David Boucher : « J'ai juste de l'amour propre »

Depuis plus de dix ans, il constitue une figure incontournable du peloton professionnel. Ses longues journées en échappée ou à emmener le peloton pour favoriser le succès de son leader ont forgé sa réputation d'infatigable baroudeur. A 35 ans, David Boucher, Français de naissance et Belge d'adoption, reviendra en 2016 dans le peloton amateur, chez Crelan-Vastgoedservice. Mais pas juste pour un dernier baroud d'honneur. DirectVelo.com a rencontré un coureur, qui malgré avoir traversé un automne compliqué, a conservé ses ambitions et une rage de vaincre intactes.

DirectVelo.com : A 35 ans, longtemps dans l'expectative, tu n'as jamais pensé à tout arrêter ?
David Boucher : Jamais. Je n'ai jamais pensé à arrêter ma carrière. Je ne voulais pas finir comme ça, je ne me sens pas encore prêt à raccrocher ainsi. J'ai promis à mon fils d'arrêter d'ici deux ans. Il a cinq ans, et il commence à trouver ça amusant ! Mais je ne vais pas me cacher : c'est dommage de revenir au niveau amateur.

Tu as pourtant longtemps continué à espérer un contrat pro...
J'ai discuté avec de nombreuses équipes, sans jamais perdre espoir. Jusqu'à mercredi passé. Il me restait 80% de chances de retrouver une place en WorldTour, mais visiblement, les 20% ont fait pencher la balance. Ça a été un coup sur la tête, mais je veux me battre jusqu'au bout.

« JE N'AI RIEN A PROUVER A PERSONNE »

Avec un sentiment de revanche à prendre ?
Je n'ai rien à prouver à personne. J'ai juste de l'amour propre, pour montrer à certains qu'ils ont fait de mauvais choix.

Tu n'as toujours pas digéré les dernières semaines avec la FDJ, où tu avais dû quitter l'Eneco Tour en cours d'épreuve pour avoir pris l'échappée sur la troisième étape...
Avec l'équipe, nous avions atteint le sommet, en ramenant 30 à 35 victoires par an. Mais sous prétexte d'une année moins fructueuse, on décide de tout changer, c'est dommage. En football, quand ça ne fonctionne plus, on change le coach, pas les joueurs ! Pendant trois ans et demi, c'était top, il n'y à rien à redire. Mais quand on m'a annoncé que je n'étais pas prolongé, on a joué cartes sur table. A la veille de l'Eneco Tour, c'était défini : je prenais les échappées, puis je disputais la Vattenfall Classic et si je ne recevais pas de contrat dans une autre formation, ma saison s'arrêtait là. Mais finalement, j'ai pris l'échappée et on m'a dit que si je n'attendais pas le peloton, je rentrais à la maison. J'estime n'avoir jamais désobéi.

Crelan-Vastgoedservice, une équipe néerlandophone, t'a ouvert ses portes. Un choix surprenant pour un Français naturalisé belge...
Je vis en Belgique depuis de nombreuses années ! De 2000 à 2007, j'ai vécu à Chimay, en Wallonie, avant de revenir un an à Cul-des-Sarts. Mais depuis 2008, je vis en Flandre, sur la frontière linguistique. Mes enfants vont à l'école en Néerlandais, mais à la maison, on se parle français. Mais mon épouse est Flamande, donc je me débrouille pour comprendre ! J'arrive aussi à parler un peu, même si les premiers mots sont les plus compliqués ! Enfin, pour quelqu'un qui n'a jamais eu un cours de Néerlandais de ma vie, je n'ai pas à rougir ! (rires)

« JE PEUX APPORTER UN PLUS A L'EQUIPE »

Dans ta nouvelle formation, tu constitueras le capitaine de route ?
Kevin Hulsmans avait bien commencé cette mission, avant de devenir directeur sportif. Je veux continuer dans la même lignée, en donnant mon point de vue depuis le vélo, pour conseiller les jeunes, les aider à se placer... Je pense que je peux vraiment leur apporter un plus, surtout sur les épreuves flandriennes. Je ferai le boulot à 200%, s'il faut emmener un garçon au sprint,... Mais si je reçois ma chance, je ne la laisserai pas filer.

Les mauvaises langues diront qu'on ne s'improvise pas leader à 35 ans...
N'oubliez pas qu'avant que je passe professionnel, dans ma dernière année Espoir, j'ai accumulé une quinzaine de succès. Je me sens prêt pour ce rôle : je ne ressens aucune pression, je n'ai rien à perdre ! Les distances seront plus courtes, ce sera un peu spécial au début, mais le niveau ne sera pas pour autant moins élevé.

