Ligue Nationale de Cyclisme : « On va entamer une autre phase »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

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Depuis décembre dernier, Xavier Jan est le président de la Ligue Nationale de Cyclisme. “Le cyclisme pro, c’est la ligue”, dit l’instance sur son site internet. Mais ces derniers mois, un rapprochement existe entre la LNC et la Fédération Française de Cyclisme. “Il y a un vrai intérêt commun. Plus la formation sera efficace, plus il y aura d’athlètes capables de passer professionnel. C’est comme ça qu’on aura des champions qui créeront de la vocation. C’est un cercle vertueux”, assure l'ancien pro. DirectVelo s’est entretenu pour faire le point sur différents dossiers avec Xavier Jan et Alain Clouet, Sécrétaire Général de la LNC.

DirectVelo : On a senti un rapprochement avec la FFC. Quelles sont vos relations avec elle ?
Xavier Jan : Il y a eu la cogestion des épreuves professionnelles hommes du Championnat de France. Par ailleurs, nous avons des échanges au travers des bureaux exécutifs et conseils d'administration de la Ligue, ou inversement pour ceux de la FFC avec la présence d’élus de la Ligue. Au-delà du cadre institutionnel, il y a une volonté politique conjointe d’établir les conditions d’un projet sportif commun qui a vocation à se mettre en place pendant la mandature et même au-delà forcément. On a une autonomie de la Ligue qui est effective depuis douze ans, avec différentes phases. Aujourd’hui, il est temps de passer au cœur de nos préoccupations, à savoir le sportif. On doit voir comment conjointement on peut créer de la vocation, mieux former les jeunes… Tout ça autour de nos deux institutions. Il y a un vrai intérêt commun. Plus la formation sera efficace, plus il y aura d’athlètes capables de passer professionnel. C’est comme ça qu’on aura des champions qui créeront de la vocation. C’est un cercle vertueux qu’il faut s’efforcer d’améliorer.

Et avec l’UCI ?
X. J. : Institutionnellement, il n’y a pas de lien avec l’UCI car elle ne reconnaît que la FFC. Je suis président mais statutairement, je suis issu d’un collège, celui des coureurs. Je représente l’UNCP, avec son président Pascal Chanteur, au sein du CPA, l'association internationale des athlètes. J’ai donc par ce biais un lien avec l’UCI. On a la chance d’avoir un président français à l’UCI (David Lappartient, NDLR). On l’a connu quand il était à la tête de la FFC. Ça favorise les échanges. Nous avons par ailleurs des membres en interne qui ont un rôle direct avec l’UCI, de par leurs organisations qui sont au calendrier international ou via leurs groupes sportifs. Voici nos liens avec l’UCI.

Alain Clouet : En ce qui concerne l'UCI, sur le plan administratif, je dois dire que l'UCI reconnaît quand même la Ligue. Sur tout ce qui concerne le calendrier et autres, l'UCI va vers la Ligue. Mi-juin, nous avons eu une réunion pour préparer une vision de ce que pourrait être le calendrier 2022. Ce sont quand même des choses qu'ils traitent avec nous. Même si la voix, c'est la Fédération. Des Ligues professionnelles, il n'y en a pas énormément, ce sont surtout des Fédérations. L'Italie et l'Espagne ont leur propre ligue. Mais il n'empêche que c'est rentré dans les mœurs avec le personnel de l'UCI, sur un plan sportif. Concernant les Grands Tours par exemple, et la 23e équipe, c’est Xavier qui en est à l’origine. Il est intervenu auprès des autres Ligues et c'est ce qui a fait que.

La Ligue est également à l'origine de la possibilité pour une Continentale d’avoir des stagiaires de moins de 25 ans, et non plus seulement Espoirs...
X. J. : Effectivement, c’est une demande qui a été formulée par la Ligue auprès de l’UCI. Ça a été validé par le CCP (Conseil Cycliste Professionnel) pour l’année 2021, sous réserve qu’il y ait une rémunération en contrepartie. La question ne se posait pas en ces termes pour la grande majorité des équipes Continentales puisqu’il n’y a pas, dans la majorité, de contrat de travail, à l’inverse de la France.

