On a retrouvé : Valentin Dufour

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Sa 9e place de la Ronde de l’Isard en 2014 lui avait donné l'espoir de faire beaucoup mieux l'année suivante. Mais dans la deuxième étape, Valentin Dufour chute. Le coureur de Blagnac ne remontera plus sur le vélo en compétition. Avec l’olécrane fracturé, c’est le coup dur de trop pour l’ancien coureur du Vendée U qui décide d’opérer sa reconversion dans un magasin de cycles. Malgré deux années Juniors particulièrement fastes où il prend la 3e place du Championnat de France 2011, Valentin Dufour n'a pas suivi le chemin de Pierre Latour et Florian Sénéchal qui l'entouraient au classement ce jour-là (voir le classement). Pour DirectVelo, le garçon de 27 ans revient sur ses années dans les pelotons. Entre grandes joies chez les Juniors et en Vendée, et désillusions successives en 2015.

DirectVelo : Que deviens-tu alors que tu as arrêté la compétition en 2015 ?
Valentin Dufour : En 2015, j'arrête prématurément en cours de saison pour ma dernière année Espoir. Depuis, je fais toujours un peu de vélo pour le plaisir, quelques courses en UFOLEP. Niveau travail, j'ai repris un magasin de cycles à Jonzac, au nord de Bordeaux, il y a environ trois ans. Je fais du vélo pour le plaisir et le loisir… et aussi pour le travail du coup. Je n’ai plus de contraintes d'entrainement, je m'entraine très peu voire pas du tout. Je reste dans le milieu du vélo malgré tout. En Junior et Espoir 1, j'étais en apprentissage dans ce magasin, donc je connais bien le patron. Il est parti à la retraite quelques mois après que j’ai arrêté le vélo.

Quel est ton rapport avec le vélo aujourd'hui ? T’intéresses-tu toujours aux compétitions ?
Au début, j'ai un peu déconnecté du vélo. Maintenant, je ne suis plus trop l'actu comme j'ai pu la suivre à l'époque. Je regarde quand même de temps en temps les courses et les classements. Mais je ne connais plus les nouveaux jeunes prometteurs du moment. Je fais voiture-balai aussi sur Bordeaux-Saintes chaque année, donc j’ai toujours un petit contact avec la compétition et le haut niveau amateur quand même. Mais je connais davantage les mecs du coin, les randos VTT, etc. C'est plus local qu’à l'échelle nationale.

« J’EN AVAIS MARRE D’EN BAVER »

Pourquoi avais-tu choisi d'arrêter la compétition en 2015 ?
J'avais tenté ma chance et j'ai préféré arrêter que broyer du noir, et m'entêter dans quelque chose qui n'arrivera peut-être jamais. Je n’ai pas arrêté sur un coup de tête, mais aujourd’hui je sais davantage pourquoi j'ai arrêté qu’à l’époque. J'ai changé d'équipe, ça m'a mis un coup au moral de partir de Vendée U. Le début d'année avait été catastrophique, j’étais en méforme, je suis tombé malade, puis tendinite. Je commençais à broyer du noir, je cogitais dans le mauvais sens du terme. Ça devenait bizarre, ce n’était pas comme les 3-4 premières années. J'étais dans une spirale négative, je m'en rendais compte.

Jusqu’à cette chute sur la Ronde de l’Isard…
Je tombe sur la Ronde et j’y laisse le coude. Je suis reparti, mais arrivé au camion, j'ai balancé mon sac dans le fossé et j'ai dit aux assistants : « c'est fini, vous ne me verrez plus sur un vélo », j'en avais marre d'en baver pour si peu de moments notables. J'ai toujours voulu prendre du plaisir, et là il commençait à y en avoir de moins en moins. Il a fallu attendre une semaine avant d'être opéré, rééducation, des tiges dans le coude… J’ai passé un mois et demi sans pouvoir toucher au vélo. J'étais en colocation sur Bordeaux avec Romain Guillemois qui était chez Europcar, j'ai continué à rouler avec lui. Mais c’était pour le plaisir, pas pour la compétition. J'ai trouvé un emploi et je me suis mis à travailler. Je ne pensais vraiment pas à reprendre, j'avais dévissé.

