Un « plaisir fou » pour Damien Gaudin

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Ce dimanche, Damien Gaudin a remporté le Circuit de la Vallée de la Loire, une Elite Nationale de 164 kilomètres sur les routes de la Loire-Atlantique (voir classement). Une première depuis près d'une décennie pour un coureur qui est professionnel depuis 2008. Redescendu, à l'intersaison, au rang Continental avec l'Armée de Terre suite à trois saisons chez AG2R La Mondiale, le coureur de 30 ans dit avoir retrouvé beaucoup de plaisir à alterner courses pros et amateurs en ce mois de février. Une situation qui ne l'empêche pas de continuer à voir les choses en grand. L'ancien vainqueur d'une étape de Paris-Nice et de Cholet-Pays de Loire, 5e de Paris-Roubaix 2013, fait un point complet avec DirectVelo.

DirectVelo : Tu as réalisé un gros numéro ce dimanche sur le Circuit de la Vallée de la Loire...
Damien Gaudin : La course n'avait pourtant pas débuté de la meilleure des façons pour moi puisque je suis tombé après 20 kilomètres en glissant de la roue avant sur une chaussée humide rendue encore plus glissante par du gazole. Sur le coup, j'ai pris un petit coup derrière la tête car je n'étais pas venu pour ça. Je me suis refait une petite santé en queue de peloton pendant quelques kilomètres et entre temps, un gros groupe de 20 est sorti. Il y avait beaucoup de coureurs du Vendée U et de l'UC Nantes Atlantique devant et l'écart est monté à 1'30". Personne ne roulait à l'arrière et je me suis dit qu'il fallait y aller.     

« A VINGT CONTRE UN... »

Tu avais 1'30" à boucher lorsque tu es sorti seul : tu devais te sentir très fort ?
C'est surtout que je n'avais pas vraiment le choix. Le peloton était en train de s'enterrer. Je ne me suis jamais affolé mais j'ai senti que c'était le moment pour sortir : j'en ai mis une grosse dans une bosse et personne n'a suivi; Je connaissais le circuit et lorsque j'ai attaqué, je savais que j'avais seize kilomètres et deux-trois bosses raides pour rentrer car après, c'était des grandes lignes droites venteuses. A vingt contre un, je n'aurais pas eu de grandes chances de rentrer. Finalement, j'ai pu rentrer deux-trois kilomètres avant la fameuse zone en question.

Puis il y a eu beaucoup d'attaques dans les 50 derniers kilomètres ?
Une fois devant, j'ai fait mon travail avec le reste des échappés. Ils étaient surpris de me voir rentrer et je ne voulais pas désorganiser le groupe alors j'ai collaboré normalement. Mais c'est vite devenu un duel entre le Vendée U et Nantes. A chaque fois que des mecs attaquaient, je me retrouvais à faire l'effort et du coup, je grillais des cartouches. Au bout d'un moment, je me suis dit que la meilleure solution était d'attaquer moi-même. Je me suis retrouvé devant avec le petit jeune du Vendée U, Mathieu Burgaudeau. Je le sentais plus fatigué que moi dans les relais mais je n'ai rien calculé : on a roulé ensemble jusqu'à l'arrivée puis on s'est disputé la victoire au sprint et à la pédale.

« JE TRAVAILLE TOUJOURS AUSSI SÉRIEUSEMENT »

Que signifie ce succès pour toi ?
Il est important même si c'est sur une Elite Nationale. L'équipe avait un front sur les Boucles Drôme-Ardèche et de mon côté, il était prévu que je fasse une grosse sortie d'entraînement le dimanche. Mais je m'étais dit que tant qu'à faire, il était encore mieux de courir. C'était une course à côté de la maison, je courais en individuel et des proches sont venus me voir. Alors je ne voulais décevoir personne et je venais clairement pour gagner.

Cette victoire est dans la logique et la continuité de ce que tu avais réalisé sur les Plages Vendéennes début février avec trois Top 5...
Le forme est là. Même si je suis descendu en Continental, je travaille toujours aussi sérieusement et j'ai autant de kilomètres au compteur que les autres hivers. A vrai dire, je me sens même encore un peu plus en forme que les années précédentes à la même époque. Les sensations étaient déjà intéressantes sur l'Etoile de Bessèges et j'avais d'ailleurs été devant sur l'étape reine au milieu des grimpeurs. Je me suis fait plaisir aux Plages dont j'ai disputé quatre épreuves, même si je m'y suis rendu uniquement suite à l'annulation de La Méditerranéenne. En plus, quatre jeunes de l'équipe ont passé plusieurs jours à la maison et niveau partage, c'était vraiment sympa. Avec le mois de février que j'avais eu, je me doutais bien que la condition n'allait pas partir ce dimanche.

