Corentin Ermenault : « Quitter les pros est une libération »

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

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Corentin Ermenault ne sera plus coureur professionnel en 2020. Le Picard n’a pas été conservé par la formation Vital Concept-B&B Hôtels. “De toute façon, je ne comptais pas poursuivre avec eux, quoi qu’il arrive”, précise le spécialiste de la piste, qui explique n’avoir pris que très peu de plaisir sur la route ces derniers mois. “C’est toujours pareil sur les courses, tout est stéréotypé”, regrette celui qui admet tout de même avoir eu des contacts avancés avec une équipe WorldTour, la Lotto-Soudal. Mais alors, quel avenir pour l’athlète de 23 ans, qui rêve de participer aux prochains Jeux Olympiques dans le vélodrome de Tokyo ? Portera-t-il le maillot d’un club amateur l’an prochain ? DirectVelo a fait un point complet avec Corentin Ermenault. 

DirectVelo : Tu n’as pas été conservé par Vital Concept-B&B Hôtels, après seulement deux saisons chez les professionnels. Comment vis-tu cette situation ?
Corentin Ermenault : Ce n’est pas du tout une claque, car ça vient beaucoup de moi. Je n’étais plus trop dedans depuis pas mal de temps. Je ne pouvais pas continuer là-bas, je ne le souhaitais pas. Je n’avais plus envie de courir sur la route. Mon objectif, c’est la piste. Sur la route, je ne prends plus vraiment de plaisir. Je ne prenais pas mon pied ces derniers mois, je peux le dire... Je sais que ce n’est pas courant de voir un jeune de mon âge parler comme ça, et arrêter sa carrière professionnelle sur route si tôt, mais c’est mon choix.

Ce manque de plaisir a-t-il un lien avec la façon dont se sont déroulées tes deux saisons dans la Continental pro bretonne ?
Je dirais que nous n’étions pas sur la même longueur d’ondes, humainement parlant. J’ai fait ce qu’ils m’ont demandé, mais ça ne m’a pas plu, ni correspondu.

Tu nous expliques que tu ne souhaitais plus continuer chez les pros, mais Jérôme Pineau et la Vital Concept-B&B Hôtels voulaient-ils te conserver dans leur effectif ?
Avec Jérôme, on ne s’est pas vraiment parlé avant. Disons que ça s’est passé comme ça devait se passer, dans la logique des choses. Lorsque j’ai pris ma décision d’arrêter avec eux, je ne savais pas encore s’ils voulaient me garder ou non. Puis, effectivement, Jérôme est venu me dire que de toute façon, il ne me conserverait pas pour l’an prochain. Je lui ai simplement répondu qu’il me semblait que c’était, effectivement, la meilleure solution pour tout le monde.

« REJOINDRE UNE AUTRE CONTI PRO NE M'INTÉRESSAIT PAS »

Avais-tu des propositions d’autres formations pour 2020 ?
J’étais proche d’aller chez Lotto-Soudal. Mais c’était particulier car encore une fois, je me disais que la route, ce n’était pas fait pour moi. D’un autre côté, en WorldTour, ça aurait peut-être été différent, et une autre expérience. Alors j’aurais pu me laisser tenter par l’expérience. J’ai passé des tests chez eux, qui étaient très bons. Ils en étaient visiblement contents mais finalement, ils ne m’ont pas pris. En France aussi, j’avais des contacts, mais rejoindre une autre équipe Conti Pro ne m’intéressait pas.