« PEUT-ÊTRE QUE SI J’AVAIS INSISTÉ... »

N'est-ce pas frustrant d'avoir arrêté sur une mauvaise note comme celle-ci ?
Aujourd'hui je me dis que j'ai voulu aller trop vite, trop rapidement. Je roule beaucoup moins mais j'ai des qualités qui restent quand même. Je me dis que j'ai peut-être grillé les étapes ou fait trop, dès mon passage chez les Elites. Je n’ai peut-être pas progressé comme j'aurais dû et arrêté trop tôt. Mais j'en vois qui passent chez les pros, notamment parmi ceux avec qui je courais, et ce n’étaient pas forcément des champions, seulement des bons coureurs, comme moi probablement. Peut-être que si j'avais insisté 2-3 ans de plus, avec plus de maturité physique, j'aurais pu aller chez les pros. Romain Guillemois, Pierre-Henri Lecuisinier, Guillaume Thévenot… ils sont passés chez les pros et sont retournés à la case départ. Je ne regrette pas au final, car je n'ai pas eu de jeunesse. De 17 à 22 ans, j'ai tout fait pour le vélo. J'ai profité autrement après avoir arrêté, sans aucun regret. Aujourd'hui ça m'a mené là où je suis, donc c'est peut-être un mal pour un bien.

En 2011, tu avais terminé 3e du Championnat de France Juniors, t'arrive-t-il de repenser à cette journée ?
Oui clairement, j'y repense. Quand je parle avec des gens du coin, on en discute. C'était une super course. Globalement cette année était une super année. Les Juniors c'est là où j'ai éclos, j’ai fait de supers résultats. Sans trop se prendre la tête. Cette année et cette période étaient énormes. J'y repense et je me dis que si le vélo était comme ça tout le temps, ça serait fou.

« J’AVAIS DES ÉTOILES DANS LES YEUX »

Nourris-tu des regrets de ne pas avoir gagné le titre cette année-là ?
Non parce que c'était inimaginable de faire un truc comme ça. J'allais là-bas avec des objectifs, j'y pensais depuis l'hiver d'avant. J’y croyais, mon père aussi, mais je ne pensais pas faire un podium ou un top 5 malgré tout, juste figurer le mieux possible. Il y avait toujours un noyau de coureurs meilleur que moi, mais cette journée-là je me suis retrouvé à bien courir, faire les bons choix… j'étais dans un bon jour, ça s'est super bien goupillé. Faire troisième, c'est comme si j'avais gagné. Une super journée.

Pourquoi avais-tu choisi de rejoindre le Vendée U ?
Parce que ça me faisait rêver. Au début de l’hiver Junior 2, j'allais rouler avec un copain, et je lui dis : « si je peux faire un truc cette année, et rouler à Vendée U l'année suivante… » C'était l'objectif et ça me faisait rêver. J'ai eu plusieurs propositions, mais là c'était le rêve. Je suis allé au manoir où j'ai rencontré Jean-René Bernaudeau. J'avais des étoiles dans les yeux, mon choix a été vite fait. C’est une sacrée structure, une équipe soudée avec un super encadrement et du super matériel. C’était le meilleur choix, pour moi c’est la meilleure équipe française.

« JE NE CROYAIS PLUS EN MOI »

Quand tu rejoins Blagnac en 2015, savais-tu que la fin était proche ?
Sincèrement, ça m'a presque reboosté à l'hiver. J'étais déterminé à faire voir mes qualités. J'ai eu une petite touche avec une Conti française qui me motivait. J'ai changé ma façon de m'entrainer, pour arriver plus frais à l'été. Mais ça ne m'a pas du tout réussi, je suis arrivé en méforme et avec un peu moins de motivation en début de saison. Au Vendée U, on nous met une pression positive qui fait qu'on a envie de se soutenir, être bien placé. Là j'étais libre et je faisais ce que je voulais, je pense que cette pression a dû me manquer. J'ai bâché les courses, j'étais moins dedans, je me disais qu’on verrait la course d'après, et c'était toujours pareil, les sensations ne revenaient pas. C'est vraiment à partir de là que ça a commencé à dévisser. D'un coup je ne croyais plus en moi et mes capacités.

Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour la suite ?
Que mon magasin continue à tourner, que je puisse continuer à faire du vélo pour le plaisir avec les copains. Je ne vois pas le temps passer, je fais des bonnes journées. Je suis dans un milieu que je connais, dont je peux parler, maintenant je suis heureux là où je suis, content de ce que j'ai fait. Le vélo c'est une bonne école de la vie, et mon vécu me sert dans la vie professionnelle.


Crédit photo : Freddy Guérin - DirectVelo

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