Pierre Gautherat : « Encore mieux qu’imaginé »

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Très attendu après avoir fait parler de lui depuis les rangs Cadets, Pierre Gautherat n’a pas manqué sa première saison chez les professionnels avec quelques Top 10 dans sa besace (voir sa fiche DirectVelo). Le rapide coureur de 20 ans, qui rêve des Classiques flamandes, devrait avoir plus de libertés la saison prochaine après une année pro dans les jambes et en raison de plusieurs départs importants. DirectVelo a fait le point avec le sociétaire de Decathlon AG2R La Mondiale.

DirectVelo : Quel bilan fais-tu de cette première année dans le peloton professionnel ?
Pierre Gautherat : C’était vraiment une année d’apprentissage. Quand on sort des rangs amateurs et qu’on passe directement en WorldTour à 20 ans, il faut quand même faire du boulot et emmagasiner de l’expérience avant d’avoir les premiers bons résultats. Ça a été une belle année avec la découverte de grandes courses comme Paris-Roubaix et le Tour des Flandres. C’était exceptionnel pour ma première année pro. Je suis vraiment reconnaissant envers Vincent (Lavenu) et toute l’équipe pour m’avoir mis dans ces dispositions et m’avoir permis de faire ces courses. J’ai aussi obtenu quelques bons résultats qui peuvent présager de bonnes choses l’année prochaine. Maintenant, je suis vraiment concentré sur la préparation. J’essaie de m’entraîner très dur pour pouvoir y arriver. Avec Jacques (Décrion, son entraîneur, NDLR), on va mettre des choses en place, notamment de la prépa physique pour réussir… 

Que vas-tu changer cet hiver ?
Il y aura plus de travail spécifique que ce soit en musculation ou sur le vélo. Il faut aussi souligner une chose : durant cette année 2023, j’avais encore mon cursus scolaire en parallèle. J’ai obtenu mon BTS en juillet. C’est donc mon premier hiver sans les cours. Je vais avoir beaucoup plus d’heures de vélo et de temps pour bien préparer les choses. Après cette première saison chez les pros, je vois déjà la progression accomplie entre les deux hivers, je suis plus opérationnel. C’est encourageant pour la prochaine saison, ça me motive vraiment. 

Tu vas t'orienter à 100% sur les Classiques ou tu vas penser aussi à bosser ta pointe de vitesse ?
Après une année d’apprentissage, on peut commencer à voir quel va être mon profil dans le futur. J’adore les Classiques belges comme je le dis souvent, ce sont des courses qui me fascinent, j’ai envie d’y performer. Mais je veux toujours garder ma pointe de vitesse parce que c’est ce qui me permettra d’avoir de bons résultats sur ces courses-là. L’optique est de bosser les Classiques et les sprints. Je suis vraiment content qu’un coureur comme Sam Bennett nous rejoigne pour pouvoir bosser les sprints avec lui, apprendre et qu’il me donne toute son expérience, dans un premier temps. J’ai envie de bosser avec lui pour qu’il puisse aller chercher des bons résultats et dans le futur, ça me servira, c’est sûr. Je suis vraiment impatient d’être à l’année prochaine. Mais le premier axe est quand même les Classiques où je vais essayer de bosser le plus possible. 

PARIS-ROUBAIX, « LE GRAAL ULTIME »

On va plus t’attendre avec le départ de Greg Van Avermaet notamment…
Je ne me mets pas une grosse pression, l’équipe non plus. Il n’y a pas d’objectif précis à avoir, c’est toujours une prise d’expérience… J’ai pu bien apprendre auprès de Greg ainsi que Miki (Schär) qui était un bon capitaine de route. Ils m’ont bien conseillé. L’année prochaine, ça sera peut-être un peu plus ouvert, mais on a quand même de nouvelles recrues flamandes qui arrivent (voir l'effectif). C’est aussi intéressant de découvrir de nouveaux gars et de pouvoir bosser avec eux pour qu’on puisse aller chercher les meilleurs résultats ensemble. C’est ça qui va faire notre force. On doit arriver à créer un groupe très solide sur les Classiques. Nous devons être vraiment unis pour bien se sentir, se rassurer et se sacrifier pour l’équipe.

