Un peloton entier au sol : scène de chaos au Tour de Bretagne

Crédit photo Christian Cosserat / DirectVelo

Crédit photo Christian Cosserat / DirectVelo

Les vitrines de Plancoët s’étaient faites toutes belles pour recevoir le Tour de Bretagne. Le soleil avait même gagné la partie face aux nuages. Mais le public venu nombreux n’a pas eu droit aux cinq tours de circuit initialement prévus. La faute à une énorme chute collective, survenue à 85 km de l’arrivée, qui a provoqué la neutralisation de l’étape puis son annulation. Dans un premier temps, pourtant, les six échappés sont passés sans encombre sur cette portion boueuse d'une route de campagne alors que les semis de maïs ont commencé. Parmi eux, Damien Poisson (Dinan SC). “Un motard a signalé le danger. Il y avait une bonne épaisseur de boue, sur une route étroite. C’était dangereux. D’ailleurs, je suis passé sur cette portion en laissant un écart avec les coureurs qui me précédaient car j’avais vu cette zone au loin”, relate le Breton auprès de DirectVelo.

DES COUREURS QUI N’AVAIENT JAMAIS VU UNE TELLE GAMELLE

À six, les échappés ont pu passer sur la petite bande d’asphalte qui n’était pas maculée de boue. Même chose pour les quatre premiers éléments du peloton, les coureurs de la formation Tudor, qui ont choisi la minuscule zone praticable et non glissante. Mais ensuite… Patatra ! Un premier coureur s’étale sur la chaussée et provoque un énorme jeu de quilles. “J’étais dans les 30 premiers. J’ai vu que ça tombait au loin. J’ai voulu freiner pour ralentir, mais j’ai à peine touché aux freins et je suis directement parti au tas. Comme tout le monde, en fait ! C’était inévitable. Heureusement, je suis tombé dans l’herbe”, raconte Pierre Thierry (Morbihan Fybolia GOA). “Quand on est arrivés dessus à 60 km/h, presque personne n’a pu passer. J’étais dans les quinze premiers. Finalement, ceux qui s’en sortent bien, ce sont les coureurs qui étaient dans les dix derniers du peloton”, ajoute Paul Cordon (VCP Loudéac). "C'était juste une portion de 50 mètres avec de la boue... D'ailleurs, quand on est allé voir les coureurs, on glissait aussi alors qu'on était en chaussures !", ajoute Sébastien Cottier. 

Parmi la poignée de coureurs qui n’a pas goûté au bitume, un certain Simon Pellaud. Et pour cause : le leader de la course était donc aux avant-postes du paquet, derrière ses équipiers qui menaient la chasse. “C’était juste au début d’une grosse descente. Il y avait vingt mètres de boue. J’étais en train de motiver les troupes pour les faire rouler un petit peu plus vite, c’était le moment d’en remettre”. Et ce qu’il a vu en tournant la tête, après avoir entendu un bruit assourdissant, l’a marqué. Quand je me suis retourné, j’ai vu tout le monde par terre. Nous ne sommes que quatre à être passés. Je n’avais jamais vu ça. Cette image, je ne suis pas près de l’oublier. C’était incroyable !”, témoigne l’Helvète.

LES ÉCHAPPÉS FRUSTRÉS ET FATALISTES

S’en est suivi une longue, très longue neutralisation. Le Président du Tour de Bretagne, Christophe Fossani, échange avec le Président du jury, la doctoresse et les directeurs sportifs (lire son interview ici). “Chacun a ses intérêts mais c’est d’abord la sécurité des coureurs qui compte”, synthétise Damien Poisson. Certaines formations, à l’image de Circus-ReUz-Technord, se sont retrouvées dans une situation impossible. “Les cinq coureurs de l’équipe sont tombés, ils ont tous cassé quelque chose. On n’avait donc même plus de vélos pour continuer car tous les coureurs ont pris leur vélo de rechange. Je n’avais plus rien sur la galerie, assure le technicien belge Kévin Van Melsen. J’ai donc expliqué aux organisateurs qu’il n’aurait pas été normal de relancer la course en sachant que l’on n’avait plus de quoi dépanner les coureurs. Clairement, dans cette situation où tout le monde est tombé, avec des coureurs bien amochés pour certains, il fallait arrêter”.

Du côté des coureurs et des équipes représentées à l’avant, on s’inquiète, alors qu’il y avait visiblement quelque chose d’intéressant à jouer avec un bel écart de 4’45” sur le peloton. “Pour nous, l’arrêt n’était pas une bonne situation car nous avions Alastair (MacKellar) devant et c’était une belle option pour la victoire d’étape. Mais je comprends que la priorité soit donnée à la sécurité de nos coureurs, bien sûr”, synthétise Ruben Plaza, directeur sportif chez Israel Premier Tech Academy. Même frustration pour Damien Poisson, présent à l’avant. “Ça fait chier, je n’ai pas de réussite car il y avait quelque chose à faire, je pense. On aurait pu passer les difficultés à l’avant, ça s’est sûr. Je pense que seuls les costauds seraient rentrés…”.

UNE DÉCISION LOGIQUE

Pendant que les coureurs les plus touchés sont emmenés vers les hôpitaux (lire le bulletin médical ici), les échanges se poursuivent. Mais il est finalement décidé d'annuler cette étape, après une quarantaine de minutes d’attente. “J’aurais bien voulu que ça reparte car il y avait de belles choses à faire aujourd’hui (dimanche) et le classement général n’était pas encore joué. C’est dommage mais c’est comme ça, c’est pour la sécurité des coureurs, il n’y avait pas le choix”, déclare Pierre Thierry, 2e au sommet de la côte de Cadoudal plus tôt dans la semaine. “Je suis le premier à vouloir du spectacle et de la course, je suis venu pour ça, pour faire du vélo sur un parcours qui m’inspire. Mais repartir à dix kilomètres de la Vallée Verte n’aurait pas fait sens. En regardant dans les yeux des coureurs, je crois que personne n’avait envie de repartir”, assure pour sa part Simon Pellaud.

La décision est bien sûr logique, il y avait des coureurs partout qui se faisaient soigner et des blessés plus graves pris en charge en priorité, c'est bien normal. S'il n'y a plus de personnel médical derrière la course, il est impossible de repartir. De toute façon, c’est interdit, rappelle Sébastien Cottier, directeur sportif de la N1 bretonne Cre’Actuel-Marie Morin-U 22. C'est dommageable pour l'organisateur, pour la ville de Plancoët... Mais c'est comme ça”. Le public de Plancoët, justement, est tout de même resté jusqu’à la venue des coureurs, qui sont arrivés dans la cité costarmoricaine en convoi. Des coureurs que ce public a salués par un concert, non pas de casseroles mais de tapes sur les panneaux publicitaires.

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