Au départ de l'ultime étape du Tour de Bretagne (2.2), Jarno Mobach enfile le maillot vert de leader. Les 145 kilomètres tracés entre Saint-Potan et Dinan, dans les Côtes d'Armor, décideront du successeur de Flavien Dassonville au palmarès de cette épreuve d'une semaine. "Il y a forcément un peu de pression, concède Sebastian Deckert, directeur sportif de la Sunweb Development Team. Ceci dit, on n'en a pas plus que certaines équipes qui jouent gros aujourd'hui (mardi)". À l'heure du briefing, coureurs et encadrement passent en revue les principaux rivaux de cette ultime bataille. "A priori, les Joker d'Herman Dahl, les Côtes d'Armor de Fabien Schmidt et les Lotto-Soudal de Stan Dewulf devraient être nos principaux adversaires aujourd'hui. Ils ne faudra pas non plus oublier les coureurs de SEG, qui ont été bons cette semaine et qui ont plusieurs cartes", établissent-ils.

Privée de Niklas Märkl, contraint à l'abandon sur la route de Clohars-Carnoët, la formation allemande débute l'étape avec cinq coureurs. "Ce sera compliqué, car l'étape est difficile et les gars ne sont pas forcément au top de leur condition, explique Deckert. Mais ils sont motivés pour aider Jarno à décrocher cette victoire". Alors que le peloton dépasse le Cap Fréhel et que l'on approche de la mi-course, Felix Gall est le premier distancé. "Il a été malade ces derniers jours, mais il tenait à être au départ ce matin, précise son directeur sportif. De plus, il a eu une préparation très compliquée avec un hiver perturbé par un long service militaire en Autriche, ce qui l'a empêché de se construire une base de travail". L'ancien Champion du Monde Juniors se résout donc à l'abandon, au moment de traverser la zone de ravitaillement.

« DEUX PRINCIPAUX CHALLENGES »

Une échappée de huit coureurs se dessine alors, avec la présence de Matvey Nikitin (Astana City), mais sans équipier des principaux leaders. Le Kazakh est le mieux placé au classement général, à 2'04" de Jarno Mobach. Dans la file des directeurs sportifs, les négociations commencent entre Sunweb et Joker-Icopal, qui compte encore ses six coureurs dans le peloton, et dont la principale carte - Herman Dahl - est 2e du classement général, à 9" du maillot vert. "On ne compte pas rouler maintenant, lance Adrian Gjoldberg, directeur sportif de Joker-Icopal, de la fenêtre de sa voiture. Il reste une partie où les gars prendront le vent de côté, avant d'entrer sur le circuit, et on ne veut pas griller de forces". La voiture Sunweb monte alors à l'avant du peloton pour demander à Max Kanter, qui assure l'essentiel du travail, d'arrêter de chasser seul. "Lorsque les coureurs passent des rangs Juniors aux rangs Espoirs, il y a deux principaux challenges auxquels ils doivent faire face, commente Sebastian Deckert. Prendre des décisions, et penser aux conséquences de ces décisions. Dans le cas présent, ils doivent penser à ce qui se passera sur le circuit s'ils assument à eux seuls la poursuite. Notre ambition est d'être la meilleure structure de formation, mais cela ne se mesure pas aux résultats que l'on fait dans l'immédiat, et c'est en accompagnant les coureurs dans ces étapes qu'ils pourront donner le maximum de leur potentiel".

Sur la seconde partie de l'étape, Nils Eekhoff descend régulièrement à la voiture, pour se renseigner sur l'écart et apporter le ravitaillement à ses coéquipiers. À l'approche du circuit final, Edoardo Affini (SEG Racing, 6e à 20" au général) passe à l'offensive et la course se débride. En revanche, pas de trace de portion exposée au vent, comme l'avaient prétexté les Joker. "C'est une bonne chose qu'Affini grille ses cartouches maintenant, analyse Deckert. Le circuit est dur, et si le peloton ne le laisse pas filer, il risque de le payer cash dans le final. Ce qui m'inquiète plus, en revanche, c'est la quantité de travail que fournit Max (Kanter) à l'avant. Il risque de le payer aussi". Deux théories qui se vérifient dans les rues de Dinan puisque les deux coureurs sont distancés par le peloton dans les derniers kilomètres.

« C'EST TERMINÉ »

C'est ensuite au tour de Florian Storck et de Nils Eekhoff de payer leurs efforts de la semaine. À deux tours de l'arrivée, Jarno Mobach se retrouve seul pour défendre sa tunique, et la pression monte dans la voiture Sunweb. "Les gars ont fait leur possible, et ont assumé le poids de la course sans aide. Ils se sont bien battus", commente Deckert. C'est à ce moment que Stan Dewulf et Fabien Schmidt sortent en contre, en piégeant le leader. "Je les ai vus partir, mais je n'ai pas pu boucher le trou", regrette Mobach après l'épreuve. Le maillot vert, qui évoluait sous les yeux de ses grands-parents et de sa tante depuis samedi dernier, ne reçoit pas d'aide dans le peloton, et le dénouement est inévitable. "C'est terminé", lâche le directeur sportif de Sunweb alors que la cloche retentit sur la ligne d'arrivée.

Au classement général, Jarno Mobach termine finalement 5e à 57" de Fabien Schmidt (Côtes d'Armor-Marie Morin-Véranda Rideau), et la déception domine lors de l'après-course. "Forcément, tout le monde est très triste, concède Sebastian Deckert. Un podium aurait été un petit lot de consolation. Les gars ont tout donné et ce genre de course fait partie de leur apprentissage. Ils étaient costauds, mais c'est la course..."