Coronavirus / Occitanie : « Le seul bémol, c’est le col de Beyrède »

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

Plusieurs médecins étaient présents sur la Route d’Occitanie (2.1). Parmi eux, Nicolas Longeaux, venu en qualité de “médecin référent Covid-19”, comme indiqué sur le livre de route de l’épreuve professionnelle remportée par le Colombien Egan Bernal (voir classements). Sa présence était primordiale pour assurer le bon comportement et le respect des gestes barrières de chacun. Cette course qui servait de premier test grandeur nature sur la route du Tour de France s’est-elle déroulée comme souhaité ? Quels enseignements peut-on en tirer pour les événements à venir ? Quelles solutions au cas où un coureur serait soupçonné d’avoir contracté le virus lors des prochains rendez-vous ? DirectVelo fait le point avec le docteur Nicolas Longeaux.

DirectVelo : Quel bilan tirez-vous, d’un point de vue sanitaire, de cette course de reprise ?
Nicolas Longeaux : Pour la course en elle-même, on est plutôt satisfait. Il y a eu un très gros travail de préparation et de prévention en amont de l’événement. On a bien intégré les directives de l’UCI en travaillant dur et étroitement avec les organisateurs pour intégrer tout ça au mieux. Toutes les mesures sanitaires ont très bien été mises en place sur les zones de départ et d’arrivée. Les coureurs comme les suiveurs ont été sérieux. J’ai vu, tous les jours, beaucoup de gens masqués et avec du gel hydroalcoolique. Le seul bémol, c’est le col de Beyrède, lundi. Il y avait beaucoup de spectateurs pas masqués dans la montée.

Ce jeudi, les coureurs vont escalader par deux fois le Mont Ventoux, puis il y aura notamment un enchaînement de cols au Tour de l’Ain, au Critérium du Dauphiné ou bien sûr au Tour de France. Comment remédier à la problématique du col de Beyrède ?
C’est compliqué car on ne peut pas obliger les gens à porter le masque. Il faut qu’il y ait une prise de conscience collective. En ce sens, les grands médias ont une part à jouer en relayant ce discours. Sur le terrain, chacune et chacun doit montrer le bon exemple en portant le masque. Les gens doivent comprendre que s’ils veulent continuer de profiter du spectacle, il faut jouer le jeu. Sinon, le spectacle sera de courte durée car malheureusement, des coureurs vont attraper le virus et les courses s’arrêteront.

Avez-vous rencontré des difficultés qui n’avaient pas été imaginées avant la course ?
Pas vraiment. On avait fait une réunion avec les médecins, les kinés et les directeurs sportifs des équipes qui le souhaitaient. On leur a rappelé comment respecter au mieux les bulles sanitaires, une fois tous les tests effectués et négatifs. On a voulu montrer qu’on était avant tout respectueux et protecteurs des coureurs. J’ai eu l’occasion d’échanger avec Christian Prudhomme sur le sujet et je lui ai parlé de la prise en charge des coureurs après des chutes, etc. On n’a pas eu de surprise négative, mais il faut continuer de faire attention.

« SI QUELQU’UN DOIT ÊTRE SORTI DE LA COURSE, IL LE SERA »

La situation reste très particulière, et anxiogène…
Je travaille dans un service d’urgence. En réalité, pendant quatre jours, on a simplement continué de faire ce que l’on fait depuis le mois de mars. On travaille différemment, on s’organise, on s’adapte.

Que se serait-il passé si un coureur avait eu des symptômes durant la Route d’Occitanie ?
On avait été très clair sur ce sujet : dès qu’il y a un cas suspect, le coureur est immédiatement exclu de la course. Il faut que chaque équipe garde une chambre vide à l’hôtel, au cas où il faudrait vite isoler un coureur. Ce sont des mesures individuelles prises pour protéger le collectif. Tout le monde doit en avoir conscience car c’est vrai aussi pour tous les gestes barrières comme le port du masque. Certes, porter le masque, ça emmerde, surtout quand il fait 38°C dehors, mais ça protège. Si on doit exclure un coureur d’une course, on le fera pour le bien de l’ensemble du peloton.

Prenons un exemple extrême : nous sommes au départ de la 18e étape du Tour de France, Egan Bernal est maillot jaune et il semble avoir quelques symptômes inquiétants. Sportivement comme économiquement parlant, sa formation n’aurait peut-être pas intérêt à divulguer la nouvelle au risque de voir son coureur exclu de la course !
Je comprends parfaitement cet exemple mais encore une fois, il s’agit d’une responsabilité individuelle et collective. Il faut penser au bien de tous. Dans le cas d’Egan Bernal, ça vaut aussi pour tout l’entourage du coureur. Si son mécano du Team Ineos a des symptômes et qu’Egan Bernal a déjeûné avec lui le matin-même, ça va poser problème. Les équipes connaissent les règles : à eux de limiter les risques au maximum. Si un cas est avéré, il faudra le considérer comme il se doit et si quelqu’un doit être sorti de la course, il le sera. Mais je pense que les équipes en ont conscience et tout le monde fait le plus attention possible. Le premier jour, j'étais à l'hôtel avec l'équipe Groupama-FDJ. Dans les couloirs, j'ai croisé des coureurs et ils avaient le masque. C'est bien. 

« IL EST IMPOSSIBLE DE SE PROJETER »

Quelle place faut-il, selon vous, accorder aux journalistes et aux photographes sur ces courses estivales ? Les représentants de la presse peuvent-ils et doivent-ils approcher les coureurs ? 
C’est encore et toujours une question de responsabilité collective, j’insiste. L’économie du vélo a besoin des médias, et les médias ont besoin des coureurs. Si on laisse approcher des journalistes, avec des mesures adéquates et les gestes barrière qui s’imposent, sans contact physique… Je ne vois pas de problème à avoir des interviews, ça ne me choque pas. Tant que tout le monde est masqué et que personne ne se touche. Le plus important, c’est de renvoyer au grand public une bonne image. La presse doit aussi servir d’exemple. Si un journaliste ou un photographe accrédité n’a pas son masque, que dire aux spectateurs ? Il faut y penser.

Officiellement, les selfies sont interdits mais quelques fans - masqués - ont tout de même tenté leur chance, avec succès, sur la Route d’Occitanie. Est-ce problématique ?
Dans le fond, ce n’est pas très grave si c’est fait de “loin”, avec une perche, et que le jeune n’est pas bras dessus bras dessous avec le coureur. Le problème, c’est que si on commence à l’autoriser, il y aura forcément des excès. Donc il vaut mieux partir du principe que c’est interdit et éviter de le faire.

Ces quatre jours de course permettent-ils d’aborder la suite de la saison avec plus de confiance et de certitudes ?
Il est impossible de se projeter. On vit au jour le jour mais je suis super content de la façon dont ces quatre journées se sont déroulées. C’était sympa et vivant. Par exemple, il n’y avait pas de caravane publicitaire mais les gamins nous ont applaudis nous, les véhicules suiveurs. Il y avait une belle ambiance. Pourvu que ça continue mais pour que ce soit le cas, il faudra une responsabilité collective. Tout le monde a besoin de tout le monde. Chaque bon comportement individuel favorisera le collectif.

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