« ENGAGÉS SUR DEUX AXES »

Quels sont les dossiers prioritaires de la Ligue Nationale de Cyclisme ?
X. J. : Nous sommes engagés sur deux axes. Le premier, c’est de réfléchir sur la structuration de nos épreuves. Le cyclisme évolue au niveau mondial, on doit être dans l’anticipation. On doit réussir à se projeter. On a mis en place une commission dont la présidence a été confiée à Thierry Gouvenou, président du ROCC. Il est un membre permanent du bureau exécutif de la Ligue au nom des organisateurs. Cette commission va procéder à un audit dans tous les domaines des différentes épreuves françaises. On fera un comparatif avec l’international. À partir de cet audit, on va réfléchir en fin d’année pour essayer d’apporter des pistes de développement.
Le deuxième axe est le développement d’un projet sportif commun avec la fédération. On pourra en dire plus dans les prochains mois car on est en train de poser et de structurer les choses. Il y a une vraie volonté politique commune entre la FFC et la LNC.

Il y a plusieurs projets de Continentales en France. En concurrence avec des Conti étrangères pour l’accès aux Classe 2, certaines N1 aimeraient qu’il soit plus facile d’accéder au statut Continental… Est-ce envisageable ?
X. J. : Les dossiers arrivent à la Ligue et passent au sein d’une DNCG. Elle est totalement indépendante. Il n’est pas question de revoir les critères. Nous tenons à notre modèle social. On voit un peu de tout et n’importe quoi. Même s’il y a une délégation de la FFC à la professionnalisation du cyclisme féminin, ce n’est pas à l’heure où on réfléchit, nous, à abaisser les critères du cyclisme masculin.

A. C : C’est tout à fait normal. L’UCI a laissé créer des équipes Continental, donc de 3e division. Qui sont aujourd’hui inscrites auprès de l’UCI, donc de niveau international, mais il n’a pas été dit qu’elles étaient des équipes professionnelles (L’UCI laisse à chaque fédération nationale le choix des critères pour enregistrer une équipe en Continental, NDLR). Être coureur professionnel représente aujourd’hui quelque chose. C’est vivre du vélo, payer des charges sociales, avoir une sécurité, tout. L’exemple qui existe avec la France est certainement le seul pays où les choses ont été mises en place pour que ce soient des vrais professionnels. Ce ne sont pas des coureurs de 2e catégorie qui appartiennent à une formation étrangère. De temps en temps, ce qui me gêne le plus, c’est de voir des noms arriver dans des équipes Conti à l’étranger alors que ces garçons, on n’en a jamais entendu parler chez les Amateurs. Ce qui a été donné de la part de la Ligue, c’est une reconnaissance du monde amateur. On est très attaché à nos équipes de 3e division.

X. J. : La professionnalisation et ce modèle social vont bien au-delà de donner un salaire à un coureur. C’est aussi au niveau de l’assurance, la formation, la reconversion… C’est inenvisageable de revenir en arrière. Ce sont des acquis sociaux. Ce n’est pas moi en tant que membre de l’UNCP, même si je dois respecter une totale neutralité entre les différentes familles, qui vais m’engager dans cette voie. Ce n’est la volonté de personne ! Nous avons la chance d’avoir une Ligue. Il y a un vrai dialogue social entre les employeurs et les représentants des coureurs, avec la bienveillance des organisateurs. Nous nous attacherons à conforter ce modèle. Ça ne veut pas dire qu’on est toujours d’accord mais il y a un vrai dialogue.

Pourquoi avoir permis à des coureurs non-professionnels de participer dimanche dernier à la course Élite alors que le règlement devait évoluer ?
X. J. : Il y a une réflexion engagée aujourd’hui pour que les conditions de participation puissent évoluer. Nous sommes des institutions, aussi bien la Fédération que la Ligue, qui ont un processus décisionnel qui passent par des conseils d’administration ou des bureaux. Les modifications statutaires prennent du temps. Le timing politique n’est pas toujours le timing sportif. Aujourd'hui, les conditions n’étaient pas réunies pour qu’on puisse appliquer les critères que l’on souhaite. Maintenant, nous sommes des institutions, on se doit de respecter le règlement. Et celui-ci, aujourd’hui, n’interdisait pas le départ. Même si sur un plan sportif, on peut s’interroger sur la pertinence d’avoir au départ de la course professionnelle des coureurs qui n’auraient pas eu leur place au Championnat de France Amateurs. On en a eu la preuve dimanche, avec des coureurs lâchés dès le premier tour, sans vouloir viser personne. Ce n’est pas valoriser l’image du cyclisme. En tout cas ce n'est pas l’image du Championnat de France professionnel qu’on veut donner. Pour son égo, je ne suis pas sûr que ce soit formidable de se faire jeter dès le premier tour.

