemps à l'avance".

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