On a retrouvé : Sébastien Bergeret

Crédit photo Marine Grolier

Crédit photo Marine Grolier

Le 3 octobre 2012, la vie de Sébastien Bergeret bascule. À la veille de la 62e édition de Paris-Bourges, alors qu'il est dans le train pour se rendre à la course, le stagiaire de la FDJ-BigMat apprend qu'il est victime de la maladie de Crohn, une maladie du système digestif incurable. Brisé, son rêve de passer professionnel s’effondre. ''Quand je l'ai appris, c'était en quelque sorte une petite mort'', regrette l'ancien sociétaire du VC Toucy. Pourtant le sprinter nivernais refuse de ranger le vélo et rempile pour deux saisons au CC Etupes en 2013 puis au CR4C Roanne en 2014 avant de raccrocher, définitivement. Aujourd'hui éloigné des pelotons, le 8e de Paris-Roubaix Espoirs 2011 se replonge dans les souvenirs de sa carrière et de son difficile ''retour à la réalité'' pour DirectVelo.

DirectVelo : Comment as-tu fait pour accepter le diagnostic du médecin t'annonçant que tu souffrais de la maladie de Crohn ?
Sébastien Bergeret : Au début, je ne l'ai pas accepté. Tu te dis que tu es plus fort que tout le monde et que cela ne va rien te faire mais au final, c'est la nature. J'ai cette maladie depuis la naissance. J'ai eu quelques crises petit mais c'est une maladie à retardement. Son déclenchement a été progressif. En 2012, j'étais à haut-niveau donc la moindre gêne inquiète. J'ai fait des tests et les médecins ont vu que je perdais du sang dans l'estomac. Pourtant, même après le diagnostic, j'y croyais encore mais les équipes professionnelles ferment leurs portes quand on a une telle maladie. Sur le coup, c'est l'aplatissement du sportif. Tu comprends que la chose principale de ta vie devra être autre chose.

Tu as pourtant décidé de poursuivre ta carrière dans les rangs amateurs au CC Etupes, puis au CR4C Roanne, en 2013 et 2014...
J'aimais ça. Le vélo, malgré tout, c'était ma vie. La première année, je croyais encore pouvoir passer professionnel mais la deuxième, j'ai compris que c'était fini. J'ai passé une super année à Roanne mais je me suis fait une raison. J'ai décidé de tourner la page.

À quel moment as-tu pris cette décision ?
C'était sur une course, au Tour Nivernais Morvan où j'étais à domicile. J'étais à la rue, j'avais été malade et j'avais une baisse de forme. J'ai connu quatre jours très difficiles, c'était la galère. Je me suis dit qu'il fallait trouver autre chose.

Sur un coup de tête ?
Du jour au lendemain, je me suis dit que c'était terminé. La vie a repris le dessus et je savais que je devais vivre pour autre chose. Je me suis demandé ce que j'allais faire et j'ai vu que le secteur commercial me plaisait. Un matin, j'ai mis mon costard et j'ai pris ma mallette pour aller trouver du boulot et faire un BTS en alternance. Je n'avais que mon expérience dans le monde du vélo et mon caractère à vendre pour me faire embaucher. Trois semaines plus tard, j'avais trois réponses positives. Je me suis fait engager chez Tereva, une entreprise où je travaille encore actuellement.

« ÇA ME RAPPELAIT QUE J'AVAIS ÉCHOUÉ »

Un dur retour à la réalité...
Avec le vélo, on vit un rêve. Il y a parfois des moments délicats mais on fait ce que l'on aime donc c'est agréable. Malheureusement, parfois le rêve prend fin et l'on se réveille. Dans mon cas, j'étais seul, sans personne pour m'aider si ce n'est ma copine et mes parents. Je les remercie. J'avais quelques amis, mais c'est dans ce genre de situation que l'on devine les vrais. Au fond, j'étais seul contre moi-même et je suis rentré dans la vraie vie. Je devais retrouver une voie pour savoir ce que j'allais faire. Je n'étais pas préparé à ça. Heureusement, je pense être un battant et un gagnant. Je suis toujours motivé, ça m'a permis de rebondir rapidement et correctement. Je me suis beaucoup investi dans mon travail, parfois trop.

Il paraît qu'à l'époque, il ne fallait plus te parler de vélo...
Au début, j'étais très aigri, je voyais les autres qui réussissaient alors que moi, je n'avais pas assouvi mon ambition. Ça me faisait vraiment mal au cœur de regarder le Tour de France à la télé. Ça me rappelait que j'avais échoué. Quand ma copine me proposait de regarder du vélo, comme Paris-Tours, je refusais toujours.

