Gilles Peruzzi : « Rendre la Ligue des Champions incontournable »

Crédit photo James Odvart - DirectVelo

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La Ligue des Champions reprend ses droits ce 12 novembre à Majorque en Espagne. Pour cette deuxième édition, le calendrier est encore plus concentré, passant de six à quatre semaines (lire ici). Avant la première manche, le chef de la piste à l'UCI Gilles Peruzzi a fait le point sur plusieurs sujets avec DirectVelo.

DirectVelo : La Ligue des Champions débute ce samedi. Malgré le forfait d'Emma Hinze, le plateau du sprint reste alléchant (lire ici) mais plus faible en endurance. Chez les hommes, aucun des Champions du Monde de Saint-Quentin-en-Yvelines ne sera présent à part Dylan Bibic...
Gilles Peruzzi : Il y a plusieurs explications. Premièrement, les stars de l'endurance sont des routiers. Ils sont donc attachés à une équipe. Donc, il faut l'autorisation du coureur et de l'équipe. Deuxièmement, la période. Pour les gars de l'endurance, on sort d'une saison sur route. Soit on est au repos, soit en stage de préparation. Enfin, d'après le retour des athlètes ayant refusé, il y a le format proprement dit. Ils ne voulaient pas faire des scratchs et des éliminations à distance réduite, mais ils comprennent notre démarche. Nous voulons un format télévisé de deux à trois heures. Par conséquent, il est impossible de prévoir une heure de Madison. Si on prend la genèse du projet, le but est de promouvoir la piste. Au Championnat du Monde, il y a onze disciplines, quatre en sprint et sept en endurance. On ne peut donc pas faire une Ligue des Champions sans sprint. Attirer les stars de l'endurance est difficile, mais nous ne lâchons pas l'affaire. Nous avons un partenariat de huit ans avec Discovery pour rendre la Ligue des Champions incontournable.

Dès lors, peut-on s'appeler la Ligue des Champions quand on n'arrive pas à attirer les stars ?
Quand on a signé en mars 2020, le nom de base était la World League. Juste avant le lancement, nous avons changé le nom. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Il faut les avoir ces champions. Au niveau du sprint, on est dans le bon. C'est un système qui leur permet de gagner de l'argent. Il y a des primes de départ et de l'argent à se faire en cas de bon classement général. Au niveau de l'endurance, il faudra encore un peu de temps.

Comprends-tu que des stars de l'endurance comme Elia Viviani et Ethan Hayter préfèrent aller aux Six Jours de Gand (15-20 novembre) qui ont lieu lors de la manche de Berlin ?
On le sait, il y a de l'argent à se faire sur les Six Jours de Gand et c'est sur une semaine. De notre côté, nous voulons avoir de vraies courses. D'ailleurs, nous sommes en pleine réflexion sur les critères d'évaluation des épreuves. Ils vont être affinés. Pour le moment, ils se résument à : quelles sont les nations au départ ? Quelles sont les catégories ? Quelles sont les épreuves proposées (lire ici) ? C'est assez basique. Certaines épreuves ont un vrai niveau sportif, sans être un événement, et vice versa.

« ON NE PEUT PAS BIAISER LE SYSTÈME »

L'an passé, la question des invitations avait été posée et tu étais contre l'idée (lire ici). Ta position a-t-elle changé sur le sujet ?
Non, Elia Viviani voulait faire la Ligue des Champions, mais à condition de pouvoir faire l'impasse sur la manche de Berlin et a demandé une dispense, mais si nous commençons comme ça, on ouvre la porte pour tout le monde. Inviter des coureurs ponctuellement n'est pas dans l'ADN de la Ligue des Champions. Est-ce qu'on invite des coureurs en plein Tour de France ? De plus, de par la complexité de la piste, nous sommes aussi contraints dans le nombre d'athlètes. Une élimination à 18 ou 24 change tout et on veut également que le programme soit court et spectaculaire.

