Jens Debusschere : « Le Championnat de Belgique pour boucler la boucle »

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

Le 15 décembre dernier, Jens Debusschere apprenait la nouvelle de l'arrêt de B&B Hotels. Une annonce tardive qui lui a empêché de retrouver un nouvel employeur. Ne voulant pas arrêter, il a décidé de se lancer à la recherche de partenaires privés pour continuer en coureur individuel afin de terminer sa carrière au Championnat de Belgique, non loin de chez lui, à Izegem. Une course qui a changé sa vie. En 2011, il avait décroché le titre à Hooglede-Gits. Désireux d'avoir une vraie fête pour la fin de sa carrière, terminer à Izegem semblait être une évidence. À quelques jours du grand rendez-vous, le Belge retrace ces derniers mois au micro de DirectVelo.

DirectVelo : En veux-tu encore à Jérôme Pineau ?
Jens Debusschere : La seule chose que je lui reproche, c'est sa communication. Il aurait dû nous dire bien avant que le deal avec la mairie de Paris avait capoté. Je sais à quel point c'est dur de trouver des partenaires. Je suis bien placé maintenant pour en parler, mais il fallait le dire clairement aux coureurs et malheureusement, on a maintenu cette illusion que tout allait bien se passer.

Que veux-tu dire ?
Une semaine après la fin de la saison, nous avions déjà notre premier rassemblement avec les recrues, Mark Cavendish, Cees Bol, Nick Schultz pour tester les tenues, prendre les mesures pour les vélos. À ce moment-là, tu ne te dis pas que ça va foirer. Ensuite, tu lis les nouvelles dans les journaux. Jérôme Pineau a répété que ça s'allait s'arranger et donc tu y crois. Puis, le 15 décembre, il nous annonce, en réunion Zoom, que tout est fini. Certains l'ont remercié, d'autres étaient furieux. C'est dommage que l'histoire se soit terminée ainsi. Il avait bâti une belle équipe avec des partenaires bretons. Toutefois, ce rapprochement avec Paris a été le début de la fin. Il y a une histoire politique dans cette affaire. La Bretagne n'a guère apprécié que Paris récolte les fruits du travail réalisé. En tout cas, il y a eu des erreurs de communication.

Résultat, le 15 décembre, tu dois chercher une nouvelle équipe...
J'étais plus abattu que fâché. Commencer à sonder les équipes à ce moment-là, c'est trop tard. J'ai eu des contacts avec Lotto-Soudal, Bingoal-WB ou encore Human Powered Health. Les réponses se répétaient : plus de place ou pas d'argent. De plus, je n'étais pas dans la meilleure phase de ma carrière. J'étais devenu coéquipier chez B&B Hotels et à ma demande, car je sentais que je n'avais plus le niveau pour être le sprinteur désigné. Personne ne m'a mis de côté. J'ai pris ma décision de devenir lanceur, mais ça n'aide pas pour trouver une équipe. J'avais aussi l'option d'arrêter. Je pouvais réaliser un montage Instagram avec une dizaine de photos pour faire une rétrospective de ma carrière et annoncer que j'arrêtais, mais je ne voulais pas. Quand je m'entrainais, je pensais quand même à ce Championnat de Belgique à Izegem (non loin de son domicile, NDLR). J'avais vu l'affiche de l'événement et je me suis dit que je voulais absolument y être. Et en regardant le cyclo-cross et la situation de Jens Adams qui roulait sans équipe, mais avec des sponsors privés, j'ai eu l'idée de faire la même chose.

« TOUT A COMMENCÉ À VELOFOLLIES »

Comment s'est passé la recherche de partenaires ?
Tout a commencé à Velofollies (le salon du vélo à Courtrai en Belgique qui se déroule en janvier). Mon manager Yannick Prévost, qui avait négocié le contrat de Timothy Dupont chez Tarteletto-Isorex, m'avait obtenu un rendez-vous avec Peter Bauwens. Je pouvais signer, mais sans contrat pro. C'était hors de question, car il faut être pro pour participer au Championnat de Belgique. Et je suis tombé sur Guy Kostermans de Belisol que je connaisssais de ma période Lotto-Belisol. Je lui ai expliqué ma situation et nous nous sommes rencontrés. La semaine suivante, mon beau-père, le papa de Jurgen Roelandts, m'a parlé d'une entreprise, BeneluxTrans qui sponsorise beaucoup de courses pour jeunes. Deux entreprises fortement ancrées dans le cyclisme, ça ne pouvait que bien se passer et ça a commencé comme ça.

