La fête est totale pour le cyclisme breton et pour Johan Le Bon. Sorti à 17 kilomètres de l’arrivée dans les rues de Lannion qu’il connaît par cœur - lui qui est originaire de cette commune des Côtes d’Armor -, le coureur de Dinan Sport Cycling est parvenu à piéger le leader Alex Baudin (Swiss Racing Academy) pour aller cueillir, en solitaire, un second succès d’étape et la victoire finale du Tour de Bretagne (2.2), avec panache. Avec cinq victoires d’étapes françaises dans la semaine et le « quadruplé » des Tricolores au général (voir classement), il s’agit de l’édition la plus prolifique pour les coureurs nationaux depuis… 2001 ! Pour sa part, Johan Le Bon a vécu, à 31 ans et malgré sa longue carrière chez les pros - onze saisons parmi l'Élite - l’une des plus belles émotions de sa carrière ce dimanche. Et comme un symbole, il a devancé sur cette ultime étape Jean-Louis Le Ny, autre Breton d’une formation amateur - WB Fybolia Mobihan - qui n’était autre que le tenant du titre. Entretien avec le vainqueur final du Tour de Bretagne 2022.

DirectVelo : Te voilà vainqueur du Tour de Bretagne !
Johan Le Bon : C’est formidable ! J’avais déjà gagné la deuxième étape. C’était déjà un plaisir de gagner pour la première fois sur le Tour de Bretagne après douze ans au haut-niveau. Je voulais récupérer le maillot hier (samedi), mais vu comme l’étape était difficile aujourd’hui (dimanche), je pense que ce n’était finalement pas plus mal de ne pas avoir le maillot avant. J’avais pour objectif d’attaquer dans le final pour récupérer mes quatre secondes de retard. (Alex) Baudin a pris deux secondes de bonif. Mais ensuite, j’ai senti que les coureurs étaient fatigués alors j’en ai remis une puis j’ai bien géré mon effort.

Tu as attaqué à 17 bornes de l’arrivée, il fallait tenir !
C’est mon caractère d’attaquant, j’aime ça, attaquer de loin ! Sur un circuit urbain, c’est plus facile à gérer quand on est tout seul. Je n’avais pas prévu d’attaquer d’aussi loin mais après tout, c’est le vélo que j’aime, l’imprévu et l’attaque.

« JE NE L’AVAIS PAS IMAGINÉ COMME ÇA »

As-tu été surpris de voir Alex Baudin coincer ?
Oui, très surpris ! Hier, j’ai vu qu’il répondait bien aux attaques. C’est un jeune coureur, un très bon grimpeur. Je vois son nom depuis quelques années dans les classements. Quand j’ai attaqué les premières fois, je voyais qu’il revenait facilement. Si on regarde bien les images, 500 mètres avant que j’attaque, j’ai rigolé en lui disant que je n’allais pas réussir à le décrocher. Puis finalement, j’ai réussi à en mettre une belle juste après. Je pense que tout le monde était fatigué après sept jours difficiles.

Avais-tu prévu d’attaquer à cet endroit précis du circuit ?
Oui, j’en avais l’envie. Quatre secondes, c’est 80 mètres d’avance. Je me disais que dans le dernier tour, ça pouvait le faire. Mais à 17 bornes de l’arrivée, je ne l’avais pas imaginé comme ça. Pour moi, une course de vélo n’est pas gagnée tant que ce n’est pas fini. J’ai attendu les 500 derniers mètres pour commencer à y croire, quand un de mes directeurs sportifs m’a dit que c’était fini. Je ne pensais pas avoir une minute d’avance.

À quoi pensais-tu dans le final ?
La flamme rouge était devant l’école de mes enfants. J’y passe tous les jours. Finir tout seul à cet endroit-là, il n’y a rien de plus beau. Surtout sur la dernière étape, pour aller chercher le maillot… J’ai pensé à ma famille, à mes collègues qui ont fait du travail toute la semaine, les trois tours que j’ai faits tout seul en ayant mal aux jambes.

« JE ME SUIS MIS DANS LA PEAU D’UN ORGANISATEUR »

Est-ce le plus beau jour de ta carrière cycliste ?
Derrière le camion d’arrivée, on voit ma maison. Forcément, c’est quelque chose. Je ne sais pas si c’est le plus beau mais je n’ai pas un palmarès de grand champion et c’est une victoire qui me restera gravée à vie. Je n’ai de comptes à rendre à personne, je fais du vélo pour moi, avec les copains. Hier (samedi), en passant la ligne, j’ai dit en rigolant aux gars que le Tour de Bretagne était fini pour moi et que c’était, ce dimanche, une Classique bretonne qui allait commencer. Ils ont tous rigolé. Finalement, c’est une journée spéciale pour moi. À chaque fois que je vais passer ici maintenant, tous les jours, je me dirai que j’ai gagné le Tour de Bretagne ici.

Quel était le plan pour cette dernière étape ?
J’avais dit aux copains que je voulais que l’on arrive groupés, pour le général, sur le circuit. Et c’est ce qu’il s’est passé finalement.

Tu as aussi participé au tracé du circuit final de cette étape...
Christophe Fossani (le président de l'organisation, NDLR) m’a appelé au mois d’octobre pour faire un circuit. Il voulait changer de circuit et avoir quelque chose de plus urbain. Avec les contraintes d’organisateurs, ce n’est pas possible. Je me suis mis dans la peau d’un organisateur pendant un moment et ce n’est pas facile (sourire). Avec les trottoirs, les sens de circulation, ce n’est pas simple mais on voulait faire un circuit usant et intéressant. Il était un peu sinueux, mais en étant urbain…

« C’EST À EUX DE SE POSER LES QUESTIONS »

Après quoi vas-tu courir désormais ?
Je veux continuer de gagner des courses (sourire). L’équipe a fait un gros travail. Si je peux aider mes coéquipiers et rendre la pareille, notamment Clément Alléno qui n’a pas forcément été récompensé cette semaine alors qu’il avait les jambes pour faire un résultat, ce serait bien. Même chose pour Maxime (Cam) et tous les autres. Et si je peux regagner le Tour de Bretagne un jour, ce serait avec plaisir !

Est-ce une revanche après ton retour chez les amateurs ?
Non, je ne suis plus chez les pros depuis deux ans, c’est passé… Mais maintenant, c’est à eux de se poser les questions.

C’est la première fois depuis plus de 20 ans qu’il y autant de victoires françaises, et notamment d’amateurs, sur le Tour de Bretagne. Comment l’expliques-tu ?
Ce doit être parce que le niveau du cyclisme amateur français n’est pas si mauvais… C’est tout (sourire).