Tu auras par ailleurs l'occasion de disputer quelques Flandriennes, comme Kuurne, les Trois Jours de Flandre Occidentale, la Nokere Koerse, ou les Trois Jours de La Panne.
Ce calendrier professionnel me tenait à cœur, même si je le combinerai avec quelques kermesses afin de garder du rythme sans devoir m'asséner de longues sorties d'entraînement. Sur ces épreuves, usantes, et avec un chrono court, je devrais pouvoir m'illustrer. J'ai toujours du bosser pour Arnaud (Démare) ou d'autres, mais ici, en pouvant attendre dans les roues, je pense pouvoir m'illustrer dans la finale. J'aborderai les épreuves autrement, en tentant d'arriver le plus loin possible.

« CELA VA ME FAIRE TRES MAL DE MANQUER LE RONDE ET ROUBAIX »

Manquer Paris-Roubaix et le Tour des Flandres, par contre, sera très douloureux...
Cela va me faire très mal, c'est sûr ! Pour Roubaix, j'ai déjà regardé, je pense que je serai au Circuit des Ardennes. Ce n'est pas une épreuve qui me convient, au vu du dénivelé, mais cela sera moins douloureux que de regarder Paris-Roubaix depuis mon canapé. Le Ronde et Roubaix, ce sont des courses mythiques. J'en garderai des souvenirs fantastiques, surtout de mes échappées. Au Ronde, voir la foule s'écarter juste devant toi, comme dans un entonnoir, sur des nationales de plus de 20 mètres de large, c'est juste impressionnant : une véritable marée humaine. J'ai juste un petit regret : si j'avais su que 2015 était ma dernière année en WorldTour, j'en aurais profité différemment, encore plus.

Tu ne crois plus à une participation en 2017 ?
Si, forcément, j'espère encore. Mais avec la conjoncture actuelle dans le cyclisme, c'est fortement compromis. Les équipes préfèrent engager des jeunes talents que des vieux papys, comme moi. Je ne me voile pas la face : repasser en WorldTour est quasi infaisable. Par contre, pourquoi pas aider l'équipe à grandir et d'ici deux ou trois ans passer en Conti Pro ? Ce serait une belle satisfaction.

On te verra encore à 44 ans sur ton vélo, comme Davide Rebellin ?
Oh non, pas question ! Quand je vois mon père rouler en Masters, en ECW, je me dis que je ne saurais pas faire ça ! Peut-être que je continuerai jusqu'à 38 ou 39 ans, mais pas plus. D'abord, ce n'est pas idéal pour ma santé. Quand je ne me sentirai plus capable, je n'insisterai pas. Puis je suis papa d'un petit garçon de cinq ans et demi et d'une petite fille qui aura trois ans en janvier. Je ne les ai pas vu faire leurs premiers pas, j'ai raté des fêtes, des anniversaires,... Je n'ai aucun regret, mais je tiens à les voir grandir.

« MA SAISON S'ANNONCE TRES LONGUE »

Cet hiver, on t'a vu enchaîner deux victoires en randonnée VTT, t'essayer dans le sable au cross de Tom Boonen,... de nouvelles passions ?
Avant de passer pro, j'ai beaucoup pratiqué le cyclo-cross, donc ce n'est pas une véritable découverte. J'appréciais également le VTT, mais je n'avais plus de machine. Cet hiver, je n'ai presque pas coupé, juste une dizaine de jours pour partir en vacances. Ici, un marchand de vélo m'a proposé un partenariat pour me fournir un VTT, et comme j'ai encore une bonne condition, j'ai vraiment retrouvé du plaisir dans la boue. Je m'éclate ! Avec un 29 pouces, c'est génial !

Le plaisir : ton nouveau gouvernail ?
C'est vrai que maintenant, je m'amuse en faisant diverses activités : j'adore aller nager, je vais disputer quelques courses du plage à la fin du mois, des cyclo-cross flamands en janvier,... Mon hiver est loin d'avoir été serein, donc faire du sport me permettait d'être seul, de m'évader. Avant, j'avais un chien avec lequel je partais me promener cinq, dix kilomètres. Mais il est mort au printemps, et je n'ai plus envie de partir marcher seul. Je suis parti rouler quelques fois avec Nio, mon fils, mais à cinq ans et demi, on ne roule pas longtemps ! J'ai plus de temps pour moi.

Pas de stage à l'horizon ?
Ce lundi, il faisait encore 15 ou 16 degrés au soleil chez moi, c'est plutôt agréable ! J’enchaîne les heures de fond en Belgique, mais je ne veux pas en faire de trop. Les courses sont encore dans trois mois ! S'il fait mauvais ou que je n'ai pas trop envie, je ne me force pas à aller rouler. J'ai constaté que l'an passé, j'étais déjà entamé aux premières courses, car j'avais fait trop d'intensité en stage. Donc je veux prendre mon temps, ma saison s'annonce très longue ! Je partirai peut-être quelques jours avec Zico Waeytens en Espagne. Mais un stage dans les Asturies fin janvier, avant un camp d'entraînement collectif en février figurent déjà à mon agenda.

Crédit photo : Maxime Segers - www.directvelo.com
 

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de David BOUCHER