Audrey Cordon-Ragot : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Cette fois encore, le doublé contre-la-montre/course en ligne n’est pas passé loin pour Audrey Cordon-Ragot. Battue in extremis sur la course en ligne du Championnat de France d’Épinal, elle a dû céder sa tunique bleu-blanc-rouge à Evita Muzic (voir classement). De quoi enrager après une erreur grossière au sprint selon la principale intéressée. La coureuse de Trek-Segafredo explique à DirectVelo les raisons de ses regrets après une journée qui aurait pu être meilleure.

DirectVelo : Comment juges-tu cette deuxième place ?
Audrey Cordon-Ragot : On a toujours une course très bizarre sur les Championnats. J'ai souvent perdu mon sang-froid, couru à côté de mes pompes. Aujourd'hui (samedi) j'ai fait ce que j'avais à faire. Je pense que je n'étais pas la moins bonne de la journée, j'ai fait les efforts au bon moment. Au final, je sprinte comme une Cadette, et je me fais avoir. C'est complètement de ma faute. J'ouvre la porte à Evita sur la gauche alors que je pense que j'étais la plus forte au sprint, ça me convenait bien comme arrivée. Mais il faut l'accepter. Je voyais la ligne et le maillot revenir sur mes épaules aujourd'hui. Mais battue par plus forte, plus maligne, et une équipe FDJ qui a très bien couru encore une fois.

Est-ce que ce fameux doublé chrono/course en ligne te trottait dans la tête ?
L'objectif n'est pas le doublé. C'est de ramener un maillot bleu-blanc-rouge et c'est chose faite, donc je ne peux pas non plus être déçue de la semaine. Mais passer à quelques centimètres d'un deuxième titre, c'est frustrant. Quand on a ce maillot sur les épaules il faut en profiter à 3000%, parce que c'est le plus beau du peloton. Ça pousse. (Elle s’adresse à Evita Muzic) "Evita, si tu as déjà passé un cap sur le Giro, là tu vas en repasser un. Tu vas voler et briller, profite de ça car on ne sait pas combien de fois ça arrive".

« JE SUIS UNE DES PLUS FRAICHES À L’ARRIVÉE »

Tactiquement, tu as encore été très marquée…
Evidemment, c'est le jeu. Je contrôlais aussi. Je ne voulais pas me faire avoir par les attaques. J'ai monté la bosse devant, en fermant la porte d'un côté pour pouvoir observer les filles qui sortaient. Je n'ai pas ménagé mes efforts. J'allais chercher à chaque attaque. Je me sentais tellement bien et forte que j'étais peut-être trop confiante. Ça m'a peut-être desservi sur le final. L'année dernière, j'ai sans doute moins réfléchi, j'ai fait ça au feeling. Là j’avais mon plan en tête, de me dire que le final était pour moi. Et que ça allait le faire. Et j'ai fait cette bêtise d'ouvrir la porte à gauche. Puis j'ai vu le boulet de canon arriver sur la gauche. J'ai Evita d'un côté, Gladys (Verhulst) de l'autre, j'essaye de jouer des coudes mais je ne peux rien faire.

Tu avais regretté la courte distance du Championnat. Penses-tu qu’un ou deux tours de plus auraient pu jouer à ton avantage ?
Complètement. Je suis un peu diesel aussi. 140 kilomètres, ça aurait été parfait. On le voit dans le final. Je pense que je suis une des plus fraiches avec Juliette (Labous). Comme disait Evita précédemment, elle se sentait moins bien. Mais j'aurais dû m'en rendre compte et faire le forcing dans la bosse. Je n'ai peut-être pas assez cru en moi et trop attendu le sprint. Mais on peut refaire la course des millions de fois, le podium est là.

« JE SUIS UN PEU ÉNERVÉE CONTRE MOI »

Tu as l’air de ruminer…
Ce qui m'énerve, c'est que je critique les filles qui ont fait exactement ce que j'ai fait aujourd'hui. Et je pense à ma collègue Elisa Longo Borghini qui le fait au Championnat d'Europe et aux Mondiaux l'année dernière. Et je fais pareil. C'est le truc qui m'énerve le plus au monde : être la plus rapide et de faire de la merde comme ça. Et là j'en ai fait. Mais c'est comme ça, je ne peux pas refaire le sprint. C'est vraiment faites ce que je dis et pas ce que je fais.

Comment l’expliques-tu ?
J'ai clairement eu trop de confiance. J'ai juste eu un petit doute. J'entendais Grégoire Le Calvé crier à Gladys (Verhulst) à 400 mètres : "c'est toi la plus rapide". Et je me sentais tellement bien que j'avais envie de lui dire : "tu vas voir si c'est elle la plus rapide (rires). Je vais sprinter et je vais gagner". J'étais transcendée. Je ne vais pas m'en remettre, je crois. Enfin si, parce que je m'en remets toujours, mais je suis quand même un peu énervée contre moi-même. 

Dans quel état d’esprit repars-tu d’Épinal ?
J'étais venue surtout pour le chrono. Ça se fait toujours à la pédale, il n'y a pas de tactique sur un chrono. Au final, ça m'a enlevé un poids. J'ai pris le départ plus confiante et libérée. D'année en année, les équipes prennent de la valeur, de la force. Moi je fais le choix de rester dans une équipe où je me retrouve en individuel donc il faut l'assumer, c'est mon choix. C'est aussi la course où je peux jouer pour moi car le reste de l'année je suis au service des autres. C'est aussi pour moi la possibilité de montrer ma force physique. Mais ce n'est pas toujours la plus forte qui gagne.

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Audrey CORDON RAGOT