Julien Thollet : « Avoir un coup d’avance »

Crédit photo Amélie Barbotin

Crédit photo Amélie Barbotin

Difficile pour les coureurs Juniors de se projeter sur la fin de saison. Alors que les annulations s'enchaînent, quand et où vont-ils pouvoir recourir ? Plutôt que de se focaliser sur une éventuelle reprise en 2020, Julien Thollet pense à l’après. Le sélectionneur de l'Équipe de France Juniors fait le point avec DirectVelo. 

DirectVelo : À quoi peut ressembler la saison 2020 des coureurs Juniors ?
Julien Thollet : On vit au gré des reports voire des annulations. Il est compliqué de se projeter. Mon souhait est que les Juniors et Cadets puissent remettre un dossard cette année, peu importe le niveau de la compétition. Ce sont des compétiteurs, et le but pour la plupart est de pouvoir se confronter. Je me dis tant mieux si on a par exemple des Championnats internationaux mais ça concernerait dix Français au maximum. Je souhaite qu’une activité locale puisse repartir pour que nos coureurs retrouvent la compétition.

À quoi penses-tu ?
Nous avons vu que beaucoup de cyclistes ont fait des compétitions virtuelles. On sent qu’il y a des petits frémissements. Je pense à l'exemple du comité de Bretagne (lire ici). D’autres types de confrontations se mettent en place, et on sent que ça réagit. Ça peut permettre à un coureur de savoir où il en est. Bien sûr, je souhaite par exemple que le Championnat de France de l’Avenir ait lieu fin octobre, mais l’important est qu’on retrouve des compétitions. Et encore une fois, peu importe le niveau… Les coureurs ont envie de démontrer leur valeur pour se faire repérer. Certains avaient fait une belle saison J1 et espéraient faire une grosse année en J2. Des J1 étaient très ambitieux. Pour eux, ça sera difficile de se montrer car il y a très peu, ou pas, de confrontations nationales. Mais en réalité, ce n’est pas grave.

Pourquoi ?
Il faut se projeter sur du long terme. On ne se cache pas en se demandant comment on va faire le lien entre ce tiers de saison et 2021. On doit répondre à une question : comment accompagner cet hiver les J2 ou les Espoirs 4 ? Qu’est-ce qu’on construit pour cela ? C’est nouveau pour nous aussi. 

« IL Y A DES BELLES INITIATIVES »

As-tu des pistes ?

C’est encore tôt pour en parler. On a lancé la réflexion entre collègues, avec Pierre-Yves (Chatelon) et Julien (Guiborel). Il y a aussi Thomas Voeckler et Paul Brousse autour de la table. On travaille bien ensemble. On échange des idées. Il va falloir qu’on recentre notre manière de travailler pour détecter et former les jeunes. Ils ne doivent pas avoir perdu leur temps en 2020. Il y a quelques pistes… On verra ce qui en sort. Mais bien sûr, on réfléchit à comment accompagner les coureurs pour la suite. 

Est-ce que tu t’es entretenu avec des coureurs récemment ?
J’ai identifié un groupe de 20 coureurs (voir ici la liste). Pour l’instant, j’en suis resté à ce groupe-là. Je les informe de manière très brève. Je leur transmets quelques infos ou leur demande quelques renseignements les concernant. Mais je ne les ai pas eus directement. Ce n’est pas forcément mon rôle en tant que sélectionneur de me rapprocher trop d’eux, il aurait fallu que la saison se fasse pour cela... Ils ont tous un entraîneur et sont bien suivis. Il y a des belles initiatives. 

As-tu des exemples ?
En Ile-de-France, Samuel Rouyer a mis en place des petits challenges chrono sur des parcours virtuels, de cinq-six minutes, ou de vingt minutes. On a vu des coureurs se confronter à distance. Ce qui permet d’avoir quelques données de puissance. Mais il faut les prendre avec beaucoup de pincettes. Certains coureurs n’ont pas le matériel nécessaire pour venir se confronter. Et puis nos critères de sélection ne prennent pas uniquement en compte la valeur physique d’un coureur. Il y a bien d’autres données importantes, comme la tactique, la technique ou encore l’adaptation dans un collectif. Mais ces appareils permettent d'avoir une petite photographie et de voir que des coureurs ont des capacités intéressantes. Il faudra qu’ils le confirment en situation de compétition. Mais pour le moment, on ne s’affole pas. On est en phase d'observation.  

« ÉCRIRE PLUSIEURS SCÉNARIOS »

Si le Championnat du Monde a lieu, tu auras très peu de courses pour faire ta sélection...
Nous avons cinq places pour le Championnat du Monde. On essaiera de regarder toutes les données qu’on possède. Avec les mesures sanitaires, on se dit aussi que ça sera compliqué de rencontrer ou réunir les coureurs. On est donc plutôt dans l’optique d’avoir un coup d’avance et se projeter un peu plus loin, plutôt que penser uniquement à cette année. On n’est pas bloqué à tout prix sur une éventuelle fin de saison, qui comporte encore des zones d’ombre.

L'Équipe de France pourrait-elle faire une croix sur les rendez-vous internationaux ?
La volonté de la FFC est que l'Équipe de France soit présente sur les Mondiaux. Mais il y a beaucoup de questions sur l’approche pour les Juniors. Notre boulot est d’être dans l’anticipation et d’écrire plusieurs scénarios. Il ne faut pas cacher qu’une absence sur les compétitions internationales est possible. Il n’y aura pas beaucoup de courses de préparation et on aura des difficultés pour réunir les coureurs. Par exemple, les colonies de vacances vont être compliquées à mettre en place cet été… Clairement, nous sommes dans le même créneau. On doit réunir dix personnes par équipe sur une course. Il y aura des mesures sanitaires drastiques. Est-ce qu’on sera capable de les respecter ?

Anticiper est donc la priorité absolue…
Nous essayons d’anticiper pour être prêts s’il y a un redémarrage d’activités plus classique. En tout cas, je trouve intéressant que des nouvelles choses émergent. Il y a actuellement un côté créatif. Il ne faut pas se priver des nouvelles idées ou des nouvelles technologies qu’on arrive mieux à appréhender. Il faut se servir de tout ça pour peut-être construire une autre manière de travailler pour accompagner les jeunes. Le côté positif de cette période est qu’on fait des choses qu’on n’aurait pas forcément osé faire en temps normal. 

Mots-clés

En savoir plus