Ces dernières années, tu faisais partie des grands espoirs du cyclisme tricolore avec, par exemple, ta médaille de bronze sur le Championnat du Monde Espoirs du contre-la-montre à Bergen, en 2017. N’as-tu pas le sentiment de passer, potentiellement, à côté de grandes choses ?
Peut-être… C’était forcément un choix difficile à prendre. Quand j’ai commencé à en parler à deux-trois personnes autour de moi, ils m’ont tous dit que c’était dommage, que c’était du gâchis. Je comprends totalement ce point de vue, mais c’est ma décision. J’ai bien réfléchi, et je ne voyais pas trop d’alternatives. Si je ne prends plus de plaisir, pourquoi continuer…

Vis-tu cette situation comme un échec ?
Non, pas comme un échec. Je suis très ouvert d’esprit et j’essaie d’analyser tout ça avec beaucoup de recul. J’ai beaucoup d’autres passions à côté du vélo. Franchement, ce n’est pas un échec et j’ai même envie de dire que quitter les pros est une libération. Ça me fait du bien. En fait, je me suis senti progresser chez les pros. Je l’ai vu dans mes données de puissance, c’est très net. J’ai passé un cap la première année, et un gros cap la deuxième. J’ai tout fait pour réussir, mais j’ai juste vu que ce n’était pas mon truc…

« ON PEUT PERDRE GROS »

Tu aurais donc perdu cette flamme et cette passion pour le cyclisme sur route ces derniers mois, mais comment l’expliques-tu ?
Je trouve que c’est redondant et monotone. Franchement, c’est toujours la même chose sur les courses. Il ne se passe rien. Une échappée part, ça contrôle, puis il y a un sprint. Tout ça ne me parle pas du tout, je n’y vois pas un grand intérêt. La seule course qui me faisait encore rêver cette année, c’était Paris-Roubaix. Mais le reste, ce n’était pas fou… C’est sur la piste que je suis heureux.

Avant de prendre une décision, as-tu essayé de discuter de ton ressenti avec d’autres coureurs du peloton ?
Très peu. J’ai préféré garder ces choses-là pour moi mais de toute façon, ceux qui me connaissent bien ne sont pas surpris. Ils savent comment je suis au quotidien. Et je crois qu’ils ont vu et senti, depuis longtemps, que je n’étais pas forcément aussi passionné qu’eux par la route.

Tu vas donc, désormais, te consacrer uniquement à la piste, avec très prochainement les Championnats d’Europe, et une qualification pour les J.O à aller chercher…
On a une très bonne équipe. On vient de passer toute la semaine à travailler dur. L’enjeu est très gros, avec cette qualif' pour les Jeux Olympiques à décrocher. L’ambiance est bonne, et les mecs sont prêts. On peut perdre gros, c’est sûr, mais on a travaillé pour faire de gros temps, et on sait que c’est possible.

« J'ESPÈRE QUE DES CHOSES VONT SE METTRE EN PLACE »

Y’a-t-il une pression particulière, et la peur de ne pas se qualifier pour ces prochains J.O ?
Participer aux Jeux est notre rêve ultime alors forcément, ça fait peur de se dire que l’on pourrait ne pas y aller. Il y a toujours cette crainte, bien sûr, et il y a du retard, vu notre situation. Pour l’instant, il y a plus de chance que l’on ne passe pas, que de chance que l’on passe. Mais encore une fois, on a très bien travaillé et je sais que dans tous les cas, on aura mis toutes les chances de notre côté.

Tu imagines un avenir sur la piste mais en France, il semble impossible de vivre de la pratique de cette seule discipline... 
C’est vrai que ce n’est pas facile. Je me pose pas mal de questions en ce moment, mais j’espère que des choses vont se mettre en place d’ici deux ans. Un coureur comme moi qui décide de ne faire que de la piste, ça va peut-être faire bouger les choses dans le milieu de l’endurance.

Vas-tu rejoindre une équipe amateur sur route, malgré tout, pour conserver le rythme des compétitions entre les différents rendez-vous sur piste ?
Certainement, mais je n’ai pas encore fait mon choix. Je ne sais pas du tout si je courrai beaucoup ou non mais peut-être que je retrouverai du plaisir car la façon de courir chez les amateurs est bien différente de ce qui m’a ennuyé pendant deux ans chez les pros. Ce qui est sûr, c’est que je me consacrerai beaucoup plus à la piste qu’à la route, dans tous les cas, mais on devrait me revoir sous le maillot d’une équipe de DN1.

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