Biniam Girmay, d'invité de dernière minute à pionnier africain

Crédit photo Pascal Van de Putte

Crédit photo Pascal Van de Putte

La révélation de l'E3 Saxo Classic, Biniam Girmay (4e vendredi à Harelbeke) a encore fait plus fort dimanche. Le sociétaire d'Intermarché-Wanty Gobert-Matériaux a remporté Gand-Wevelgem (voir classement). Un succès historique pour le cyclisme africain qui n'avait jamais remporte de course de ce niveau. "Je ne sais pas comment j'ai pu réaliser un tel exploit. Je suis même un peu gêné de gagner face à des gars qui ont dix fois plus d'expérience que moi", avoue-t-il au micro de DirectVelo. L'échappée décisive s'est formée à 22 kilomètres de l'arrivée. Le quatuor Biniam Girmay, Christophe Laporte (Jumbo-Visma) et les Belges Dries Van Gestel (TotalEnergies) et Jasper Stuyven (Trek-Segafredo) a résisté au retour du peloton. "J'ai essayé de rouler de manière intelligente car tout le monde regardait Wout van Aert. Logique vu ce qu'il avait montré vendredi. Personne ne voulait l'amener à la ligne, c'était le bon choix." Le vainqueur de la Classic Grand Besançon Doubs 2021 a semblé lancer son sprint de trop loin. Aux 250 mètres avec un vent de face, il aurait dû être un oiseau pour le chat. "J'étais contre trois clients. J'avais un peu peur d'eux, mais en étant en dernière position, j'ai tenté le coup de loin. C'était la distance idéale pour moi."

DE MIEUX EN MIEUX SUR LES PAVÉS

Et dire qu'à la base, l'Erythréen de 21 ans ne devait pas disputer cette course. "Nous avons seulement décidé d'ajouter cette épreuve au programme. Mon bon résultat inattendu de vendredi a été décisif. À la base, je devais faire la Roue Tourangelle, mais je voulais prendre de l'expérience et pourquoi pas faire une placette. Je ne me suis pas senti à l'aise sur les pavés du Kemmelberg lors du premier passage, mais ensuite, c'était mieux. J'ai eu raison au final de débarquer ici. Il faut dire que j'adore les courses belges, elles me conviennent vraiment et puis, les gens sur le bord de la route sont formidables, ils m'encouragent tout le temps, je sens l'amour du public, ça me galvanise."

Ses coéquipiers sont également impressionnés par ses prestations. "Ce type n'est pas normal", lâche Aimé De Gendt. "L'an passé, il était déjà fort, mais là, c'est phénoménal. Il ne savait pas à quoi ressemblait le Kemmelberg au briefing." Le Français Adrien Petit illustre ceci avec un autre exemple. "Quand on lui parle du Vieux Quaremont, il ne sait même pas s'il y a des pavés ou pas." Une méconnaissance qui fascine Aimé De Gendt. "On dit toujours qu'il faut de l'expérience pour maitriser les Classiques et lui, il roule ici comme s'il vivait en Belgique depuis toujours, c'est juste incroyable. Il digère le Kemmelberg les doigts dans le nez. Il ne montre aucun signe de faiblesse." Le voir lancer son sprint de loin ne l'étonne pas non plus. "Dans la lignée de Paris-Nice, quand on regarde ses sprints, il lance toujours de super loin. Donc, c'est un peu sa marque de fabrique." Pour Adrien Petit, qui a déjà cotoyé beaucoup de coureurs dans sa carrière, "Biniam Girmay a toutes les cartes en mains pour faire une grande carrière. Vous allez apprendre à le connaître, il est à l'écoute, c'est ça qui va le faire beaucoup progresser. Il a un moteur de dingue. Il surprend tout le monde, même si c'est fini maintenant, il sera visé sur les courses". 

ÉVITER LE CRAQUAGE MENTAL

Avec cette condition, Intermarché-Wanty-Gobert Matériaux aura certainement des regrets de ne pas le voir à l'œuvre dimanche prochain au Tour des Flandres. Mais le plan de base va être respecté. Il retourne ce lundi dans son pays pour revoir sa famille qu'il n'a pas vu depuis le 10 janvier. Il y restera pendant un mois. "Ma femme et ma fille vivent en Afrique. Ils me manquent. J'ai besoin de les voir." Il reviendra à la compétition au Grand Prix de Francfort, le 1e mai avant de participer à son premier Grand Tour, le Tour d'Italie. "On en a discuté à table. Il est jeune et a d'autres objectifs dont le Giro, il ne faut pas brûler les étapes. Il aura l'occasion de découvrir le Tour des Flandres tôt ou tard", souligne Adrien Petit. Son directeur sportif Aike Visbeek aura encore une discussion avec lui ce soir à l'hôtel. Non pas pour le faire changer d'avis mais pour profiter de ce succès avec leur poulain. "Evidemment, ça nous ferait plaisir de le voir à l'œuvre dimanche prochain au Ronde, mais nous nous tenons à notre plan. Il ne faut pas exagérer. C'est dur pour lui d'être séparé de ses proches. Il ne faudrait pas qu'il craque mentalement non plus". 

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