Sécurité : Interdire aux motos de dépasser ?

Crédit photo Maxime Segers - DirectVelo.com

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La multiplication des accidents en course mêlant les véhicultes motorisés et les coureurs n'a cessé d'attiser les réactions au sein du peloton.
Pour apporter des réponses et des débuts de solutions, la Ligue Vélocipédique Belge, la RLVB, a convoqué, mercredi dernier, les multiples acteurs du monde du cyclisme pour une table ronde. Au programme, deux heures d'échanges entre organisateurs, coureurs, directeurs sportifs, représentants des fédérations et même de la police et du ministère de l'Intérieur.
DirectVelo vous propose jeudi et vendredi, une série d'articles qui dressent le bilan de ces échanges.

Deuxième thème : Les dépassements des motos signaleurs

"Il est bien trop aisé d'accuser les motos, chacun a sa responsabilité", pose d'entrée Tom Boonen. Certes, les motards sont indispensables au bon déroulement d'une épreuve cycliste mais le dépassement du peloton, par les motos-signaleurs, comme au Tour de Belgique (lire ici), devient une préoccupation principale. Déjà, le règlement de la RLVB limite ces dépassements (1).

UN COORDINATEUR

La mise en place obligatoire d'un régulateur sur une moto, installé derrière le peloton dont il gère les dépassements, permettrait d'éviter certaines manoeuvres hasardeuses et périlleuses. "Avec des formations adaptées et surtout, la mise en place d'un code, de signes internationaux. Afin d'éviter d'utiliser, pour avertir d'un dépassement, le chant du coq en Wallonie et le rugissement du lion en Flandre", ironise Tom Van Damme, Président de la RLVB et par ailleurs président de la Commission Route de l'UCI.

Autre avantage, pour les coureurs cette-fois : une communication accrue, par l'intermédiaire des directeurs sportifs. "Aujourd'hui, lorsque j'entends un coup de klaxon, je sais qu'un véhicule, au moins, remonte le peloton. Mais s'il y en a un, ou dix, je ne peux pas le dire. Le régulateur pourrait, via les directeurs sportifs, nous faire passer l'information via l'oreillette : 'Attention, dix motos vous dépassent'. Cela apporterait de la sérénité", propose Tom Boonen.


DES ZONES DE DEPASSEMENT

L'initiative a notamment été lancée par Nick Nuyens, qui gère la Napoleon Games Cycling Cup, sur la Heistste Pijl, une semaine après le Tour de Belgique. L'organisateur définit, lorsqu'il trace le parcours, des zones de dépassement, qu'il indique sur le guide technique et au bord de la route, par des panneaux. Vert lorsque le dépassement est autorisé, rouge lorsqu'il est interdit. "Restera au régulateur, ou au commissaire derrière le peloton, à confirmer l'autorisation en fonction de la situation de course", avance Philippe Mariën, Président de la commission sécurité de la RLVB et commissaire UCI.

La configuration du terrain influence les possibilités de dépassement. Non seulement, le dénivelé (plus simple, en général, de doubler en montée qu'en descente rapide) mais aussi les types de chaussées empruntées "avec parfois de longues grands routes en Espagne ou en France, tandis qu'on se retrouve avec de nombreux croisements en Belgique ou aux Pays-Bas", décrypte Mariën.

Le prochain Tour de Wallonie planche en ce moment-même sur la mise en place d'un régulateur en course. "Nous étudions les parcours et réalisons un roadbook afin que le régulateur, qui sera placé derrière le peloton, connaisse précisément le parcours", détaille Christophe Brandt, l'organisateur. "Il connaitra ainsi les zones où il est plus aisé de dépasser, mais aussi totalement impossible."

INTERDIRE COMPLETEMENT LES MOTOS ?

La mesure est sans appel aux Pays-Bas : AUCUNE moto de signaleur mobile ne peut remonter le peloton. "Idéal, mais très compliqué à mettre en place chez nous", juge Mariën. Les effectifs mobilisés sont colossaux : jusqu'à 80 motards par épreuve, contre, par exemple, 25 sur le dernier Tour de Belgique.

"Augmenter le nombre de motards en course n'est pas un problème", estime Boonen, "tant qu'ils ne sont pas omniprésents autour du peloton." "S'il y a plus de motards que nécessaire, ils disposent de plus de temps pour remonter le peloton, ont moins de pression sur les épaules et ne doivent pas dépasser à tout prix", calcule Maxime Monfort, professionnel depuis 2004.

Outre les signaleurs, que faire des motards de la presse, télévision et photographes ? "Je me sens plus en sécurité avec un photographe à mes côtés, car je sais son pilote expérimenté et plus habitué aux courses, que certaines moto sécurité. Le danger n'est pas là", assure l'Ardennais de Lotto-Soudal.

DES ITINERAIRES ALTERNATIFS

Pour diminuer les manoeuvres autour du peloton, il faut mettre en place des voies de recoupement aisées pour les motards. Ce dispositif existe déjà aux Pays-Bas. Il nécessite une préparation de la part des organisateurs. "Quitte à effectuer quelques petits détours", concède Boonen.

Reste à assurer la sécurité, des motards cette fois, qui se verraient confrontés à des routes complètement ouvertes à la circulation et donc périlleuses pour rejoindre l'itinéraire de la course.

A court terme, la priorité est la régulation des remontées du peloton. "Une distance de sécurité, frontale et latérale entre le motard et les coureurs doit être respectée", tranche Monfort. "Mais les vitesses de dépassement doivent aussi être limitées. Cinq à dix kilomètres par heure plus vite que le peloton, afin que, si un contact doit se reproduire, les dégats soient limités."

(1)  Le règlement des épreuves sur route de la RLVB au 1er janvier 2016 stipule dans son article 102.14 que quinze motos maximum sont autorisées dépasser un peloton de plus de quinze unités sur les épreuves UCI Hommes Elites. (WT, HC, .1, .2). De plus, "pendant  les  10  derniers  km des épreuves en ligne ou lors des circuits locaux finaux, les signaleurs à moto ne peuvent plus dépasser des coureurs."

 

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