Miguel Martinez : « Le rôle du coureur et du bon père »

Crédit photo Nicolas Berriegts - DirectVelo

Crédit photo Nicolas Berriegts - DirectVelo

Désormais âgé de 45 ans, Miguel Martinez n’a pas encore rangé le vélo. Si ses étés sont moins fournis qu’à sa grande époque, lorsqu’il a été champion olympique et champion du monde de cross-country… en 2000, le spécialiste de VTT continue de se donner l’hiver, lors de cyclo-cross. Comme à Dijon, ce mercredi, où il disputait d’ailleurs sa dernière course de la saison, accompagné de son frère Yannick, et son fils Lenny. Pour DirectVelo, Miguel Martinez fait le point sur sa motivation à continuer le vélo, parle de son fils Lenny, futur coureur de la Conti Groupama-FDJ, avec qui il s’est disputé une 8e place au sprint ce mercredi en Côte-d’Or pour l’anecdote, et évoque son (futur) métier de réalisateur/vidéaste, dans le monde du trail, lui qui suit les courses sur son vélo.

DirectVelo : Qu'est-ce qui te motive toujours à monter sur le vélo ?
Miguel Martinez : C'est de pouvoir ne pas regarder derrière, toujours avancer. J'ai commencé par un cross comme ça en me disant que j'allais me maintenir en forme, sans prétention de résultats. Puis j'ai bien marché dès le premier, alors j'ai enchainé, enchainé... avec sept victoires cette année et toujours dans les cinq premiers en série nationale. Aujourd'hui je suis un peu plus loin mais en arrivant quand même avec Lenny. Puis je ne sais pas, je ne cherche pas à avoir d'objectif trop lointain. J'ai tellement été habitué au niveau national et international. Comme j'ai décidé de ne courir qu'au niveau régional maintenant, pour moi c'est comme un jeu d'enfant. Je prends le vélo, je vais m'amuser, ce sont des petits circuits. En même temps il y a mon frère (Yannick), il y a Lenny, et comme ça, ça me permet de me donner un petit objectif pendant la semaine, sortir à vélo, et me maintenir en forme sans objectif de résultat.

Et aujourd'hui tu t'es offert un sprint en un contre un avec Lenny !
Ah ben oui, c'est toujours de bonne guerre (rires) ! On vit tous les deux à la maison, mais à chaque fois c'est comme ça ! Je lui ai fait la guerre jusqu'au bout. Un jour, je lui ai dit « si on arrive tous les deux, je te laisse ou tu me laisses ». Il m'a dit « ah non, non, tu fais la course, je ne veux pas qu'on dise après que tu es plus fort ou que je suis plus fort. Tu fais ta course, je fais la mienne ». J'ai dit OK. Donc on l'a faite (sourire). C'est sûr qu'on ne se tire pas non plus dans les pattes. Mais je veux surtout le bien de Lenny, qu'il aille bien, qu'il soit dans de bonnes conditions.

Justement, quel rôle as-tu auprès de Lenny, excepté ton rôle de père bien sûr ?
C'est lui qui gère tous ses entrainements maintenant. J'essaye d'être un peu derrière, voir s’il n’en fait pas un peu de trop. Je gère un peu son matériel pour que tout se passe bien. On est allé courir la semaine dernière à cinq heures de route, alors forcément c'est moi qui conduis, je lui prépare ses vélos, etc. J'essaye de faire le rôle du coureur et en même temps du bon père qui fait en sorte que son fils soit dans les meilleures conditions.

« J’AVAIS VENDU MES VÉLOS, JE NE COMPTAIS PLUS COURIR »

Roules-tu encore beaucoup en dehors des courses auxquelles tu participes ?
Je roule deux fois par semaine ou une fois tous les deux jours, et je ne dépasse pas 1h30 de vélo. Souvent ça étonne Lenny parce qu'il trouve que j'ai le même niveau que lui parfois, alors que je ne m'entraine que cinq heures par semaine. Mais moi ça me suffit, puis à côté de ça je vais à la piscine, je viens sans stress. Je pars, je prends mes précautions pour ne pas avoir froid au départ, je cours, et puis point barre. Et là c'était mon dernier cross.

