La Grande Interview : David Rivière

Crédit photo Julie Desanlis - DirectVelo

Crédit photo Julie Desanlis - DirectVelo

9000 kilomètres séparent la Réunion de la Vendée. Mais David Rivière n’a pas eu froid aux yeux lorsqu’il a pris la décision, à 16 ans, de quitter son île natale pour tenter de faire carrière dans le cyclisme en métropole. Au fil des rencontres, et à force de travail et de résultats, celui qui a aujourd’hui 23 ans a franchi les étapes une par une jusqu’à rejoindre la formation du Vendée U, à l’hiver 2013-2014. Cinq ans plus tard, le Réunionnais porte toujours le maillot rouge-et-blanc et il lui reste encore une étape à franchir, la plus difficile : celle de convaincre ses dirigeants de le faire signer un contrat professionnel chez Direct Energie. Conscient que le temps presse, le lauréat de dix épreuves ces trois dernières saisons dont le Tour du Lionnais, une étape du Tour de Loire-Atlantique ou encore une étape du Tour Nivernais Morvan (Elite Nationale) espère frapper fort lors des prochaines semaines, qui s’annoncent capitales.

DirectVelo : Tu vis actuellement ta cinquième saison sous le maillot du Vendée U et tu fais partie des plus anciens du groupe, puisque né en 1995 : n’as-tu pas le sentiment que le temps presse désormais ?
David Rivière : Si, bien sûr. De toute façon, c’est certainement ma dernière saison au Vendée U. J’espère pouvoir passer à l’étage au-dessus l’année prochaine. Pour cela, il va falloir que les résultats suivent et que je sois à mon meilleur niveau pour prouver que j’ai ma place chez les pros. Je vais essayer de le montrer tout au long de l’année. On va dire que ça a bien commencé avec notamment cette cinquième place à Bordeaux-Saintes pour la première manche de la Coupe de France (il a pris part à l’échappée décisive ce lundi sur la deuxième manche, le Grand Prix de Vougy, NDLR). Si je peux aller chercher des victoires, ce serait pas mal. Mais je veux surtout être régulier, tout au long de l’année.

Y’a-t-il des critères ou des demandes particulières de l’équipe pour pouvoir signer chez Direct Energie l’an prochain ?
Pas du tout. De toute façon, je sais ce que l’on attend de moi dans l’équipe : il faut que je sois à la hauteur et présent dans le final des courses. Mais ils ne m’ont pas donné d’objectifs précis à atteindre en terme de résultats ou sur des courses spécifiques. Ils savent ce que je vaux et ils veulent vraiment que j’arrive à être-là dans les courses qui me correspondent. Je sais où je serai attendu en 2018.

Comment se fait-on une place dans le collectif du Vendée U, lorsque l’on est l’un des plus expérimentés du groupe et que l’on voit des jeunes sortir des rangs Juniors et marcher très fort d’entrée de jeu ?
Le Vendée U, c’est un tout, et c’est avant tout un collectif. C’est pour ça que je précisais que les dirigeants n’attendaient pas forcément que des victoires de ma part. Ca tourne souvent. C’est vrai que nous avons des jeunes qui marchent fort et qui gagnent des courses mais si on n’est pas tous là à travailler les uns pour les autres, ça ne marche pas. Je suis là pour aider le collectif et je peux aussi être apprécié pour ce travail-là. Quand à mon évolution au sein du groupe, on va dire que je parle sans doute plus qu’avant, car j’ai plus de responsabilités au fil des saisons, et ce n’est pas pour me déplaire.

« UNE DÉCISION PRISE CET HIVER »

Par le passé, certains coureurs sont passés du Vendée U à l’équipe professionnelle sans gagner beaucoup de courses chez les amateurs. Ils semblaient avant tout récompensés de leur travail et de leur sens du sacrifice à l’année : ça te rassure ?
Oui, il y a eu des garçons comme Simon (Sellier) ou Bryan (Nauleau) qui sont passés dans ces conditions-là, notamment. Je ne sais pas si l’on peut parler de récompense mais en tout cas, le fait d’être présent et de montrer aux jeunes comment fonctionne le Vendée U est important. Mais bon, tout le monde ne peut pas passer au-dessus non plus.

