Daniel Bigham : « Passer devant Filippo Ganna »

Crédit photo Bettini - uec.ch

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Il est l'une des figures les plus curieuses du cyclisme moderne. Daniel Bigham est cet ingénieur britannique qui travaille à temps plein pour la WorldTeam INEOS-Grenadiers. En août 2022, afin de préparer la tentative de Filippo Ganna, il s'attaque au record du monde de Victor Campenaerts... qu'il améliore ! Deux mois plus tard, l'Italien écoute évidemment tous les conseils de son staff et s'approprie à son tour ce record du monde. Daniel Bigham ou, "l'ingénieur ringard", comme il se fait parfois appeler, fait maintenant partie de l'équipe de poursuite britannique Championne du Monde en 2022. La semaine dernière, à l'occasion des Championnats d'Europe d'Apeldoorn, l'athlète de 32 ans a encore passé un palier dans sa carrière en remportant son premier titre international individuel, deux jours après une nouvelle victoire par équipes.

DirectVelo : Que représente ce titre de Champion d'Europe de la poursuite individuelle ?
Daniel Bigham : C'est assez fantastique. C'est mon premier titre international individuel. Même si ce n'est pas un Championnat du Monde, c'est très important et cela représentait une énorme motivation pour moi ces derniers mois. Je ne pouvais pas perdre une nouvelle fois (Il avait terminé 2e de la poursuite individuelle au Mondial de Glasgow derrière Filippo Ganna, NDLR). Puis, c'est super d'affronter un coéquipier, Charlie Tanfield.  J'avais déjà couru il y a deux ans contre lui, nous roulions à des temps identiques et au même rythme. C'était cool. Je suis ravi d'être avec lui sur la boîte.

Est-ce un nouveau palier dans ta carrière ?
Bien sûr. J'ai vécu de grands moments ces dernières années. Battre le record de l'heure m'a permis d'intégrer British Cycling. La médaille d'or à la poursuite par équipes jeudi était également un grand moment. Nous avons couru parfaitement. Nous avons établi un nouveau record national, nous pouvons être fiers de notre performance. Cela comptait pour moi de montrer que je pouvais décrocher une grande victoire en individuel.

« DEVENIR PLUS ÉGOÏSTE »

Quelles sont tes limites ?
C'est une question intéressante. Beaucoup de choses peuvent se passer. Je ne sais pas combien de temps je pourrai continuer cette vie. Il faut trouver le bon équilibre entre mon boulot, ma femme, mon enfant et le vélo. Dans sept mois, il y a les Jeux Olympiques de Paris, je vais essayer d'être un peu plus égoïste en vue de cette échéance. Je crois qu'il est temps de trouver ces limites.

Tu seras toujours comparé à Filippo Ganna, avec qui tu travailles…
Nous avons des performances similaires. Mais nous sommes complètement différents physiologiquement en stature et en puissance. Nous abordons les courses différemment. J'ai une démarche scientifique. Filippo est très passionné, très Italien. Il est très fier de mon approche et je suis fier de la sienne. Il y a beaucoup de façons différentes de performer. Avec mon approche, je peux continuer de progresser et passer devant lui aux JO et au Mondial l'an prochain. 

« JE DIRAIS NON À UNE CARRIÈRE SUR LA ROUTE »

Ce début de saison sur route n'est-il pas trop intense pour toi chez INEOS-Grenadiers ? 
J'ai un rôle d'ingénieur. Les physiologistes et les coachs s'occupent actuellement des plans et des données d'entraînements. Mon rôle est de m'occuper tout au long de l'année de l'allure en contre-la-montre, des choix de l'équipement, de l'aérodynamisme et de la position. C'est mon boulot à temps complet. J'ai le soutien total de l'équipe pour mon projet personnel sur la piste. Ils me laissent carte blanche, c'est incroyable d'avoir un employeur qui m'offre de telles libertés. C'est bénéfique aussi pour l'équipe. Ce que j'apprends lors de ma propre préparation, j'en fais profiter les coureurs de l'équipe. Je suis très passionné par ce que je fais, on travaille main dans la main.

Rêves-tu d’intégrer l’équipe sur route ?
Non, même si je pourrais peut-être le faire un jour comme stagiaire. Mais non, je n'ai jamais eu ce rêve. Cela semble étrange car pour beaucoup de monde, c'est le sommet. On peut gagner beaucoup d'argent en courant et atteindre de grands succès, mais je crois que ma manière d'aborder le sport me permettrait de devenir un coureur WorldTour. J'adore courir sur la piste car c'est très scientifique. Tu peux améliorer toutes les composantes. Sur la route, on perd le contrôle car l'approche est moins scientifique. Puis, il y a le style de vie que je n'apprécierais pas. Avec les voyages, ils sont souvent loin de leur famille et de leurs amis. Il peut faire froid, humide et quand tu ne gagnes pas, tu n'as jamais la gloire. Je ne suis pas un de ces héros comme Geraint Thomas. Si on m'offrait la possibilité de courir sur route, je dirais probablement non.

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