Nicolas Debeaumarché : « J’étais vraiment mal »

Crédit photo Nicolas MABYLE / DirectVelo

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Il avait fini par se demander si la porte du monde professionnel n’allait pas se fermer pour de bon, sous son nez, lui qui avait pourtant eu le temps de l’entrevoir de l’autre côté de l’entrée. Finalement, Nicolas Debeaumarché est bel et bien parvenu à accomplir sa (première) mission. Après des années de lutte acharnée, et malgré des moments de gros doutes, l’ancien sociétaire du SCO Dijon va faire ses débuts chez les “grands”, en 2022, sous le maillot de St-Michel-Auber 93. DirectVelo a profité du récent stage de la Conti francilienne, dans le Var, pour s’entretenir avec le solide gaillard de 23 ans - 1m88 pour 75 kg -, qui s’est récemment installé à Lyon.

DirectVelo : Ce passage chez les pros ne se sera pas apparenté à la traversée d’un long fleuve tranquille !
Nicolas Debeaumarché : Oui, carrément ! J’ai connu des périodes vraiment compliquées. Sur le papier, tout était pourtant bien parti. Chez les jeunes, j’ai vite bien marché. Chez les Juniors, ensuite, je faisais de bons résultats et je me suis toujours dit que j’avais le temps de “passer”. Au début de ma carrière, je n’étais pas un amoureux de l’entraînement. Pour moi, c’était une tannée. Je ne voyais que l’aspect course. Je voulais garder cette marge de travail et de progression pour plus tard. J’ai fait mes sélections en équipe de France Espoirs, j’ai constamment été là, mais sans gagner beaucoup de courses pour autant. Malheureusement, la régularité, ça ne paie pas forcément.

« J’AI COMMENCÉ À IMAGINER MA VIE EN DEHORS DU MONDE DU VÉLO »

Jusqu’à te demander si tu n’étais pas en train de laisser passer ta chance…
Je voyais mes collègues de l’équipe de France Espoirs ou du club passer chez les pros. Et moi, je restais sur la touche… J’ai été stagiaire chez Trek, c’était un moment incroyable. Mais ça ne l’avait pas fait fin 2019 car leur recrutement pour 2020 était déjà fait. De toute façon, même s’ils avaient eu une place, très honnêtement, je pense que j’étais encore trop juste pour rejoindre une équipe du WorldTour à ce moment-là. Ils ont continué de me suivre. En 2020, je suis même parti en stage avec eux en début de saison. Puis il y a eu la Covid et je n’ai pas rempli mes objectifs d’Espoir 4. J’espérais briller sur les Classiques flandriennes mais ça n’a pas été possible. À ce moment-là, tout mon monde s’est écroulé. Sachant que même si ça ne se faisait pas avec Trek, je pensais pouvoir rejoindre la Conti FDJ, avec qui j’avais eu de bons contacts. J’étais aussi suivi par Cofidis. Puis fin 2020, il y a eu les contacts avec Auber et Eolo-Kometa. Du coup, ça faisait plusieurs possibilités mais finalement, Eolo m’a refusé et Auber avait pris Romain (Cardis). Là, j’ai commencé à imaginer ma vie en dehors du monde du vélo. Je me suis rassuré en me disant que j’avais un bagage, un Bac +2 en communication… Et là, oui, je me suis dit : « finalement, tu ne vas peut-être pas être professionnel mon gars ! ».

Il a alors fallu faire preuve de grosses ressources mentales !
C’était dur car je fais du vélo depuis que j’ai 4 ans et passer pro était mon rêve d’enfant. Franchement, ça me faisait mal de me dire que je n’allais pas réussir alors que j’avais mis toutes les chances de mon côté et que mon entourage a toujours fait en sorte que je réussisse. Je suis issu d’un milieu assez modeste, mes parents se sont saignés toute leur vie pour que j’y arrive, pour m’offrir du bon matériel, un accès aux structures, pour me payer l’appartement à Dijon… Ce passage chez les pros, ce n’était pas que pour moi. Ça aurait été un vrai échec de ne pas y arriver. C’est dur pour soi mais quand tu as le sentiment de décevoir tes proches, c’est encore plus dur. Alors oui, pendant un certain temps, j’étais vraiment mal. En octobre 2020, c’était terrible. Je pensais que ça allait le faire et finalement, non… Pour revenir de ça, c’était compliqué. Je n’étais pas non plus en dépression mais je n’étais pas en forme… Je sentais que ça m’échappait.