Quelles sont les options sur la table pour attirer les stars de l'endurance ? Modifier le calendrier, le barème des points ?
C'est la période la moins pire pour l'organiser. Janvier, ça se discute. Ensuite, ça devient injouable avec le début de la saison sur route, sans compter le Championnat d'Europe et la Coupe des Nations sur piste. Le calendrier est déjà concentré. On passe de six à quatre semaines et ça reste déjà trop pour certains. Passer à deux manches par semaine est inenvisageable pour la récupération des coureurs et nous voulons créer le moment fixé dans la tête des gens, le samedi soir de 19h à 21h. En ce qui concerne le barème des points, c'est vrai que chaque manche compte pour une Classe 2, mais les points du classement général final se rapprochent d'un Championnat du Monde. On ne peut pas non plus exagérer dans les points. Après tout, il n'y a que 72 coureurs au départ. Au Championnat du Monde, il y en a 350. On ne peut pas biaiser le système.

Pour les Jeux Olympiques de Paris 2024, il y aura autant d'hommes que de femmes puisque la vitesse par équipes passe de deux à trois chez les Femmes. Il y aura aussi dix équipes de poursuite, contre huit lors des Olympiades précédentes (lire ici). Qu'en pensez-vous ?
Notre but premier était d'instaurer cette parité parfaite, avec trois femmes pour la vitesse par équipes comme chez les hommes. Sur le papier, il nous aurait fallu sept places supplémentaires. Malheureusement, nous n'en avons eu qu'une, passant de 189 à 190. Du coup, nous avons effectué plusieurs simulations pour avoir la meilleure participation possible. Le hasard des chiffres a fait qu'on est arrivé à dix équipes en poursuite et huit en vitesse. C'est difficile de donner un nombre de places idéal. L'important est d'avoir des bons tournois de sprint et d'endurance.

« AUTANT FAIRE DES COURSES DE QUARTIER »

Sur la piste, le matériel a toute son importance, notamment en poursuite par équipes. Il y a des inégalités de budget de développement entre les nations. Quelle est la position de l'UCI sur cette problématique ?
C'est clairement une de nos préoccupations. Nous avons commencé à faire un pas dans ce sens, en n'autorisant que du matériel commercialement disponible (lire ici). Même si une nation a des moyens conséquents pour développer du matériel, il doit être accessible à tous. On essaie de contenir le fossé entre les nations. C'est l'ambivalence de la situation : on ne veut pas freiner le développement du marché tout en limitant les inégalités. L'aspect budgétaire est un gros problème. C'est difficile de pouvoir imposer une limite de budget et si oui, à quel niveau ? Uniquement sur les vélos ? Quid de l'équipement ? Toutefois, la machine ne fait pas tout. Je prends l'exemple de la Suisse, un pays riche mais avec une fédération au budget serré. Pourtant, ils ont quand même réussi à se qualifier pour Tokyo, sans avoir le meilleur matos à disposition. Nous avons également pris quelques mesures sur le matériel : le guidon devra avoir une largueur minimum de 35 cm, les casques doivent également avoir des dimensions spécifiques (lire ici).

L'UCI a sorti une charte pour contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (lire ici). Avec trois manches de Coupe des Nations en 2023 en dehors du continent européen, un Championnat du Monde 2025 en Argentine et 2026 en Chine, les coureurs vont beaucoup voyager dans les prochaines années...
Tout ne peut pas se tenir en Europe. Dès le moment où on parle de sport international, il y a des déplacements. En ce qui concerne la Coupe des Nations, il a toujours été clair que nous voulions une manche sur chaque partie du globe : la zone Amérique, la zone Europe/Afrique et l'Asie/Océanie. Des efforts par rapport à l'environnement, on en fait. Est-ce qu'il faut pour autant se couper des épreuves internationales ? Autant faire des courses de quartier alors. La beauté du sport international est de susciter une émulation et des vocations aux quatre coins du monde. Notre message, c'est que le vélo est plus vert qu'une voiture et qu'on veut que les gens s'y mettent grâce à la portée du sport international.

Jos Smets, membre de la Commission piste, évoquait une possible égalité des distances, en citant l'athlétisme en exemple (lire ici). Quel est ton point de vue ?
On ne peut rien exclure. Qui aurait pu dire que les femmes auraient eu un tournoi de keirin, une Madison ? Nous sommes dans la recherche d'une parité, après il faut rester cohérent. Il faut respecter la physiologie. À la salle de sport, les sprinteurs ne lèvent pas les mêmes charges. Je ne veux pas dire non mais ça ne viendra pas du jour au lendemain. Je sens que le sujet revient car il est dans l'air du temps.

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