Le retour du classement UCI

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

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Pendant le confinement, avec l’arrêt des compétitions, la fragilité des équipes pros a, encore une fois, été mis en évidence. Des voix ont demandé une réforme. Une de plus. Car depuis sa création le cyclisme est professionnel et depuis cette création, les réformes se sont succédées. DirectVelo vous propose de réviser l’histoire des structures du cyclisme pro. Onzième et dernier rendez-vous : Le retour du classement UCI.

Un des points forts du projet de réforme avorté de 2013 c'est le retour d'un classement UCI commun aux coureurs des trois divisions. Depuis 2005 et la création du ProTour, plusieurs classements ont été créés et le classement UCI abandonné. Le classement du ProTour est réservé aux coureurs des formations de la 1ère division. Pour les « autres », il y a les classements continentaux d'où les coureurs du WorldTour sont exclus.

Mais la réforme de 2015 conserve l'idée du retour du classement UCI "universel" à partir de 2016. Il reprend le principe du classement roulant sur 52 semaines comme celui qui existait jusqu'en 2004. A partir de 2019, il n'y a plus qu'un seul classement UCI, le classement WorldTour est supprimé. Le classement par équipes est aussi de retour après son abandon à la création du ProTour en 2005. Ce classement sera un outil pour déterminer les meilleurs Conti Pro qui seront invitées d'office aux épreuves du WorldTour.

Pour ce nouveau classement mondial, l'UCI ne veut pas surévaluer les étapes des courses par étapes comme le faisait l'ancien barème. Par exemple, pour le Tour de France, il y a aujourd'hui un rapport de 1 à 8 entre le gain de l'étape et la victoire au classement final, il était de 1 à 6 auparavant. Alors qu'à l'échelle de la grille des prix, le rapport est de 1 à 45.

DIFFICILE DE SORTIR DU WORLDTOUR

Dans le projet de 2013, ce classement UCI doit servir aux montées et aux descentes entre les deux divisions. Jusqu'à cette date, les adversaires du ProTour puis du WorldTour lui reprochent son système fermé. Pourtant, au moment du passage au nouveau WorldTour en 2011, les résultats des deux années précédentes sont pris en compte. La FDJ, Cofidis et Geox y perdent leur place. Mais l'accession à la ligue de l'élite se fait plus souvent au dossier qu'à la pédale. Moins souvent grâce à l'éthique.

Le 10 décembre 2014, la commission des licences de l'UCI accorde la licence WorldTour à la formation Astana. Pourtant, les deux frères Inglinsky et un coureur stagiaire chez Astana ont été déclarés positifs. Le même jour, la même commission refuse cette licence à Europcar, pour manque de budget. Brian Cookson, le Président de l'UCI, est déçu de cette décision. Celle qui concerne Astana, pas celle contre Europcar. La fédération internationale demande à sa commission de réexaminer le cas Astana sur la base d'un audit réalisé par l'ISSUL (1) qui prouve que l'équipe kazakh n'en fait pas assez pour éviter les cas de dopage. Mais Astana compte un soutien de poids, Igor Makarov, président de la Fédération russe et surtout soutien de Cookson dans son élection face à Pat McQuaid. Le 23 avril, la commission des licences refuse de retirer la licence à Astana car "le retrait de licence est la sanction la plus grave que puisse encourir une UCI WorldTeam" et que, donc, il faut prononcer d'autres sanctions avant celle-ci. Le Président de l'UCI avale la couleuvre : "Nous sommes satisfaits de voir Astana engagée dans un processus de réformes en profondeur".

SKY PRÉFÈRE VELON À L'ISSUL

Ce projet de réforme de 2015 s'accompagne d'un cahier des charges pour les équipes, élaboré avec l'ISSUL, pour améliorer le suivi de l'activité et l'encadrement des coureurs afin de limiter le recours au dopage. Huit groupes sportifs servent à l'expérimentation. Sky n'en fait pas partie.

En revanche les Britanniques s'investissent depuis novembre 2014 dans le groupement Velon, avec dix autres groupes sportifs (2), dont un des objectifs est de récupérer une partie des droits TV. Le parti communiste avait la faucille et le marteau comme symboles, pour Velon ce sont la GoPro et les Hammer Series. C'est un ancien directeur commercial du FC Liverpool qui préside cette organisation, Graham Bartlett.

Les Hammer Series, lancées en 2017, sont censées révolutionner le vélo et galvaniser les fans (on ne dit plus supporters, tifosi ou spectateurs) avec des courses aux points par équipes et des courses poursuites. C’est tellement nouveau que Bernard Tapie avait eu l’idée trente ans avant. “Je vois très bien, moi, un match Panasonic-La Vie Claire sur trois jours avec une course en ligne, une course de côtes, un contre-la-montre par équipes ou un relais. Match aller dans une grande ville néerlandaise; retour dans une grande ville française” (3).

Velon va faire parler de lui avec son "Velon Addendum" en 2015. Ses équipes exigent de leurs coureurs qu'ils leur cèdent leur droit à l'image en compétition et en dehors. Ils doivent aussi donner à leurs employeurs des données personnelles comme les croyances religieuses et l'appartenance ethnique. Le Président de l'UEC, David Lappartient, réagit contre cet ajout aux contrats tout en s'étonnant du silence de l'UCI (et donc de Brian Cookson) sur cette question.

