Wollongong : Sur ce parcours, les Bleus ont plusieurs cartes à jouer

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

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Après le double titre de Champion du Monde de Julian Alaphilippe ces deux dernières années, les Bleus remettent à nouveau leur titre en jeu, ce dimanche, à Wollongong (Australie). Sur ce parcours, qui semblait sur le papier un peu moins difficile que les deux précédentes éditions, la question se posait sur le type de coureur qui pouvait s’y exprimer. Mais à l’occasion des reconnaissances de ce mercredi, les Bleus notent finalement une difficulté bien plus importante que le profil ne le laisse croire. "J'avais dit que j'étais convaincu que c'était bien plus dur qu'on ne le pensait. Il y a des manœuvres possibles, bien sûr. Mais il ne faut pas le faire pour le faire et prendre le boomerang au retour. Il faut bien réfléchir avec ce parcours", analyse Thomas Voeckler, le sélectionneur. Valentin Madouas voit comme un mélange des deux dernières éditions. "Il ressemble plus à l'année dernière mais les pourcentages sont plus élevés et les montées plus longues, c'est un mix des deux derniers. Plus c'est difficile, mieux c'est pour moi. On va essayer de s'adapter à tous les scenarios".

À l’unisson, les Bleus s’accordent sur une "course usante". Romain Bardet a eu une bonne surprise en découvrant le circuit. "Je ne m'attendais pas à ce que ce soit si dur. La distance et la difficulté vont ouvrir la course. 1 kilomètre à 7%, ça peut paraître anodin, mais c’est assez irrégulier, des groupes vont certainement se former au fil des passages. Ça peut convenir à notre groupe qui a pas mal de densité". Même son de cloche chez Christophe Laporte. "La bosse est assez difficile, je ne m'attendais pas à des pourcentages aussi élevés. La première portion est roulante avec des virages et après c’est très pentu et raide, ça peut me correspondre. Avec la répétition ça va faire une course très difficile, ça nous correspond très bien. C'est un scénario qui peut arriver en petit groupe, je suis un coureur rapide et on peut jouer là-dessus". Le scénario est justement difficile à lire. "Avec l'équipe nationale, le scénario est plus aléatoire, ça peut aussi créer de très bonnes choses quand ça prend bien, comme en équipe de France avec les succès qu'on sait", ajoute le coureur de la DSM. 

POUR BENOIT COSNEFROY, « ÇA S’EST DÉBLOQUÉ À QUÉBEC »

Avec ces coureurs qui ont tous des qualités à faire valoir, la question de la tactique à aborder se pose. Mais Thomas Voeckler préfère préparer ses coups dans la discrétion. "Vous me connaissez assez, je ne dévoilerai rien des tactiques, des schémas qu’on va imaginer et des rôles, sourit-il à l’occasion de la conférence de presse des Bleus. Mais je suis dans l'échange avec les coureurs, je ne suis pas un dictateur". Parmi les coureurs, un nouveau en la personne de Pavel Sivakov, après son changement de nationalité sportive. "Ma première sensation, c'est de la fierté, je suis hyper content d'être ici, porter le maillot bleu-blanc-rouge pour la première fois dans ma carrière", se réjouit celui qui avait quitté la Vuelta prématurement, mais qui compte bien faire parler sa fraîcheur dimanche. Thomas Voeckler avait anticipé cette venue. "On parlait depuis deux-trois ans avec Pavel, même avant Tokyo. Je connais le bonhomme un peu plus depuis plusieurs mois, j'aime bien connaître la personne avant. Quelqu'un qui savoure sa première c'est intéressant aussi, et c'est un des meilleurs grimpeurs mondiaux"

Il y a aussi l’appelé de dernière minute. Benoît Cosnefroy n’était pas dans la première sélection tricolore. "Québec a changé beaucoup de choses, c'était ma décision perso de ne pas venir. La victoire a libéré pas mal de trucs, j'en ai parlé avec Thomas, il savait que je n'étais pas fermé. Ce sont des choses extrasportives qui faisaient que, mais il n’a pas eu beaucoup de mal à me convaincre pour venir. Ma gestion a été plus simple, j'étais chez moi sans journalistes et sans pression". Thomas Voeckler estime avoir fait son travail en le rappelant. "Il m'avait averti depuis le Championnat de France qu'il ne se sentait pas d'aller aux Mondiaux. Mais j'aurais mal fait mon travail si je ne l'avais pas recontacté après le Québec. J'ai senti qu'il avait très envie de venir, sa seule crainte était de gêner et prendre la place de quelqu'un. Je l'ai rassuré à ce niveau, dans le sens où c'est mon rôle à moi et pas le sien de se préoccuper de ça. Il avait envie d'y aller mais il n'osait pas le dire, et ça s'est débloqué à Québec"