Et aujourd'hui, tu as tourné la page ?
Je l'ai tournée mais il y a toujours un marque page. Je pense que même à 80 ans, ce n'est pas possible de totalement accepter ça. À chaque fois que je vais sur une course, ça me donne envie. J'espère qu'un jour, je pourrai trouver le temps de refaire du vélo.

« QUELQU'UN DE JOVIAL »

Qu'est ce que le vélo t'a apporté ?
Tout. C'est vraiment quelque chose de global : ma force de caractère mais aussi mon envie de gagner et de réussir dans la vraie vie. Je crois qu'un coureur hargneux sur le vélo se relance plus facilement après ce genre d'expérience. Je pense être de ceux-là.

Il paraît que tu n'étais pas toujours un coureur sérieux...
Je n'étais pas le plus calme des coureurs. On va dire que je suis quelqu'un de jovial (rires). J'ai pas mal d’anecdotes à raconter. Je me rappelle notamment de certains jeudi soirs trop arrosés avant des week-ends de course... J'ai rencontré beaucoup de monde et d'amis. Ce sont uniquement des bons souvenirs.

Justement, avec le recul tu ne regrettes pas ces « écarts de conduite » ?
Je ne regrette vraiment pas les conneries que j'ai faites. C'était dans mon caractère et ça faisait partie de moi. Ça le fait toujours, d'ailleurs. C'est une partie de ma personnalité qui peut me faire perdre gros mais qui m'a apporté beaucoup plus, notamment en terme de rencontres, de chances et d'opportunités.

« ACCEPTER MON SORT »

Quel est ton rapport avec le vélo, désormais ?
L'an dernier, j'ai encadré les Juniors de l'Amicale Cycliste Bisontine. Maintenant je contacte des coureurs professionnels ou amateurs afin de leur faire connaître Nouvelle Trajectoire. C'est une entreprise spécialisée dans le coaching mental, la reconversion professionnelle, le stage cohésion pour les équipes et la sensibilisation à l'après-carrière sportive. Je veux montrer aux coureurs qu'il est possible d'associer la préparation à la reconversion avec les performances sportives. J'essaie d'apporter quelque chose aux mecs.

Comment ce projet a-t-il germé dans ton esprit ?
C'est avec la rencontre de  Jean-Pierre Azemar. Il m'a beaucoup apporté. Il avait alors pour projet de lancer Nouvelle Trajectoire et m'a redonné goût au vélo. Il m'est rentré dedans quelques fois et m'a remué. Il m'a fait ouvrir les yeux et accepter mon sort. Ça m'a aidé à me relancer. J'ai décidé d'aller avec lui, pour parler de ce qu'il m'était arrivé. De là est née Nouvelle Trajectoire, j'ai vraiment cru en son projet de par mon expérience.

« REJOUER UN RÔLE DANS LE CYCLISME »

Tu peux donc transmettre ton vécu maintenant...
Si j'en avais eu la chance, j'aurais aimé profiter d'un tel projet en tant que coureur. Malheureusement, ce n'est qu'une fois dans la vraie vie que l'on prend conscience des vraies choses. On se rend compte que ce n'est pas simple de se reconvertir et que souvent, c'est trop tard. Sachant que le travail prend une grande part de notre vie, autant faire quelque chose que l'on aime. Nouvelle Trajectoire propose la mise en place d'un bilan de compétence personnalisé ainsi que de la sensibilisation pour savoir comment gérer son après-carrière. Nous avons mis en place un suivi personnalisé et une formation, reconnue et financée en partie par l’État, pour permettre au coureur d'effectuer plus facilement la transition entre le monde du vélo et le monde professionnel. L'entreprise est capable d'assurer aussi bien la carrière que l'après-carrière. Nouvelle Trajectoire propose aussi, avec le coaching mental, de relancer les coureurs qui se trouvent dans le doute en les aidant à reprendre confiance en eux.

Le succès est-il au rendez-vous ?
Nous commençons seulement dans le cyclisme mais la mayonnaise prend très rapidement. L'entreprise a déjà largement fait ses preuves dans les autres sports. Il y a une prise de conscience que le futur est aussi important que le présent. Ce projet est en quelque sorte ma contribution au vélo, j'apporte ma pierre à l'édifice. J'espère et je veux rejouer un rôle dans le cyclisme. J'ai envie de transmettre et de partager mon expérience pour aider.

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