A l’inverse, un garçon comme Taruia Krainer n’a jamais réussi à passer pro chez Direct Energie et a fini par quitter le Vendée U l’hiver dernier…
Je ne sais pas ce qu’il en était exactement entre Taruia et les directeurs sportifs, et quelles pouvaient être les raisons qui ont fait qu’il n’est jamais passé au-dessus. Peut-être que les résultats n’étaient pas suffisants, tout simplement, même s’il a eu des pépins physiques qui n’ont pas aidé. Je ne suis pas forcément dans la même physionomie que lui. On verra bien. C’est sûr que certains sont déçus mais pour ma part, je vais me donner les moyens d’y arriver et on fera les comptes à la fin de l’année.

Tu expliques que 2018 marquera quoi qu’il arrive ta dernière saison au Vendée U : s’agit-il d’une décision personnelle ou collective ?
C’est une décision que j’ai prise cet hiver, en accord avec les directeurs sportifs également. C’est un vrai choix de ma part mais dans le staff, j’ai senti qu’ils étaient sur la même longueur d’onde…


« LE VÉLO, C'ÉTAIT LE “TRUC” POUR MOI »


Y’a-t-il régulièrement des échanges entre le staff et les coureurs du Vendée U, pour faire le point ?
Oui, souvent. Déjà, on a évidemment l’occasion d’échanger tout au long de la saison sur l’ensemble des compétitions. Et on se voit aussi souvent en-dehors du vélo alors on peut se permettre d’en discuter : voir où l’on en est niveau forme par exemple… On peut parler de ce que j’ai pu faire sur les dernières courses, comment j’ai vécu tout ça, où j’en suis niveau résultats, si je suis assez content de moi ou pas, si eux le sont également… On parle souvent.

Et avec Jean-René Bernaudeau ?
Quand même moins souvent. Il est souvent sur des courses avec Direct Energie mais il est quand même présent. Le Vendée U lui tient à coeur et on arrive quand même à se voir au manoir quelques fois. Alors on en profite pour discuter. Prochainement, il sera avec nous au Tour du Maroc, ce qui prouve qu’il est proche de nous et que c’est important pour lui de nous voir courir et progresser, sur le terrain.

Parlons un peu de tes attaches réunionnaises : comment t’étais-tu retrouvé sur le vélo là-bas ?
J’avais 7 ans et mon père m’avait inscrit au club de la Roue d'Or Saint-Andréenne à Saint-André, au nord-est de l’île. Ça m’a rapidement plu. Quelques années plus tard, j’ai intégré le Vélo Club de l’Est. C’est une plus grosse structure, plus orientée vers le haut-niveau. J’ai toujours eu besoin de m’amuser, en faisant du sport en extérieur alors le vélo, c’était le “truc” pour moi !

« J’AI TOUJOURS SU POURQUOI J'ÉTAIS LÀ »

Qu’est-ce qui t’avait ensuite poussé à rejoindre la France métropolitaine ?
Je voulais tenter ma chance au plus haut-niveau et j’étais coincé à la Réunion. Alors quand j’étais Cadet 2, j’ai postulé au pôle Espoir de La Roche-sur-Yon et j’ai été retenu. Au début, tout n’a pas été facile. Il y a eu des hauts et des bas : ma famille me manquait, mais je me suis accroché. J’ai toujours su pourquoi j’étais là. J’avais un réel projet autour du cyclisme et je voulais m’y tenir. Abandonner ne m’est pas venu à l’esprit une seule seconde.

Tu as su franchir les paliers petit à petit en métropole…
Richard Tremblay, du pôle Espoir, m’a fait intégrer le Vélo Club de Challans et j’étais en famille d’accueil là-bas… chez le Président du club ! Ce ne sont que de superbes souvenirs. D’ailleurs, je garde encore aujourd’hui des liens extrêmement forts avec beaucoup de personnes que j’ai rencontrées à cette période. Après tout ça, intégrer le Vendée U était la suite logique pour moi. En plus, je connaissais un peu Jérémie Souton qui lui aussi est Réunionnais et qui est également passé par le Vendée U. Forcément, en discutant avec lui, ça m’avait donné des idées !