En tant que coureur individuel, tu ne peux pas rouler d'épreuve sur route UCI. Pas simple de faire un programme de qualité.
J'ai commencé avec une course VTT en Croatie en duo avec Jurgen Roelandts. J'ai fait quelques kermesses pros à Ruddervoorde, Houthalen-Helchteren et Puivelde. Il y a deux semaines, j'étais au BEMC. 260 kilomètres avec 8000 mètres de dénivelé positif. C'est l'idéal pour ma condition. C'est génial qu'il y ait des épreuves ainsi pour monter en puissance. J'ai participé à la kermesse pro de Gullegem, mardi. Ensuite, je suis dix jours en stage dans les Vosges et dans les Ardennes afin d'augmenter mon niveau général.

« JE N'AI RIEN À ME REPROCHER »

Qu'espères-tu de ce Championnat de Belgique ?
D'abord en profiter. Finir avec le Championnat de Belgique permet de boucler la boucle, car évidemment cette course a changé ma carrière. J'étais Champion en 2014. Je veux avoir la fin souhaitée avec tout mon entourage et au niveau sportif, pourquoi pas me montrer ? L'an dernier, j'étais encore 9e du Championnat de Belgique. Le parcours à Izegem est plat et s'apparente à une kermesse. Je ne gagnerai pas au sprint massif face à Tim Merlier, Jasper Philipsen, Jordi Meeus et Arnaud De Lie. Il ne faut pas rêver, mais qui sait, avec des circonstances de course favorables.

Que fais-tu si jamais tu décroches à nouveau le titre ?
J'arrête quand même. Je ferai quelques courses Gravel et je participerai à des courses où les sponsors me demandent. Après le Championnat de Belgique, la route, c'est fini. Et après la saison 2023, je commence ma nouvelle vie de boulanger.

Quel bilan tires-tu de ta carrière ?
J'ai quinze victoires UCI. Je n'ai rien à me reprocher. J'ai toujours fait le métier. J'avais un peu moins d'envie les dernières années quand ça tournait moins bien. C'est un peu le cercle vicieux. Quand tu n'arrives plus à faire des résultats, ta motivation chute. Je n'ai rien lâché. Les compagnons d'entrainement comme Yves Lampaert, Bert Van Lerberghe ou Jonas Rickaert m'ont toujours soutenu. J'ai gagné majoritairement en Belgique. Le titre de Champion de Belgique en 2014 est le point fort de ma carrière. Je n'oublie pas mon succès à A Travers la Flandre et mon étape à Tirreno-Adriatico, ma seule victoire WorldTour. Ma victoire au Grand Prix de Wallonie 2015 restera particulière. Je sortais du Tour de France et du Tour de Grande-Bretagne. J'étais en grande forme. Il faisait affreux ce jour-là. Je voyais les gars souffrir de la pluie tandis que j'étais en manches courtes. Personne ne me croyait capable de jouer un rôle sur cette course, mais moi, je pensais bien le contraire. J'attaque à la flamme rouge et personne n'a bougé. C'est la seule victoire en solitaire de ma carrière. Pour une fois, j'ai eu le temps de savourer.

« IL ME MANQUE UNE VICTOIRE »

Quels sont tes regrets ?
Il me manque une victoire en Grand Tour, mais je n'étais pas assez fort. Je n'ai jamais dépassé la 5e place sur les trois Grands Tours, ça dit tout. Il n'y a aucune honte à ça. Je n'étais juste pas un sprinteur de classe mondiale. J'ai plus de regrets en pensant à plusieurs éditions de Gand-Wevelgem. En 2013, je suis dans le bon groupe de onze mais je crève à un mauvais moment. En 2016, je sortais de mon succès à A Travers la Flandre. Je chute à 50 kilomètres de l'arrivée. Je me casse une vertèbre. Ce fut l'une des journées les plus difficiles de ma carrière car après nous avons appris le décès d'Antoine Demoitié. C'est trash d'entendre ça alors que tu es toi-même à l'hopital. Le jour de la mort de Bjorg Lambrecht a également été difficile. Les gens nous quittent, ça fait partie de la vie, mais comme ça, c'est violent.

Avec qui gardes-tu des contacts ?
J'entends encore de temps en temps le train qu'on avait pour André Greipel chez Lotto-Belisol. Il y avait Lars Bak, Greg Henderson, Marcel Sieberg et Adam Hansen. C'était une période géniale où on enchainait les victoires. J'ai vu André Greipel il y a quelques semaines à Aken, c'était super de le revoir comme au bon vieux temps.

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