Arnaud Démare : « Plus rien ne m’arrête »

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Arnaud Démare a parfaitement assumé son rôle de grand favori. Présenté comme l’homme à battre au départ du Championnat de France de Grand-Champ (Morbihan), le sprinteur de la Groupama-FDJ est bel et bien parvenu à cueillir un troisième titre national chez les Élites (voir classement), après ceux acquis en 2014 puis en 2017. Suite à l’énorme travail de l’ensemble de sa formation, le Picard est parvenu à contenir les deux attaques de Julian Alaphilippe, et a su faire preuve de sang-froid face au coup de poker de Bryan Coquard, pour finalement l’emporter dans un sprint à trois. DirectVelo était présent à la conférence de presse d’Arnaud Démare après la course.

DirectVelo : La Groupama-FDJ et toi-même êtes parvenus à réaliser la course parfaite !
Arnaud Démare : Hier (samedi) au briefing, c’était clair : il y avait un nom pour le leadership, le mien. Quinze coureurs qui bossent pour moi, je l’ai déjà connu, mais c’est toujours quelque chose qu’il faut bien appréhender. On peut vite s’affoler. Je leur faisais confiance. Tout le monde a tenu son rôle comme il le fallait. Il n’y avait aucune ambiguïté. Dans le final, Anthony Roux est venu me dire que si Julian (Alaphilippe) attaquait, il fallait que je suive, car ils n’étaient pas sûr de pouvoir revenir… Il n’était pas question que je reste là si ça bougeait. Ce titre est différent des deux autres, car on est arrivé à trois et non pas en plus grand nombre comme je l’avais imaginé. On ne s’est pas démuni du début à la fin, alors que l’on se faisait attaquer de tous les côtés. On est resté en bloc, très forts. On a su garder le tempo, d’abord avec les jeunes de la Conti qui ont déjà fait un super boulot, puis avec les mecs d’expérience. C’était un énorme travail de solidarité.

Le final était particulièrement excitant. Comment l’as-tu vécu ?
J’ai quand même douté un peu. Ils étaient nombreux devant dans les derniers tours. D’un autre côté, même s’ils étaient nombreux, je me disais que ça devait se regarder devant. Quand Benjamin Thomas a mis en route, notre “chronoman”, on a repris des secondes et des secondes… Pendant que l’on enchaînait les virages à bloc dans la descente, je me suis dit qu’on allait boucher le trou. Et c’est vite revenu. Ensuite, je savais que Julian allait attaquer mais dans ma tête, l’idée était de revenir avec l’équipe pour avoir une arrivée un peu plus groupée que ça. Ce qui a fait la différence, c’est le moment où Florian Sénéchal a fait un gros écrémage avant le pied de la dernière bosse. Je me suis accroché et quand je me suis retourné, j’ai vu que l’on n’était plus que cinq-six. Je me suis dit qu’il allait falloir être costaud dans la montée.

Pendant quelques secondes, on a eu le temps d’imaginer Julian Alaphilippe filer vers le titre…
Je ne me suis pas affolé. Je savais qu’il allait basculer avec cinq-dix secondes d’avance. Mon effort, je savais que je devais le faire en haut, alors il ne fallait pas que je me mette dans le rouge. Je me suis répété que j’allais rentrer. C’était un mano a mano pour revenir.

Était-ce un duel autant psychologique que physique ?
J’étais dans la même optique qu’à Paris-Nice, lorsqu’on était à deux à l’arrivée avec Julian (à Bois-d'Arcy en 2017, NDLR). Du coup, dans le final, à trois, c’était vraiment particulier. Quand j’ai vu Bryan (Coquard) revenir, ça m’a fait un grand bien pour pouvoir souffler dix-quinze secondes. Il fallait que je souffle. Et ça m’a suffit pour ensuite remettre les bouchées doubles.

« TOUS LES CURSEURS SONT REVENUS AU TOP »

Vous vous êtes regardés pendant quelques hectomètres, avec le risque que ça rentre de l’arrière…
Je voyais que ça rentrait fort derrière, car on se regardait quand même pas mal. Puis au kilomètre, Julian a roulé pour jouer le podium, il me l’a avoué après, car il a su que c’était perdu au sprint. Dans ma tête, ce n’était pas du tout ça. Je savais que ce sprint, vent de face, après 240 kilomètres, allait être technique. J’étais donc très méfiant, j’avais peur de me faire avoir. Mais il fallait que je prenne le manche et que je n’attende pas trop. Un sprint long jouait en ma faveur. Finalement, les jambes étaient à la hauteur de mes espérances. J’ai pu lancer et résister.

Après l’arrivée, tous étaient unanimes pour admettre ta supériorité…
C’est le plus beau de mes trois titres, individuellement comme collectivement. Revenir comme je l’ai fait… Face à Julian, le meilleur puncheur du monde actuellement… Quand on voit ce qu’il a fait à San Remo… C’était à un contre un. C’est exceptionnel. Je suis en confiance depuis Milan-Turin, le Tour de Wallonie… Sur la reco, je le sentais bien. En ce moment, plus rien ne m’arrête.

T’es-tu déjà senti aussi fort qu’actuellement ?
Bizarrement, je retrouve des sensations que j’avais en 2014, quand j’avais gagné les Quatre jours de Dunkerque notamment. Ce matin, avec toute l’équipe autour de moi, je me suis dit que j’allais faire ce que je sais faire, et que la course allait décider du reste. Je me sens fort. J’ai augmenté ma résistance, tout en retrouvant l’explosivité que j’avais pu perdre ces deux-trois dernières années. Tous les curseurs sont revenus au top. Donc forcément, ça fait la différence. Ces dernières années, je ne supportais pas de subir, mais sur le vélo, tout le monde subit, et c’est ce qu’il faut se dire. À 100 bornes de l’arrivée, j’avais mal aux pattes… Mais je n’ai rien lâché. Le dernier qui lâche, il est devant.

On sent que tu as évolué et que tu as pris beaucoup de recul…
Quand t’es néo-pro et que tu gagnes, tu ne sais pas pourquoi tu gagnes. Tu n’as pas de bases, de références. Tu es juste content. Et puis, quand tu gagnes moins, tu te dis qu’avant, c’était facile. En 2019, j’allais chercher les victoires à l’arrache, pas avec la légéreté que j’ai pu connaître ces trois dernières semaines par exemple. Je me suis remis en question. Je vais avoir 29 ans. Je me suis rendu compte qu’une carrière cycliste, ça passe vite.


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