Sur l’île, es-tu “reconnu” en tant que coureur cycliste en métropole ?
“Reconnu”, je ne vais pas le dire comme ça car ce n’est pas le sport numéro 1 là-bas mais à l’échelle du vélo, oui, je suis celui à qui on peut poser plein de questions. Je sais que l’on me suit. Les regards sont tournés vers moi mais pas uniquement : on regarde aussi attentivement les résultats d’autres réunionnais qui courent en métropole.


« VIVRE SUR UNE ÎLE, C’EST FORCÉMENT TRÈS DIFFÉRENT »


Y’a-t-il des habitudes de ton quotidien réunionnais que tu as gardé en Vendée ?
Des habitudes, pas vraiment car ce n’est pas tout à fait la même vie. Disons qu’il reste une part de culture, par contre. Un petit peu de musique par exemple, ou des repas typiques de chez moi. De temps en temps, ça rebooste (sourires). Mais c’est assez rare. La chose qui me manque vraiment, c’est la famille. Quand c’est difficile sur le vélo, ça ferait du bien de voir les proches et dans ces moments-là, c’est un peu plus dur.

Certains de tes proches ont-ils déjà eu l’occasion de venir te voir courir dans l’Hexagone ?
Ca arrive de temps en temps. Mes parents essaient de venir mais c’est assez rare. Mon père était venu me voir, notamment, en Italie lorsque j’étais au Championnat du Monde Juniors (à Florence en 2013, lorsque Mathieu Van Der Poel s’était imposé, NDLR). Sinon, c’est quand même plus souvent moi qui fait la navette. Je rentre quand je peux me le permettre, en octobre-novembre, pendant la trêve. Ca permet de se ressourcer et de recharger les batteries. Le reste de l’année, mes parents me suivent de près sur DirectVelo, notamment pendant les directs (sourires).

Tu avais vite réussi à trouver ta place en Vendée ?
Oui, grâce à l’équipe et à l’ensemble de la structure. Vivre sur une île, c’est forcément très différent de vivre dans un pays comme la France métropolitaine. Malgré tout, j’ai vite su m’intégrer ici car j’ai retrouvé cet esprit de groupe et cette solidarité qu’il peut y avoir dans la vie de tous les jours à la Réunion. Je retrouve un peu ce que j’avais là-bas.

« JE ME PLAIS BEAUCOUP EN VENDÉE »

Lorsque tu rentres à la Réunion, que racontes-tu de ta vie en France ?
Je parle surtout de vélo (sourires). J’explique aux passionnés la façon de vivre ma passion du vélo en métropole, qui est forcément très différente de celle sur notre île. Là-bas, toutes les courses se touchent, tout est à côté… Donc je leur raconte des anecdotes sur la façon de gérer un calendrier cycliste ici, comme par exemple le fait de se retrouver, parfois, à faire neuf heures de bagnole pour aller sur une course (sourires) ! J’aime bien partager cette expérience.

On parlait auparavant d’une année 2018 cruciale pour toi : que se passera-t-il si tu n’arrives pas à passer professionnel ?
Un boulot m’attend. J’ai passé un Bac pro froid et climatisation (Technicien du froid et du conditionnement d’air, NDLR). Ca marche pas mal à la Réunion. Je sais que j’aurai une possibilité de travailler chez moi… Enfin, je ne sais d’ailleurs pas si je rentrerai de suite mais il y a aussi du boulot dans ce secteur en Vendée.

Tu resterais éventuellement en métropole ?
Cela dépendra des opportunités et des circonstances de vie. Je me plais beaucoup en Vendée. J’ai beaucoup d’amis ici désormais. Je n’exclus pas non plus un retour à la Réunion. Tout est possible mais la priorité, c’est de tout faire pour essayer de porter le maillot de Direct Energie en 2019.

Avec la collaboration de Benoît Prieur. 

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