Quel était finalement l'intérêt pour toi de faire un petit hiver comme ça ?
Je ne sais pas ! J'ai couru comme ça. Je me dis que je risque de ne pas avoir de saison d'été, parce que je n'ai pas d'objectif. Je ne suis pas venu avec Amore e Vita ou quoi que ce soit. Et puis l'hiver ça fait passer le temps de courir. Yannick m'a dit qu'il voulait en faire, Lenny aussi quelques uns. J'ai aussi commencé parce que Lenny était en repos, il m'a proposé de prendre ses vélos, car moi j'avais vendu les miens, je ne comptais plus courir. J'ai pris son vélo Giant, comme il devait avoir des vélos avec Lapierre, donc il m'a dit « vas-y et fais quelques cross ». Et c'est comme ça que c'est parti. Mais c'était prévu que Lenny n'ait pas ses vélos avant janvier, je devais donc lui redonner et arrêter de mon côté. Juste faire trois courses et c'est tout, en gros. Mais finalement il a eu ses vélos plus tôt... et j'ai continué ! J'en referai probablement l'année prochaine.

« ÊTRE AU PLUS PROCHE DES MEILLEURS, ET VIVRE LEUR COURSE DE L’INTÉRIEUR »

Pour l'été, tu as maintenant une autre activité, derrière les caméras...
Maintenant je travaille avec Salomon et Mouss, une société de production. Je suis les Golden Trail Series, l'UTMB etc. C'est moi qui filme le premier ou le deuxième. J'ai cette responsabilité de filmer des gars comme Killian Jornet, Francois D’Haene. C'est moi qui m'en occupe, à quelques mètres voire centimètres d'eux. J'arrive à tout anticiper, donner un bon point de vue. Et je ne fais pratiquement pas d'erreurs techniques sur le vélo. Ce que je fais, c'est que je prends un vélo à assistance électrique. Je vais faire des reconnaissances les jours d'avant, je regarde s'il y a du réseau, et après on est une équipe de deux ou trois coureurs, avec Grégory Vollet. C’est un ancien coureur avec qui je courais et qui m'a mis le pied à l'étrier pour entamer ça. Et j'adore ce job ! Être au plus proche des meilleurs, et vivre leur course à eux de l'intérieur, c'est génial.

Tu connaissais déjà un peu ce monde du trail ?
Non, pas du tout. C'est un nouveau monde, c'est un effort un peu comme le marathon, où ils arrivent vraiment dans l'extrême en fin de course. Ça ressemble beaucoup au VTT marathon. Dans l'effort, je les vois, ils sont vraiment en souffrance dès la mi-course. Mais ils ont une gestion... c'est incroyable. Et ça se rejoint beaucoup avec le VTT comme la route d'ailleurs.

« C’EST BON, JE NE VEUX FAIRE QUE ÇA »

D'où t'est venue cette idée de te lancer là-dedans ?
Quand j'étais petit, entre 7 et 12 ans, je prenais la caméra de ma mère et je me filmais tout le temps. Je me mettais devant la caméra ou d’autres trucs. J'adorais filmer et faire des vidéos. J'en ai parlé un jour à Greg Vollet, qui est maintenant un des responsables du marketing de Salomon, et il m'a dit « ah tu sais faire ça ! », je lui ai dit que oui, que j'adorais, faire des plans, des trucs comme ça, que je faisais ça étant petit... Il m'a dit « alors si ça t'intéresse on peut te mettre à l'essai sur une course ». Donc j'ai filmé les courses des filles au début, ils m'ont demandé si ça me plaisait. J'ai répondu « c'est bon, je ne veux faire que ça » (sourire). Et du coup c'était parti.

Étant donné ta renommée et ton palmarès en tant que coureur, arrives-tu à trouver ta place dans ce milieu ?
C'est un job qui prend vraiment de l'ampleur. Ce qui est bien c'est qu'après deux-trois courses j'arrive à avoir un bon feeling avec les meilleurs. Ils me reconnaissent aussi, savent qui je suis. Ils se sentent en sécurité et savent que je ne vais pas faire de bêtises, comme ce n'est pas n'importe qui qui est sur le vélo. Et comme ça je peux donner des prises de vue encore plus serrées car ils savent que je ne vais pas les gêner. Et je peux même me permettre d'anticiper dans les virages comme je connais toutes les trajectoires. Donc c'est génial !

Du coup, tu vas te développer dans cette activité ?
Complètement ! Je veux faire ça à plein temps et le plus longtemps possible. C'est mon futur job. Parce que le haut niveau, courir et tout ça, non. Juste en régional comme ça, parce que ça me plait, ça dure 50 minutes. Mais c'est fini pour faire d'autres courses. Maintenant je ne vais rien faire de spécial sur le reste de l'hiver. Je pars en vacances si je peux, et c'est tout. Sinon suivre Lenny, l'emmener en stage, prendre du bon temps et m'entretenir à vélo !

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