Comment es-tu parvenu à rebondir ?
J’ai réussi à m’entourer des bonnes personnes, je me suis remis en question et je me suis dit qu’il fallait encore essayer d’être performant, au maximum, en 2021. En me disant que je n’allais peut-être pas passer pro mais en relativisant. Je me suis dit qu’au pire des cas, j’allais faire quelque chose d’autre après, tant pis.

Puis ta victoire sur la SportBreizh a sans doute été le tournant de ta jeune carrière !
En début de saison, j’étais bien mais Joris (Delbove) était mieux que moi alors j’ai régulièrement roulé pour lui. Puis j’ai chopé la covid. J’ai connu une période de moins bien mais heureusement, j’ai fini par la mettre au fond une fois sur la SportBreizh. Puis ça l’a fait encore une fois au Roannais. Ensuite, je n’ai plus trop eu l’occasion de m’exprimer chez les amateurs puisque j’ai été stagiaire chez Auber. Ce stage, c’est ce dont j’avais besoin. Mon intégration dans le groupe s’est très bien passée. J’ai réussi à bien aider l’équipe sur les premières courses puis sur les dernières, j’ai été moins performant car je commençais à être très fatigué. J’ai encore douté car je savais qu’il y avait pas mal de monde sur le carreau chez les pros et donc du monde sur le marché des transferts. Je n’étais pas serein du tout avant de signer. Mais c’est fait et je suis reconnaissant envers Auber.

« JE SENTAIS QUE ÇA M'ÉCHAPPAIT »

Aurais-tu arrêté le vélo cet hiver si tu n’étais pas passé pro ?
Ce n’est pas facile à dire. Je pense que j’aurais continué mais sans doute en changeant de club, pour voir autre chose. J’avais fait le tour de la question. J’aurais sûrement été dans une autre optique, en voulant être performant mais sans espérer encore pouvoir passer pro. Ça aurait fait trop.

Après avoir tant douté, peut-être apprécies-tu plus encore ce passage chez les pros, désormais ?
C’est certain ! En fait, ce qui est dur à vivre, c’était de voir certains coureurs passer alors que, dans ma tête, j’étais aussi fort qu’eux. Il y a plein d’exemples : Théo Delacroix, Alexis Renard, Anthony Jullien… Et d’autres ! Tous ces mecs-là sont de bons coureurs, qui méritent d’être chez les pros. Mais sans dénigrer qui que ce soit, bien loin de là, j’avais le sentiment de mériter, moi aussi, ma place chez les pros. J’insiste mais c’était vraiment dur à vivre. Surtout que j’avais conscience que je perdais du temps, contrairement à eux. Quand je vois l’évolution d’un mec comme Alexys Brunel… Il était déjà plus fort que moi avant, quand on courait ensemble, mais maintenant, je suis à des années lumières de son niveau ! C’était hyper frustrant de voir ce fossé se creuser petit à petit. Des gars comme Mathieu Burgaudeau, comme Jason (Tesson)... Ils me disaient qu’ils espéraient me voir les rejoindre chez les pros et moi, je sentais que ça m’échappait. Et finalement, grâce à Auber, je suis là.

Qu’attends-tu de cette saison en tant que néo-pro ?
Découvrir, apprendre, m’améliorer physiquement. J’ai hâte de commencer ! Je suis content de mon intégration dans l’équipe. Je pense avoir bien travaillé cet hiver. Ça ne veut pas dire que ça va être incroyable (sourire). Je sais très bien que ça va être très dur, mais j’ai mis les chances de mon côté.

Tu seras très vite dans le grand bain en février !
J’ai la chance de côtoyer et d’entendre pas mal de monde à ce sujet. Le mois de février, c’est un gros morceau. Tout le monde arrive déjà prêt physiquement, ce sera très dur. Les profils ne sont pas forcément ceux qui me conviennent le mieux. J’ai conscience que ce sera compliqué mais ce sera aussi l’occasion de progresser et de faire du volume, en espérant être opérationnel sur le reste de la saison. Je veux m’améliorer partout. Forcément, de par mon profil, je ne suis pas à l’aise en montagne. Et je ne suis pas du tout un sprinteur. Mes axes de travail, c’est de m’améliorer dans ces domaines, en essayant surtout de mieux passer les bosses, même si je ne gagnerai jamais en haut du Tourmalet. Mais je me dois de tenir dans les bosses pour aider mes coéquipiers dans le final des courses. Ce sera ma mission première.

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