LES AUTRES HOMMES EN NOIR

Dans l'équipe Sky, les coureurs ne sont pas les seuls à s'habiller en noir. Il y a aussi les robes des avocats. En octobre 2015, les hommes de lois s'invitent à une réunion de travail à Genève sur le cahier des charges des équipes. Les avocats de Sky mais aussi ceux de BMC et d'Etixx-Quick Step rejettent ce cahier des charges. Ils se retrousseront de nouveau les manches pour avoir gain de cause face à l'UCI en 2018 dans l'affaire du contrôle au salbutamol de Chris Froome à la Vuelta 2017.

La réforme du mandat Cookson est influencée par les grosses équipes et reprend les arguments de Velon qui veut rendre les courses "plus spectaculaires", le calendrier "plus cohérent" et le modèle économique du cyclisme de haut niveau "plus pérenne". Cette nouvelle réforme veut donner de la stabilité (3 ans, de 2017 à 2019) aux équipes du WorldTour. La stabilité, c’est le talon d’Achille du cyclisme pro depuis le passage à “l’extra-sportive”. En 1969, la FICP voulait imposer un engagement minimum de deux ans pour toute création d’équipes. Mais que valait cet engagement si les finances du commanditaire du groupe sportif passaient dans le rouge ?

Les courses aussi sont soumises à une licence de trois ans, les anciennes et les nouvelles car le calendrier va se garnir de nombreuses épreuves. L'objectif est aussi de promouvoir des épreuves en dehors des pays traditionnels du vélo.

En décembre 2015, ASO ressort l'argument du système fermé pour retirer ses épreuves du calendrier WorldTour 2017. Un an avant, ça laisse le temps de discuter. Au mois de juin suivant, les organisations d'ASO réapparaissent bien au calendrier WorldTour de 2017.

Le Conseil du cyclisme professionnel a réussi à rabibocher tout le monde. Il veut introduire un système de montée-descente. A partir de la fin de 2018, la dernière équipe du WorldTour sera mise en concurrence avec la meilleure Continentale Pro. Le nouvel objectif est d'arriver à 16 groupes sportifs en première division en 2018. David Lappartient, le Président du CCP, se félicite de l'accord ''qui renforcera la globalisation du cyclisme, assurera la stabilité des équipes et des organisateurs, tout en préservant les principes d’un système ouvert qui permettra l’accès à l’UCI WorldTour sur la base de résultats sportifs''. Mais dès le mois de novembre, cet accord est amendé par le CCP. Puisque 18 équipes postulent au WT, le CCP décide de délivrer un maximum de 18 licences pour 2017 et 2018. L'ambition est de passer à 17 en 2019 et 16 en 2020 ''pour renforcer la compétitivité du haut niveau''. La montée possible de la meilleure Conti Pro est abandonnée, le système reste fermé.

LA DERNIÈRE RÉFORME JUSQU’À LA PROCHAINE

A Innsbruck en 2018, David Lappartient, élu l'année précédente Président de l'UCI, met en place son programme et une réforme globale du cyclisme pro. Le WorldTour va être modifié une nouvelle fois en 2020. Depuis 2005, les réformes se succèdent. Le règlement des épreuves sur route compte 305 pages aujourd'hui. Il tenait en 116 feuillets en 2004 à la veille du ProTour.

Cette réforme de 2020 ouvre des passerelles entre les trois divisions. Entre la première et la deuxième avec la possibilité aux meilleures Conti Pro (rebaptisées ProTeams) de jouer dans la cour des grands pendant une saison. Entre la première et la troisième avec la possibilité d'échanger les coureurs entre les WorldTeams et leurs réserves Continentales, déjà évoquées dans le projet de 2013. Mais l’objectif de réduire le nombre d’équipes de première division se heurte à l’inertie des managers qui ne veulent pas perdre leur fameuse licence. La Dimension Data, ex-Qhubeka et futur NTT, sauve sa place pour 2020 grâce à un petit changement de règlement malgré des résultats sportifs plus faibles que bien des Conti Pro.

Mais la pandémie de coronavirus empêche de voir à l'échelle d'une saison entière les effets de ces changements.

(1) Institut des Sciences du Sport de l’Université de Lausanne
(2) Belkin, BMC, Garmin-Sharp, Lampre-Merida, Lotto-Belisol, Quick Step, Orica-GreenEDGE, Giant-Shimano, Sky, Tinkoff-Saxo et Trek     
(3) Vélo n°206 décembre 2005

Notre dossier - Les 1001 réformes du cyclisme pro :
-Les pros et les amateurs : des diables et des petits saints
-La bataille de la licence pro
-Il y a du monde dans le peloton
-Des primes de départ aux courses protégées
-L'UCI laisse passer la révolution des extra-sportifs
-Les organisateurs prennent la main
-Le long chemin vers la licence unique
-Hein Verbruggen, le révolutionnaire
-Du Top Club au ProTour
-Un retour et le WorldTour
-Le retour du classement UCI

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