« LE GROS CHANGEMENT, C'EST L'ÂGE DES COUREURS »

Tu expliques avoir été sur les Plages Vendéennes uniquement en remplacement de La Méditerranéenne puis sur le Circuit de la Vallée de la Loire en voisin : il ne faut donc pas y voir une envie de venir régulièrement sur les courses amateurs ?
C'est simplement une façon de bien travailler mais en effet, je ne devrais plus m'aligner sur la moindre course amateur jusqu'au Championnat de France en juin prochain, à moins qu'il y ait des imprévus. Mais ça n'enlève rien au plaisir que j'ai eu de disputer ces courses-là. Le fait d'être notamment échappé avec le petit Burgaudeau dimanche m'a rappelé beaucoup de souvenirs. Je me suis revu dans la même situation, lorsque je portais le maillot du Vendée U chez les Espoirs, avec Jean-René (Bernaudeau). Ça m'a vraiment fait plaisir de revivre ces moments-là, sur des courses amateurs où l'on peut tout faire péter (sourires). Il y avait même presque un peu de nostalgie. C'était très sympa.

Du peu que tu en as vu en février, trouves-tu que le peloton amateur a changé, en comparaison avec celui que tu as connu il y a désormais dix ans de cela ?

Le gros changement, c'est l'âge des coureurs. Je trouve que le peloton est très jeune. A mon époque, tu avais vraiment deux-trois anciens dans chaque DN alors que maintenant, ce n'est plus toujours le cas. Quand j'ai vu les coureurs du Vendée U, j'ai trouvé tous les mecs super jeunes. Mais je n'ai pas été très surpris car quand tu regardes les résultats des derniers Championnats de France amateurs, tu te rends compte que ce sont des Espoirs qui gagnent. Il y a dix ans, c'était toujours des vieux roublards.

« LE CYCLISME AMATEUR, C'EST CELUI DE L'ATTAQUE ET DU PANACHE »

Les courses amateurs, c'est le vélo que tu aimes ?
On est loin des courses stéréotypés du WorldTour où il faut toujours travailler pour un même mec pendant des jours voire des semaines sur les Grands Tours. Le cyclisme amateur, c'est celui de l'attaque et du panache à la Voeckler. C'est ce que j'ai appris dans l'école du Vendée U avec Jean-René Bernaudeau.

Tu dis te faire plaisir et pourtant, certains regrettent ta présence sur des épreuves amateurs face à des gamins de 19 ans, étant donné ton expérience et ton talent : comprends-tu ce discours-là ?
C'est vrai que parfois, on me demande ce que je fais là, moi qui sors du WorldTour. Mais j'ai le droit de participer aux courses que je veux. Je fais le même vélo que les autres et je prends autant de plaisir que les gamins à rouler. Ce week-end, j'ai été le plus fort mais j'aurais aussi pu faire 5e et là, tout le monde aurait dit "Gaudin n'a pas le niveau". D'ailleurs, je me suis fait battre aux Plages. Je ne suis pas le mec le plus fort du peloton, j'ai juste envie de m'amuser. Et je pense qu'un mec comme Burgaudeau a apprécié son échappée avec moi dimanche. D'ailleurs, il me l'a dit à l'arrivée. Et je sais qu'à l'époque, j'aimais me retrouver à bagarrer avec des mecs expérimentés. Sans doute que dans deux ou trois ans, un mec comme Mathieu Burgaudeau sera dans le peloton pro avec moi, si j'y suis encore, et qu'il me battra.

« JE PENSE AVOIR LE NIVEAU WORLDTOUR »

On peut donc être heureux comme un Espoir 1ère année de gagner une Elite Nationale même au bout de dix années chez les pros et une victoire d'étape sur Paris-Nice ou un Top 5 sur un Paris-Roubaix ?
Et pourquoi pas ! J'ai pris un plaisir fou à gagner ce week-end, à faire la course et à voir des coureurs de partout. Je peux être heureux de ce que j'ai fait. En plus, je pense qu'il y a des coureurs qui courent actuellement dans le WorldTour et qui ne seraient pas forcément capables de faire ce que j'ai fait dimanche. Alors oui, je pense avoir le niveau WorldTour et le niveau pour être encore parmi les meilleurs sur de très grandes courses. Mais je sais aussi rester humble et aujourd'hui, je suis très heureux en troisième division à l'Armée de Terre.

Tu as encore des ambitions à long terme chez les pros ?
Je rêve de remonter au niveau au-dessus. J'adorerais que l'équipe de l'Armée de Terre monte en Continentale Pro en 2018 et qu'on dispute une course comme Paris-Roubaix. Si c'est le cas, j'irai toujours sur cette course pour essayer de la gagner.

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