JULIAN ALAPHILIPPE : « JE SAIS COMMENT LES DERNIÈRES SEMAINES SE SONT PASSÉES »

Et bien sûr, il y a le double vainqueur en titre. Julian Alaphilippe sera là pour défendre son bien. Mais dans une dynamique plus difficile que par le passé. "Je suis plutôt relax, ce n’est pas les meilleures conditions. La dernière fois que je suis monté sur le vélo j’étais blessé, une fois de plus et presque une fois de trop. Je ne suis pas à 100%, mais je ne vais pas être pourri non plus, je me sens capable de peser. Les garanties ne sont simplement pas les mêmes que les années précédentes". Thomas Voeckler a pleine confiance en son coureur. "Il fait partie des meubles. C’est une sacrée plus value sportivement et pour fédérer. L’alchimie se fait de manière très naturelle. J'essaye de composer une équipe où je suis persuadé que ça prendra. Je vois quand même les mecs sur l'année et on ne parle pas que de l'équipe de France, je n'ai pas oublié ce que c'est d'être coureur, je les vois souffrir". Le coureur de Quick-Step Alpha Vinyl a justement souffert en cette année 2022.

Régulièrement cette saison, Julian Alaphilippe a été frustré. L’aspect mental entre alors en compte pour oublier les chutes. "Il ne faut pas commencer à avoir peur, sinon on freine, on recule dans le peloton et c'est fini. Quand ça roule vite, quand on frôle la chute, j'ai peut-être un peu plus peur qu'avant parce que je n'ai pas envie de m'en reprendre une comme j'en ai trop pris cette année". Mais le fait d’être accompagné par d’autres cartes n’est pas pour lui déplaire. "Ça me va très bien. Je ne ressens pas du tout la pression, c’est certainement à Imola où je l'ai eue. L'année dernière j'étais prêt à perdre, c'est ce qui explique notre façon de courir. J'en ai encore moins ici, je sais comment les dernières semaines se sont passées". Et une fois de plus, il est de retour. "Plusieurs fois j'ai eu envie de poser le vélo et passer à 2023. C'est l'année de la résilience, je suis revenu à chaque fois"

« LES OISEAUX, ON EN RIGOLE, MAIS PAS QUE… »

Julian Alaphilippe se présentera ainsi dans un costume un peu différent. "On a peut-être pas le grand favori chez nous cette année, mais on doit se reposer sur cette densité de coureurs qui peuvent briller selon leur qualité", estime Romain Bardet. "Ce n'est pas le tout d'avoir des coureurs forts. Mais c'est arrivé que tous les voyants soient au vert que ça n'aille pas, et inversement, ce n'est pas toujours une science exacte", pense Thomas Voeckler, qui ne verra pas tout en blanc ou tout en noir quelle que soit l’issue ce dimanche. "En 2019, ça n'avait pas marché, pourtant il n'y avait pas tout à jeter, et quand ça marche bien ce n'est pas pour autant qu'on ne peut pas améliorer des choses". Face aux Wout van Aert, Mathieu Van der Poel ou le local Michael Matthews, les Bleus comptent bien se montrer. "C’est taillé main pour eux, on va essayer de leur causer du tracas", ajoute Romain Bardet, qui pourrait aussi se distinguer sur ce parcours. "Je ne serai pas de ceux qui disent qu'il est plus proche de la fin que du début, on a vu sa condition cette année", note le sélectionneur. 

Et si finalement, un des adversaires inattendus n’était autre que… les oiseaux ! "Ce n’est pas si anecdotique ! Il ne faut pas les regarder, ne pas partir en courant… quand on fait un footing c'est compliqué, c'est un sujet ici. On a trouvé bizarre les gens qui roulaient avec des cornes ou des rislans, on a compris pourquoi", sourit Thomas Voeckler, qui ne manque pas de plaisanter sur le sujet. "Je ne sais pas comment ça marche, mais avec 180 sangliers sur un circuit comme ça… On en rigole, mais pas que, en réalité. Rémi et Bruno se sont fait suivre par une pie l'autre jour, ils ont bien écouté les conseils, car normalement il faut ralentir et Rémi a accéléré (rires). On tient compte de ce problème mais on n'a pas prévu de matériel et de stratégie". L’humour est encore là à quelques jours de l’événement, mais les Bleus retrouveront leur sérieux au bon moment. Avec un monstre à plusieurs têtes, Thomas Voeckler aura sans doute prévu quelques coups tactiques surprises.

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