A. C. : C’est dommage pour ces garçons en dehors du fait de se présenter sur la ligne de départ avec le Champion du Monde Julian Alaphilippe… C’est mieux de pouvoir se battre. C’est dommage pour eux.
X. J. : C’est un droit qui se mérite d’être au départ. Tout le monde ne peut pas le gagner. Le paradoxe, c’est d’avoir au départ du Championnat pro des coureurs qui n’auraient pas été au départ du Championnat amateur. Je ne vais pas m'immiscer dans le choix personnel de ces coureurs. Il n’est pas toujours fait en connaissance de cause. Ils sont parfois mal conseillés, il y a aussi de la naïveté. Ils se disent que c’est un chemin pour parvenir au haut-niveau mais aucun n’y est arrivé en passant par ce chemin là… Il y a des structures amateurs en France bien mieux structurées que des Continentales étrangères. On n’est pas des pères fouettards ou des donneurs de leçons. On a des principes et une réglementation qu’on veut appliquer. S’ils veulent faire ce choix c’est comme ça, on ne les encouragera pas dans ce sens.

A. C. : Par contre pour un Johan Le Bon, il a trouvé refuge alors que c’est clair qu’il mérite mieux. Avec ce qui s’est passé, ça ne pouvait pas être mieux pour lui. Il ne pouvait pas trouver de place chez les professionnels. Le fait d’avoir, au dernier moment, renoncé à ses ambitions à ce niveau-là... c’était aussi bien de rester chez les Amateurs.

« PAS DANS L'APRÈS-COVID »

Est-ce que vous considérez qu’on est dans l’après-Covid, et que tout est désormais derrière nous ? Avec quelles conséquences ?
X. J. : Nous ne sommes pas dans l’après-Covid. On va entamer une autre phase. La situation évolue. Nous sommes dans un travail d’adaptation, en relation avec les institutions politiques, comme le ministère des sports ou la cellule interministérielle de crise. Il y a un gros travail avec l’association des ligues professionnelles. Il faut mettre en avant le travail de nos administratifs, dont notre directeur Arnaud Platel. Il est en charge de tous ces dossiers avec les élus. On s’adapte… On a un modèle économique qui est un peu particulier. On a une professionnalisation de nos équipes, de nos athlètes et d’un certain nombre de nos organisations mais on a aussi des organisateurs bénévoles et pour l’instant ce sont les grands oubliés des aides mises en place. Nous sommes atypiques dans le sport pro. Il y a des trous dans la raquette. On essaie de se battre pour obtenir des choses. On est la première nation au monde en matière d’organisation, avec ⅙ des épreuves. Il faut maintenir ça, ça reste fragile. C’est la théorie des dominos. Si ça commence à s’écrouler, ça fera château de cartes. Et si c’est le cas, ça sera le cas pour les équipes et les athlètes. La pandémie n’est pas finie. Il faut préserver nos épreuves et dans l’immédiat, nos sportifs. C’est très important que les compétitions puissent avoir lieu. On ne peut pas se permettre d’avoir deux ans de suite sans les courses. À nous, monde professionnel, de ne pas oublier que certains n’ont pas pu organiser leur course et la solidarité devra s’opérer.

Beaucoup de courses d’un jour se créent. Souhaitez-vous augmenter le nombre de manches de Coupe de France ?
A. C. : On est sur la base de 16 épreuves de Coupe de France, je ne pense pas qu’il faille en arriver à ce que la Coupe de France soit le circuit de toutes les épreuves d’un jour. Il faut essayer de garder une certaine identité. Ce n’est pas nécessaire, les organisateurs ont surtout envie de poursuivre. Je pense notamment aux 4 Jours de Dunkerque. À une semaine du départ, on pouvait s’attendre à un découragement, mais il n’est pas là, au contraire. D’un côté il y a une perte financière importante, alors du côté de la Ligue on fait le maximum auprès du Ministère pour récupérer à minima pour pouvoir s’en sortir. Les organisateurs sont passés à côté de tout, n’ont droit à rien. À part ceux qui auraient un salarié à qui on peut accorder du chômage partiel. Mais ça ne représente rien. Tous les acteurs du vélo continuent à agir, ont envie. Il y a eu peu d’épreuves annulées, beaucoup de reports. Tout le monde a envie que ce calendrier puisse se réaliser et on va y arriver. Mais on est toujours dans différents domaines où on se bat. Comme les frais de police et de gendarmerie. On a un terrain de jeu qui est la route, on a besoin d’assurer la sécurité. Les infrastructures routières correspondent de moins en moins à notre sport, on aimerait qu’on tienne compte de tout cela du côté des autorités, pour nous aider un peu mieux. Plutôt que de nous donner une augmentation chaque année. D’ici deux-trois ans elle n’existera plus puisqu’on sera arrivé au maximum. Et là j’ai peur que certains n’aient pas la possibilité de continuer et qu’on débouche sur des pertes d’épreuves...

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