Relais mixte : "casse-tête" et problématiques

Crédit photo Antoine Pouillard - DirectVelo

Crédit photo Antoine Pouillard - DirectVelo

Le relais mixte européen a été inauguré au début du mois, à l’occasion du dernier Championnat d’Europe sur route, à Alkmaar (Pays-Bas). Ce jeudi, cette épreuve chronométrée qui réunit dans une seule et même compétition femmes et hommes va être proposée aux athlètes de la catégorie Juniors, sur le Championnat de France de l’Avenir de Beauvais (Oise). “C'est une formule intéressante, qui permet de féminiser le cyclisme. C'est une belle promotion”, se réjouit Emilian Broë, auprès de DirectVelo. Le CTR de la Bourgogne-Franche Comté se satisfait de la tenue de cette nouvelle épreuve. “J'ai assisté à une belle épreuve de relais mixte à Alkmaar. C'est une course impressionnante qui mérite d'être développée. C'est un travail ultra-technique, où l'on forme les coureurs sur l'approche de la gestion d'un effort en groupe”. Du côté de la Bretagne, Jean-Charles Romagny est lui aussi ravi de cette création. C'est un exercice intéressant pour développer le cyclisme féminin. C'est une épreuve où les filles et les garçons vont devoir faire des bons temps. On va enfin un peu plus parler des filles. Pour une région, ça montre le niveau et c'est un bon baromètre quant au niveau global du comité”.

L’OBLIGATION POUR CERTAINES ÉQUIPES D’ALIGNER… UNE CADETTE

Sur le papier, la formule peut sembler intéressante. Mais dans les faits, se pose une problématique, si ce n’est plusieurs. Le plateau, tout d’abord. Force est de constater que pour cette première édition, les meilleurs rouleurs Juniors ne seront pas du rendez-vous. L'inconvénient est qu'on avait beaucoup de filles engagées sur les épreuves internationales comme les Championnats d'Europe route ou les Championnats du Monde piste. Ça a été compliqué de composer les équipes qu'on souhaitait et de s'entraîner ensemble”, résume Jean-Charles Romagny. Le casse-tête était bien plus profond encore pour d’autres comités, à l’image de l’Occitanie de Benoît Malaval. Au Championnat régional, on avait une seule Juniors femme au départ. On n’a que deux filles qui font de la route. On peut aller en chercher quelques-unes en VTT, mais ça reste compliqué. Sans le surclassement d’une Cadette, on n’aurait pas pu participer”. Un surclassement, donc. Plusieurs formations vont participer à cette épreuve Junior avec… une Cadette.

Difficulté identique pour François Trarieux et la région Nouvelle Aquitaine. “Trouver des féminines qui ont un potentiel n’est pas évident. Au niveau du comité, nous avons eu de nombreuses blessures qui ont entraîné des arrêts. J'ai donc dû surclasser en dernière minute une Cadette pour avoir trois filles au départ. Cette Cadette n'aura pas de vélo de chrono”. Pourtant, François Trarieux se voulait ambitieux pour cette nouvelle épreuve. “On voulait faire un bon résultat sur cette épreuve. On avait inscrit une équipe de Juniors filles sur le Chrono 47, en Coupe de France, pour préparer cet événement. On est déçu qu'elles ne puissent pas être au départ à cause des blessures”.

Du côté de la Bourgogne-Franche Comté, Emilian Broë n’a pas eu à s’arracher les cheveux. Il disposait d’un plus grand vivier d’athlètes, et a souhaité tout anticiper le plus rapidement possible. “Prendre une Cadette, ça montre que ce n’est pas évident pour tout le monde. Mais avec un peu d’anticipation, je pense que l’on peut y arriver. J’avais huit éléments en tête dès le début de l’année. Des éléments dont je savais qu’ils ne participeraient sans doute pas aux chronos individuels”.

LES MEILLEURS ÉLÉMENTS SONT ABSENTS

Car voilà une autre interrogation de cette nouvelle épreuve : peut-on faire raisonnablement doubler, voire tripler, celles et ceux qui participent déjà au chrono individuel et à la course en ligne ? “Doubler aurait été compliqué. Je me trompe peut-être, mais en enchaînant les trois, on ne se met pas dans les meilleures conditions. Ce n’est pas hyper favorable à la performance. Au moins pour viser un titre national”, considère Emilian Broë. Si on veut intéresser nos meilleurs rouleurs à cet exercice, il faut aussi penser à aménager le programme du Championnat de France. J'espère que ça sera une des évolutions à venir. On pourrait penser à avoir un Championnat du contre-la-montre en septembre pour préparer les spécialistes en vue du Mondial. Aujourd'hui, pour nos coureurs, cette épreuve n’est que la troisième priorité dans leur Championnat”. Lui aussi n’envisageait pas de faire enchaîner ses meilleurs rouleurs. Ils ont annoncé un jour de plus pour le Championnat de l'an prochain (lire ici). C’est bien car cette année, les Juniors hommes auraient dû enchaîner le relais, le contre-la-montre individuel et la course en ligne s’ils voulaient faire les trois. Ça fait beaucoup. C'est clairement trop. On ne pouvait pas aligner nos meilleurs rouleurs sur le relais mixte. En plus, l'inconnu fait peur. Tant que cette nouvelle discipline n'aura pas fait ses preuves, il n'y aura pas forcément un engouement spécial”.

Les Juniors garçons et filles vont faire trois épreuves en quatre jours, il serait mieux d'avoir un jour de récupération entre chaque épreuve. Si ce relais mixte se situait après l'épreuve en ligne, les coureurs seraient plus libérés, après ce gros objectif, et pourraient enchaîner plus facilement”, appuie Jean-Charles Romagny. Si plusieurs comités ont donc eu des difficultés à aligner une équipe de six athlètes, et que d’autres ont même dû aller chercher une athlète Cadette, les comités d’outre-mer n’ont tout simplement pas pu aligner d’équipe, pour des raisons logistiques. Le sélectionneur martiniquais, Bruno Legaillard, résume la situation : “C’est absolument impossible d’aligner une équipe, en raison du coût et de la logistique. On ne peut pas faire venir autant de gamins. Sur un relais, s’il faut faire venir trois filles et trois garçons… On ne l’a même pas envisagé. Alors avant de trouver trois filles et trois garçons bons en contre-la-montre, ce n’est pas évident. On aimerait participer, mais ce n’est pas possible”.

Benoît Malaval envisage de changer de format de course. Tu peux faire un chrono par équipes hommes et un chrono par équipes filles. S’il y avait deux épreuves, j’aurais pu la préparer car j’aurais été sûr d’avoir une équipe garçons. Là, j’ai eu une incertitude sur les filles jusqu’au bout”. Cette nouvelle épreuve amène beaucoup de questions. Quelques réponses seront peut-être apportées après cette première édition. Mais les débats et les discussions autour de cette épreuve promettent d’être encore nombreux avant la prochaine édition, que certains préparent déjà. “J'ai vendu le projet assez rapidement aux coureurs, pour qu'ils y accrochent et qu'ils aient ça en tête dès le début de la saison. Ils savaient qu’ils auraient leur place sur ce Championnat quoi qu’il arrive. C’était une annonce de sélection très précoce. On a pu faire trois rassemblements ce qui, je pense, est plutôt pas mal. On a misé sur 2020 en ne prenant que des J1. On va essayer d'organiser un rassemblement mensuel chrono jusqu'au Championnat de France 2020”, conclut Emilian Broë. 

 

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