Pierre-Luc Périchon : « Partir la tête haute »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Pierre-Luc Périchon est tout près de la fin de sa carrière cycliste. Après douze années dans le peloton professionnel, le coureur de 36 ans a choisi l’automne dernier de raccrocher son vélo à l’issue de la saison 2023. En marge du Tour de Romandie, le sociétaire de Cofidis, passé pro sur le tard à la Pomme Marseille, a expliqué à DirectVelo ce qui l’a poussé à prendre cette décision.

DirectVelo : Dans quel état d’esprit es-tu alors que la fin de ta carrière approche ?
Pierre-Luc Périchon : C’est très compliqué parce que j’étais motivé pour faire une belle dernière saison mais je suis pas mal embêté physiquement. J’ai des douleurs au genou, on a décelé une fissure du cartilage et de la rotule gauche. Ça fait bientôt trois mois que ça m’handicape un peu. J’ai eu une bonne coupure en février-mars. J’ai pu reprendre un peu plus sérieusement depuis le week-end de Coupe de France sur la Classic Loire-Atlantique et Cholet Pays de la Loire, toujours avec une gêne au genou. Je commence juste à retrouver des sensations mais j’ai chopé une sorte de bronchite en début de semaine. J’ai du mal à prendre du plaisir sur le vélo. Je dois partir sur le Giro dans quatre jours, je ne suis donc pas dans le meilleur état d’esprit. Ma hantise a toujours été de faire la saison de trop. J’ai pris la décision d’arrêter cette année pour faire une belle saison et partir la tête haute. Même si la saison est encore longue, pour l’instant je n’ai pas encore rempli mon objectif.

Pourquoi ce choix ?
Je suis en fin de contrat, j’ai 36 ans… Je me suis dit que c’était le moment de tourner la page. On en a discuté avec ma compagne. Ça s’est décidé assez tôt, dès octobre dernier. J’ai annoncé mon choix à l’équipe lors du stage administratif d’octobre, ce qui ne m'empêche pas de rester impliqué et sérieux jusqu’à la fin de mon contrat. On n’a pas beaucoup communiqué dessus, je n’ai pas la prétention d’être un leader ou d’être une tête d’affiche. Quand un Thibaut Pinot annonce qu’il arrête, ça fait quand même un petit peu plus de bruit que quand c’est Pierre-Luc Périchon. C’est un choix aussi, je n’avais pas envie qu’on fasse de la communication sur le fait que j’arrête ma carrière. Je préfère faire parler de moi autrement.

Nous l’avons encore vu l’hiver dernier, c’est un choix de luxe dans le vélo de décider de sa fin de carrière…
Quand je dis que j’ai peur de faire l’année de trop, il y aussi ces coureurs qui annoncent leur retraite au mois d’octobre pour la fin de l’année mais finalement on sait qu’ils ne l’ont pas décidé. C’est juste qu'ils se retrouvent sans contrat. C’était une volonté de ma part de ne pas en arriver là et de ne pas me dire qu’on m’avait mis dehors. Je voulais être maître de mon destin, je fais ma dernière saison de la bonne manière en m’impliquant à fond et aussi en savourant. Au départ de chaque course, je me dis que c’est la dernière fois que je suis sur cette épreuve. Personnellement, ça me motive à m’impliquer encore plus et à me donner à fond. J’espère que ça va durer encore six mois tout en profitant au maximum.

« J’AI COURU DANS TOUTES LES CATÉGORIES »

Pendant ta carrière, parfois, tu as préféré signer des contrats d’un an plutôt que deux alors que tu avais le choix… Pourquoi ?
Ça n’a pas toujours été des choix non plus. Parfois, ça l’a été parce que ça permet d’être libre d’esprit. À la fin de l’année si j’ai envie d’arrêter, j’arrête, si je veux continuer je continue, si je veux changer d’équipe je change d’équipe. Sur un changement de contrat, on est un peu dans l’inconnu que ce soit pour l’équipe ou pour le coureur. Est-ce qu’on va réussir à s’intégrer ? Est-ce qu’on va se sentir à l’aise dans l’équipe ? De signer un an, c’était une solution pour pouvoir prendre du recul et ne pas se sentir piéger au bout d’un an en se disant « j’ai fait une erreur ». Je ne suis pas un coureur qui peut, de par sa notoriété, dire à une équipe « je veux venir chez vous, il faut racheter mon contrat ». Il y a la sécurité de l’emploi et du salaire d’un côté et la sécurité mentale de l’autre. Une carrière cycliste se gère des deux côtés.

