Audrey Cordon-Ragot : « J'étais au fond du trou »

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

De la frustration, de l'incompréhension, et finalement des larmes de joie à l'arrivée du Championnat d'Europe contre-la-montre Elites Dames, dont elle a pris une très honorable 5e place. Audrey Cordon-Ragot est passée par tous les états ces derniers jours. Très touchée par son échec aux Jeux Olympiques, la Bretonne s'est fortement remise en question sur son niveau sportif. En réalité, elle a récemment appris qu'elle avait souffert d'une toxoplasmose. C'est très émue et les larmes aux yeux, mais beaucoup d'ambition pour l'avenir, que la Championne de France chrono a répondu aux questions de DirectVelo après l'arrivée. 

DirectVelo.com : En début de semaine, tu nous disais ne pas avoir de pression ni d'objectif précis en tête pour ces Championnats d'Europe (lire ici). Etait-ce du bluff ?
Audrey Cordon-Ragot : Franchement, je ne savais réellement pas quoi espérer, même si je savais que j'avais de bonnes jambes en ce moment. En fait, depuis que j'ai appris que ce qui s'est passé cet été n'était pas vraiment de ma faute, que j'étais malade, et qu'il y avait une raison à mes contre-performances, j'ai essayé de me remettre en question et maintenant, ça va mieux...

« TELLEMENT DE SACRIFICES ET DE GALERES... »

De quelle maladie est-il question ?
J'ai contracté une toxoplasmose courant juillet et j'ai été embêtée jusqu'aux Jeux Olympiques de Rio. Je n'étais pas du tout à mon niveau. J'ai enfin pu comprendre ce qu'il m'est arrivé et ça me rassure beaucoup. Moralement, ça change tout. Désormais, je me dit que tout le travail effectué depuis des années n'a pas été fait pour rien. J'ai fait tellement de sacrifices, et j'ai connu tellement de galères que ça fait du bien au moral de retrouver des sensations, et de le concrétiser en faisant un Top 5 ici.

D'autant que désormais, tu vas être en mesure de revoir tes ambitions à la hausse ?
Oui ! C'était tellement frustrant, je ne comprenais pas pourquoi je n'y arrivais pas. Ce que j'ai fait aux Jeux Olympiques était tellement difficile à accepter que d'arriver à faire ce résultat au Championnat d'Europe, face aux meilleures mondiales, me fait beaucoup de bien. Ce n'est pas une performance anecdotique, c'est une vraie performance. Je suis fière de ce résultat, d'autant que c'était à Plumelec, chez moi. A Nice, ce n'aurait pas été la même chose. Là, c'est sans doute encore plus fort à vivre. Je me dit que je n'ai, par exemple, pas été Championne de France par hasard.

« J'AI UNE REVANCHE A PRENDRE »

Tu sembles avoir énormément douté ces derniers temps...
(En pleurs) Lorsque je suis rentrée des Jeux Olympiques, j'étais au fond du trou. Heureusement, j'ai eu la chance d'être entourée par une famille, un mari et des amis formidables. C'est grâce à eux qu'aujourd'hui, je suis sur ces Championnats d'Europe et non pas sous anti-dépresseurs. Sincèrement, je n'étais vraiment pas bien et ça aurait pu arriver. Du coup, je réalise aussi que le plus important, c'est la famille et les amis. Le vélo, c'est mon métier mais ça ne fait pas du tout. Il y aura une vie après, et les J.O m'ont fait réaliser que le vélo est une chose, mais que la santé et les proches en sont une autre.

On te sent extrêmement déterminée à faire de grandes choses dans les semaines et mois à venir ?
Oui ! Je suis prête à signer un contrat de quatre ans là ! J'ai une revanche à prendre. Je n'ai pas été à ma place sur ces Jeux, malgré tant de sacrifices, que je ne peux pas accepter de rester sur ce type d'échecs. C'est pour ça que cette 5e place me fait tant de bien. D'ailleurs, je ressens beaucoup d'émotions actuellement.

« 2017 DOIT MARQUER MA RENAISSANCE »

Tu penses déjà à des objectifs futurs ?
Je pense à 2017 ! Je n'ai plus envie de me prendre la tête, je veux prendre du plaisir sur le vélo, aller à l'entrainement avec mes copains... Pour moi, la saison prochaine doit marquer ma renaissance.Maintenant, je veux m'amuser. C'est quelque chose que j'avais perdu et que je devais absolument trouver. Et là, c'est un immense plaisir de retrouver ce type de sensations.

Tu avais le sentiment de passer à côté de l'essentiel ?
J'étais trop dedans. Je me suis mis tellement de pression d'enfer, en faisant croire que tout allait bien... en réalité, ça n'allait pas. J'ai sacrifié des courses sur lesquelles j'aurais pu marcher, pour au final repartir bredouille des J.O. Je ne veux plus vivre ce genre de moments.

« EN FRANCE, IL A TOUJOURS FALLU QUE JE PROUVE... »

Tu nous parlais régulièrement des J.O depuis de nombreux mois... n'as-tu pas le sentiment de t'être trop focalisée sur un seul et même évènement ?

J'avais ces J.O en tête depuis trop longtemps. Si c'était à refaire, j'aurais accordé beaucoup moins d'importance à ces J.O. Il fallait y aller détendue et sans stress, en se concentrant d'abord sur les courses précédentes. Moi, je voulais être tout le temps bien, mais aussi prouver que j'avais ma place sur ces J.O. D'ailleurs, c'est aussi ce qui m'a mis dans le dur.

C'est-à-dire ?
En France, il a toujours fallu que je prouve que j'avais ma place dans les sélections. L'Equipe de France et les choix faits ont été tellement critiqués que ça met une pression encore plus grande. A chaque fois, je me disais "il faut que je prouve, je prouve encore et encore..." et au final, j'ai passé plus de temps à chercher à prouver que j'avais ma place, qu'à réellement performer. Et ça, c'est très dur. Je ne veux plus de ça. Si je suis en sélection, tant mieux, sinon tant pis. Ca se fera tout seul.

« CETTE PERFORMANCE, C'EST AUSSI POUR PAULINE »

Tu disais avoir été touchée par ta contre-performance à Rio, mais tu sembles également avoir été blessée par les critiques...
Bien sûr ! Avec Pauline (Ferrand-Prévot), on en a pris plein la tronche. D'ailleurs, cette performance aujourd'hui (jeudi), c'est aussi pour Pauline. Je pense à elle. On s'est retrouvé dans le même bateau et actuellement, elle a besoin qu'on la soutienne. Il ne faut pas l'enfoncer. C'est un talent à l'état pur. Il faut la soutenir, elle a besoin de nous. Or, je reproche aux médias et aux supporters de la rabaisser. En tout cas, j'aurai montré à Pauline que j'ai pu remonter la pente après ma contre-performance aux J.O. Et je veux lui dire que, elle aussi, en est capable. Elle reviendra, c'est sûr.

On parlait de 2017 mais à très court terme, il y aura quelque chose de beau à faire ce week-end...
Tout le monde est motivé. On a une grosse équipe, à domicile, avec un public acquis à notre cause. Ce sera un grand moment. Il faut que l'on profite de tout ça, au-delà de la performance. On ne peut pas être mieux qu'à Plumelec. Et puis, il n'y a aucune pression à avoir. On a déjà trois médailles. J'ai fait 5e aujourd'hui. On est dans une bonne dynamique. 


Audrey Cordon : « C'était vraiment énorme » par directvelo

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