Vas-tu disputer toutes les Classiques ?
Je vais faire la plupart. Toutes, je ne sais pas si c’est vraiment la bonne option pour moi pour l'instant. Je suis en réflexion avec mon entraîneur, les entraîneurs de l’équipe et les DS pour savoir ce qui me correspond le mieux. Enchaîner toutes les Classiques, ça me ferait rester un certain temps en Belgique. Est-ce que c’est bien de rester seul à l’hôtel ? Les prochains stages vont être axés en ce sens. Je veux faire impérativement les Monuments, Paris-Roubaix et le Tour des Flandres. Des Classiques comme Kuurne-Bruxelles-Kuurne me correspondent bien aussi, c’est un échelon un peu plus bas… Il y a aussi Gand-Wevelgem. Il y en a de belles un peu en dessous qui peuvent me correspondre. Il va falloir bien regarder l’échelonnement du calendrier. Je suis impatient d’y être. 

Y en a-t-il une qui ressort du lot dans ton esprit ?
C’est toujours la même et ça ne changera jamais, c’est Paris-Roubaix. C’est le Graal ultime. Le Tour des Flandres est aussi le Graal, mais j’ai un penchant un peu plus fort pour Roubaix. Ces deux courses sont tellement incroyables avec la ferveur du public. C’est quelque chose de fou. Quand tu es au départ d’une course comme ça, tu te dis que tu as vraiment une chance unique. Tu ne peux que donner le meilleur de toi-même jusqu’à l’arrivée. C’est pour ça aussi que ce sont sûrement les deux courses les plus dures au monde : les conditions météo, le public, le stress, la dangerosité, les chutes… C’est tout un ensemble. Paris-Roubaix est quand même en première position. 

« TOUJOURS CONTINUER À ÊTRE UN TRAVAILLEUR »

L’an passé, tu as participé à la Course de la Paix et au Mondial U23. Peut-on encore te revoir en 2024 avec l’équipe de France Espoirs ?
Je ne sais pas du tout. Maintenant que j’ai arrêté mon cursus scolaire et que j’ai plus de temps, mon objectif est de me consacrer au domaine professionnel, au WorldTour et les courses un peu en dessous. Mais pourquoi pas retenter sur un Championnat du Monde vu qu’il y a des coureurs qui sont Espoirs 3 et qui y vont toujours ? C’est quand même une course que je respecte, surtout du fait de courir avec le maillot de l’équipe de France. Mais je pourrais peut-être essayer aussi de viser une sélection chez les pros ? Ce sera plus compliqué mais je peux peut-être l’envisager. Il faut se mettre des ambitions assez hautes pour pouvoir aller chercher des résultats. Je ne me mets pas de limite, mais chaque chose en son temps. Je pense que j’ai bien progressé cette année, à mon rythme, sur pas mal de points et j’en suis vraiment content.

Tu fais partie des coureurs qui sont connus depuis les rangs Cadets. Si on t’avait dit à l’époque que tu en serais là fin 2023, que te serais-tu dit ?
Pour moi, c’est encore mieux qu’imaginé. Pouvoir être dans une équipe comme ça en étant français, maintenant avec le nouveau sponsor Decathlon, c’est une chose incroyable. Je n’aurais pas pu l’imaginer à ce stade. J’ai toujours eu un petit rêve dans ma tête qui me disait qu’un jour, il fallait que je sois pro en vélo. J’ai réussi à le réaliser. J’ai d’autres rêves mais il faut s’entraîner dur. Je suis assez chanceux de pouvoir faire du vélo chez les pros, mais ça passe aussi par du travail. Quand on commence jeune le vélo, qu’on gagne beaucoup de courses et qu’on ne gagne plus en arrivant chez les pros, c’est sûr que c’est très difficile. Mon entourage me fait progresser là-dessus. Il faut se dire chaque chose en son temps. Chacun progresse à sa vitesse.

Tu arrives à le relativiser ?
Il faut toujours croire en ses rêves et ça ne se fait pas non plus en un claquement de doigts. Ça passe par du travail, mais c’est surtout lié au mental. Quand j’étais jeune, j’ai gagné beaucoup de courses, peut-être en facilité car j’étais plus développé que d’autres du même âge. Je le pense souvent. Cet écart commence à se resserrer en Juniors puis en Espoirs… Et là, on voit vraiment ceux qui arrivent à faire la différence avec le mental, ceux qui sont toujours là… Il y a l’école, les copains qui partent faire la fête… Il y a tout un ensemble qui fait que le vélo est très difficile autour de 18 ans. Il ne faut rien lâcher et toujours continuer à être un travailleur, croire en ses rêves et se dire que ça peut arriver. Pour ma part, ça m’est arrivé donc ça peut arriver à une autre personne. J’encourage tous les jeunes qui ont été comme moi à persévérer et un jour, vous aurez l’opportunité.

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