Qu’est-ce qui te rend le plus fier dans ta carrière ?
C’est un peu prétentieux de s’autoproclamer fier de quelque chose. Il y a douze ans lorsque je suis passé pro, si l’on m’avait dit que j'allais faire huit fois le Tour de France et que je le terminerais huit fois…. Ma fierté, c’est d’avoir couru toutes les courses du calendrier pro. J’ai commencé le vélo à cinq ans donc j’ai couru dans toutes les catégories, des pré-licenciés aux pros en passant par tous les niveaux que ce soit chez les Amateurs, de la DN3 à la DN1, ou chez les pros, de la Conti au WorldTour.

Tu es passé pro à 25 ans…
C’est toujours pareil, c’était un choix. J’ai fait le choix de poursuivre mes études en même temps que le vélo, de privilégier le côté scolaire. Ça s’est payé à un moment donné. Lorsque l’on n’est pas dans une réserve, qu’on ne s’implique pas à 100% dans sa carrière dès l’âge de 19 ans, on passe professionnel un peu plus tard et ça a été mon cas. J’ai voulu terminer mes études, je suis sorti de l’école à 23 ans. Je me suis impliqué pendant deux ans à fond dans le vélo et je suis passé pro à l’âge de 25 ans. C’était aussi une sécurité pour moi de me dire que quand j’arrêterais, j’aurais quelque chose derrière. Ça permet d’avoir l’esprit libre, de pouvoir avancer dans le vélo tout en me disant que si ça s’arrêtait demain, je n’allais pas être à la rue.

« DE MOINS EN MOINS APTE À FAIRE LES SACRIFICES QUE ME DEMANDE LE CYCLISME MODERNE »

Le vélo a-t-il beaucoup changé depuis ton passage chez les professionnels ?
Ça fait aussi partie de ma décision. Le cyclisme a énormément évolué ces dernières saisons. Avec la lassitude, je suis de moins en moins apte à faire les sacrifices que me demande le cyclisme moderne. Sacrifier des jours de course pour aller faire trois stages en altitude de 20 jours dans les Pyrénées ou dans les Alpes loin de la famille, ce n’est pas l’idéal. J’arrive à un moment de ma carrière où j’ai envie de trouver un équilibre entre mon métier et ma famille. Aujourd’hui, le sport de haut niveau ne me permettait plus de faire ces choix. La charge mentale a évolué. On a eu le Covid il y a trois ans qui nous a mis un gros coup moralement. J’ai un projet qui suit son cours à ce sujet.

C’est à dire ?
On est en train de rédiger un livre sur la charge mentale dans le sport de haut niveau. C’est quelque chose qui me tenait à cœur de pouvoir communiquer sur la façon dont ça se déroule en inside. Les gens regardent le vélo à la télé et ils nous imaginent de la même manière que les joueurs de foot, que ce soit au niveau du salaire ou de l'entraînement. Mon but n’est pas non plus de cracher sur le foot parce que c’est la même chose. On ne voit que ce qu’on nous montre. On a l’impression que les footballeurs ne s'entraînent que deux heures par jour, à mon avis c’est loin d’être le cas. Les gens ne croient que ce qu’ils voient et comme on ne leur montre pas grand-chose… Ça fait partie de ma volonté d’extérioriser ça. Après, effectivement, on a un très beau métier. C’est un métier plaisir, un métier passion que l’on fait avec beaucoup de motivation. Il y a des inconvénients, il y a des aléas et ça fait partie du job comme dans tous les métiers. On a la chance de ne pas se lever en se disant « on va à l’usine », mais il y a des sacrifices à faire quelque part et c’est important de les prendre en compte.

Outre ce livre, quel va être ton avenir ?
J’ai des pistes mais ça reste un peu flou pour le moment. Je travaille sur un projet. Je ne peux pas encore en parler. Ça reste assez secret pour le moment sans pour autant l’être vraiment. Aujourd’hui, je suis engagé avec Cofidis donc jusqu’à la fin de l’année, je suis 100% avec eux et je me concentre sur ma carrière de cycliste. L’avenir, j’aurai bien le temps d’y penser en 2024 et en 2025.



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