Tour du Pays de Lesneven : « On a presque honte des fois »

Crédit photo Michael Gilson - DirectVelo

Crédit photo Michael Gilson - DirectVelo

Le feu vert est donné ! Sous réserve de mauvaises surprises d’ici samedi matin, le Tour du Pays de Lesneven devrait bien avoir lieu, ce week-end, dans le Finistère. La course par étapes Toutes Catégories a obtenu l’accord de la préfecture ce jeudi matin pour lâcher les coureurs entre Plounéour-Brignogan-Plages et Lesneven, sur trois étapes dont un contre-la-montre par équipes. À la suite des dernières mesures nationales prises par le gouvernement, l’équipe d’organisation est la première surprise d’avoir décroché le précieux sésame. Vice-président de l’épreuve, Jean-Yves Fichoux livre son état d’esprit à DirectVelo, à quelques heures du coup d’envoi de l’épreuve bretonne.

DirectVelo : Comment as-tu réagi aux dernières annonces du gouvernement sur les restrictions étendues au territoire national ?
Jean-Yves Fichoux : On recevait des coups de fil et des mails sans être sûrs de quoi que ce soit. Mercredi soir, on croyait qu'on arrêtait tout et que l'affaire était réglée. On avait l'autorisation préfectorale vendredi dernier, l'annonce du Président de la République a modifié la donne. Mais j'étais surpris jeudi matin qu'on puisse y aller, que la préfecture nous dise que le sport de haut niveau n'était pas concerné. Je ne dirais pas qu'on le fait presque à regret, mais on nous impose des choses abominables. Même donner des nouvelles de l'épreuve, c'est presque interdit. Le TPLCL (Tour du Pays de Lesneven et de la Côte des Légendes, NDLR) est organisé sur une communauté de communes, et chaque commune a un bulletin d'informations. La préfecture a intimé l'ordre à toutes les mairies de ne faire aucune publicité pour l'épreuve. On a pu le faire la semaine dernière, mais pas là. 

Quelles sont les conséquences de ces dernières annonces sur l’épreuve ?
Il y a des choses retardées. Le fléchage était prévu ce jeudi matin, mais on n'a eu la décision qu'en milieu de matinée, donc les gars sont allés le faire l'après-midi sous la chaleur. On a pas mal de décalage dans les tâches à accomplir. Heureusement, la majorité des gens de l'organisation ne travaillent pas. On a fait les dossiers pour la presse. On a aussi plein de petits soucis qui nous préoccupent. J’irai dans la voiture ouvreuse pour annoncer les consignes et dire aux gens de bien respecter les règles, de ne pas trop s’attrouper au delà de six personnes puisque c’est interdit. Mais il faut espérer que tout se déroule dans de bonnes conditions pour qu’on n’ait pas à s’arrêter tous les kilomètres. 

« ON PRÉFÉRERAIT SE CONCENTRER SUR LE SPORTIF »

Les dernières heures doivent être particulièrement éprouvantes…
Je reviens de chez le président, tous les dossiers sont en cours. Mais on sentait qu’il y avait une tension très palpable, les coups de fil pleuvent de partout. Il y a des équipes qui demandent quelques détails, on se doit de leur répondre. Heureusement, on a la chance d'avoir un beau plateau. On aurait pu en prendre le double, mais le gros problème c'était l'hébergement, c'est très strict. On a trois sites. Dans les dossiers, il faut faire plusieurs attestations. Ce sont toutes ces petites choses qu'on ne faisait pas d'habitude. On préférerait se concentrer sur le sportif. 

N’y a-t-il pas eu de difficultés à loger tout le monde dans ce contexte ?
Deux ou trois équipes voulaient à tout prix venir, mais on leur a demandé de se débrouiller par leurs propres moyens, dans des gîtes ou quelque chose comme ça. On ne peut pas attrouper tout le monde dans des hébergements. On loge les équipes dans des instituts, des écoles, ou maisons familiales disponibles, etc. On limite au maximum le nombre par équipe, on a limité à dix, on demande des tests PCR aux équipes. On a dû être très directifs, mais j’imagine que le peu de courses qui tiennent ont dû faire pareil. Et là ça dure deux jours, nous sommes la première course à étapes. Les autres n'étaient que sur une journée. 

« COMMENT SE FAIT-IL QUE VOUS AYEZ LE DROIT D’ORGANISER ? »

En tant que course par étapes, le Tour du Pays de Lesneven montre qu’il est possible de tenir et d’organiser. Y'a-t-il une forme de fierté de montrer la voie à de potentiels autres organisateurs ?
C’est vrai qu’on se demande comment c’est possible. Il y a une forme de fierté oui, mais malheureusement ça va peut-être s'arrêter là. On voit Paris-Camembert et Paris-Roubaix qui reportent. Pour l’anecdote, je me suis occupé de trouver des signaleurs car on avait besoin d'une dernière personne. Je me suis fait interpeller par une dame qui me disait d'un air assez défiant : « mais comment se fait il que vous ayez le droit d'organiser ? ». On a presque honte des fois, on en arrive là. Le président disait mercredi soir que la messe était dite, malgré tous les dossiers déjà entrepris. Le problème en plus, c'est que si on annule de nous même, on n'est pas remboursé de nos frais, alors que si c'est préfectoral, on est remboursé. Ça pesait aussi dans la balance. 

Est-ce que vous avez songé à changer le format de l’épreuve pour limiter les contraintes ?
Mercredi j'ai pensé à ça de mon côté. Ils disaient qu'à partir de samedi soir c'était impératif de suivre les mesures, mais ils ont l'air d'être souples en laissant le week-end de Pâques. J'avais imaginé qu'on pouvait faire la première étape et aller jusqu’à Lanarvily. Mais ça aurait eu un goût d'inachevé, les équipes n'auraient peut-être pas été toutes d'accord non plus. On peut s'attendre d'ici samedi à voir des équipes se désister aussi, on ne sait pas. On aura des surprises d'ici samedi matin je pense. 

« ON A HÂTE D’EN FINIR DIMANCHE SOIR »

Malgré le feu vert, tu penses qu’il peut encore y avoir des rebondissements sur la tenue de l’épreuve ?
Lorsque je suis parti de chez le président, on s'est dit qu'on aurait peut-être encore des modifications ce vendredi. Le Premier Ministre a dû passer une drôle de journée hier (jeudi), être un peu bousculé. Les décrets ne sont pas encore sortis, donc on peut s'attendre à des drôles de surprises d'ici samedi matin. On a encore les véhicules à prendre, il faut tout désinfecter, c'est strict. Et la préfecture devrait envoyer des émissaires pour s'assurer que tout sera respecté.

Tu dois avoir hâte d’être à dimanche soir donc…
Oui bien sûr ! On souhaite qu'il n'y ait pas d'incidents majeurs, que tout se déroule bien au niveau du parcours. On a hâte d’en finir dimanche soir. Il y a toujours une appréhension évidemment. On a pris toutes les précautions qu'on juge utiles, mais peut-être qu'on a oublié des choses. On nous reproche toujours des choses futiles après, mais on a une équipe de bénévoles solide derrière. Ça nous permet de garder l'espoir. Et notamment l’espoir qu'on puisse retrouver des conditions normales l'année prochaine... 

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