Pavel Sivakov : « Je commence à m’habituer »

Crédit photo DirectVelo

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L’an passé, il avait marqué les esprits en écrasant les plus grosses courses par étapes du calendrier Espoirs. Successivement lauréat de la Ronde de l’Isard, du Tour d’Italie Espoirs et du Tour du Val d’Aoste, Pavel Sivakov avait assommé la concurrence et envoyé un message fort, plein de promesses, avant de craquer sur les routes du Tour de l’Avenir, où il avait tout de même enlevé la dernière étape. Depuis, le coureur de 21 ans a rejoint le WorldTour du côté du Team Sky. Mais alors, comment s’est passée cette première saison dans l'Élite, au côté de Chris Froome ou de Geraint Thomas ? En marge des Championnats du Monde d’Innsbruck, en Autriche, DirectVelo a fait un point complet avec le Franco-Russe.

DirectVelo : Où en es-tu au moment de boucler ta première saison au Team Sky ?
Pavel Sivakov : C’était une saison mitigée pour moi, mais je le prends comme une bonne expérience pour le futur. C’est sûr que comparé à ma saison passée, où tout était parfait… Ce n’est pas la même chose, mais j’ai quand même fait de bons résultats. J’avais un bon niveau au Tour de Suisse ou au Tour de Pologne.  

« ARRIVER AU PLUS HAUT-NIVEAU D’ICI TROIS-QUATRE ANS »

T’es-tu habitué à souffrir, toi qui avais dominé tes adversaires pratiquement tout au long de la saison 2017, mis à part sur le Tour de l’Avenir ?
L’année dernière, c’est vrai que je n’avais pas trop connu la difficulté… Après avoir bâché sur la Vuelta cette année, j’avoue que je n’étais pas très bien, mais j’ai réussi à relativiser depuis. Je me dis que je suis pro, dans l’une des plus grandes équipes du Monde. Je dois prendre les deux-trois années qui arrivent comme une expérience pour le futur, avec l’intention d’arriver au plus haut-niveau d’ici trois-quatre ans. Je préfère arriver au top niveau à 27 ans, plutôt que d’être super fort maintenant puis stagner, voire même devenir moins bon…

Comment te sens-tu au sein du groupe Sky ?
Bien, j’y ai trouvé ma place. D’ailleurs, ma présence au Tour d’Espagne le prouve. Mais il va falloir confirmer tout ça. Dans cette équipe là, il faut s’entraîner dur et fort pour se faire une place, notamment sur les Grands Tours, mais je sens que l’équipe a confiance en moi et j’ai moi-même confiance en eux. J’ai quand même été préservé en début de saison. Je n’avais pas fait le gros stage à Tenerife par exemple mais après ça, je n’ai couru que sur des courses par étapes. Ma seule course d’un jour de l’année, c’est le Championnat national (rires).

« MENTALEMENT, J’AI FINI PAR CRAQUER »

Que te demande-t-on au sein de l’équipe ?
J’ai eu ma chance au Tour de Suisse, où nous n’avions pas un Thomas ou un Froome. L’équipe m’a protégé, sans faire le tempo pour moi non plus, mais j’avais la sensation d’être leader et c’était une superbe expérience pour moi. J’ai fait un Top 15 au général là-bas (14e) et un Top 10 au chrono final (6e), donc c’était bien.

Tu as récemment retrouvé le maillot de la Russie pour les Championnats du Monde d’Innsbruck, en Autriche. Mais tu n’avais pas connu la meilleure des préparations avant ce grand rendez-vous…
Je me suis d'abord coupé en roulant sur une bouteille durant la fin du Tour de Pologne. J'ai passé deux hours à l'hôpital et je me suis retrouvé cinq jours sans faire de vélo. Ma jambe avait bien gonflé... J’ai essayé de me relancer sur le Tour d’Espagne. Je montais en puissance sur la première semaine de course puis une nouvelle chute m’a encore stoppé. J’ai continué après ma chute mais j’étais tombé assez fort. Avec les inflammations, j’ai pris trois kilos : je dormais mal et j’étais en difficulté dans les bosses. J’ai essayé de rester fort mentalement et de me convaincre que ça irait mieux au fil des étapes mais en réalité, c’était tout le contraire… Il fallait que j’arrête. Mentalement, j’ai fini par craquer. Ensuite, j’ai essayé de préparer les Mondiaux mais je savais que ça allait être difficile dans ces conditions.

« JE ME SUIS MIS PAS MAL DE PRESSION »

Il y a encore trois ans, tu étais chez Culture Vélo et maintenant, tu te retrouves chez Sky…
(Rires). C’est quelque chose de bizarre ! Je regardais les gars à la télé et des coureurs comme Chris (Froome) ou “Kwiatko” (Michal Kwiatkowski), c’était comme des idoles pour moi et là, je suis dans leur équipe, c’est super ! Je n’ai pas encore couru Chris mais j’étais avec Geraint Thomas sur le Tour de Romandie. Au début, j’étais un peu impressionné et sur la retenue mais maintenant, je commence à m’habituer. Ils mettent à l’aise, comme le staff qui m’a toujours dit de rester calme, de ne pas m’affoler et que l’avenir était devant moi. Je me suis mis pas mal de pression cette année mais ils ont insisté pour que je prenne d’abord du plaisir sur le vélo.

As-tu définitivement fait ton choix entre les équipes nationales française et russe pour la suite de ta carrière ?
J’ai la double nationalité depuis septembre 2017, il y a un an maintenant. C’est sûr que l'Équipe de France est bien mieux structurée et bien plus professionnelle que la sélection russe. Même sportivement, les deux Championnats nationaux n’ont rien à voir : au Championnat de France, il y a du niveau, du public, un beau circuit… Mais d’un autre côté, les sélectionneurs français ne m’ont jamais contacté et surtout, c’est plus dur d’être sélectionné en Equipe de France qu’avec la Russie. Pour preuve, je suis déjà dans l’équipe nationale russe Elites aux Championnats du Monde d’Innsbruck. Du coup, j’avoue que je suis  maintenant plutôt dans l’optique de préparer les Jeux Olympiques de Tokyo 2020, avec la Russie. Si je change d’équipe nationale, j’aurai deux ans de suspension d’équipe nationale et donc, ça me condamnerait pour les J.O de faire ça maintenant. Il aurait fallu le faire l’année dernière, à la limite… Disputer les Jeux, c’est quelque chose d’exceptionnel pour un athlète, donc je vais rester avec la délégation russe. Et puis de toute façon, j’insiste mais on ne m’a jamais appelé pour l'Équipe de France.

« JE ME SENS BIEN AVEC LA DÉLÉGATION RUSSE »

Comprends-tu cette absence de sollicitation côté français, ou regrettes-tu la situation ?
Je comprends car il y a assez de coureurs français talentueux actuellement. Ce sera aussi vrai pour les Jeux de Tokyo. Il y a une très bonne génération en France et en plus, ces gars-là n’ont pas 35 ans : ils seront dans la force de l’âge encore en 2020.

Et après les Jeux ?
Je ne sais pas. On m’a aussi dit qu’il y avait trois ans maximum pour demander le changement d’équipe nationale à partir du moment de l’obtention de la double nationalité, mais je n’en suis pas sûr à 100%. Je verrai bien d’ici là mais ce qui est sûr, c’est que je me sens bien avec la délégation russe. J’ai disputé pratiquement tous les Championnats du Monde avec eux depuis Ponferrada. Je me sens proche de tout le groupe. Finalement, le vrai changement, ce serait de me retrouver en Équipe de France.

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