Michel Callot : « Revoir le système en profondeur d'ici 2026 »

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

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Alors que les voyants de plusieurs équipes de National clignotent en orange ou en rouge, entre les annonces d'arrêt définitif ou de recherche de nouveaux partenaires, et que le critère sportif sera appliqué pour la première fois pour le maintien en N1 et N2, comment la FFC voit-elle l'avenir du label National né il y a 30 ans ? DirectVelo a posé la question à Michel Callot, Président de la FFC, en marge du Championnat du Monde de Glasgow. Selon lui, le système actuel doit changer et s'adapter à la multiplication des réserves Continentales.

DirectVelo : Êtes-vous inquiet de la situation pour les clubs amateurs ?
Michel Callot : C'est un sujet d'inquiétude. Il faut reconsidérer l'organisation du cyclisme amateur. Nous sommes rattrapés par deux phénomènes importants. Le premier, c'est le jeunisme dans le cyclisme professionnel. Il se traduit par des résultats. Quand on voit le nombre de courses remportées par des coureurs de moins de 23 ans, on voit bien que c'est un phénomène qui se généralise. Il n'y a pas que Tadej Pogacar et Remco Evenepoel qui brillent. Ça fait en sorte que les coureurs sont appelés par le professionnalisme en sortant de Juniors à l'âge de 19 ans. En France, nous avons un système amateur qui a été construit vers la fin des années 90-début 2000, une pyramide qui consiste à amener les coureurs vers le monde pro. Aujourd'hui, le recrutement à 19 ans court-circuite en partie notre système amateur.

Quel est le second phénomène ?
Le deuxième sujet qui nous rattrape, c'est celui des Continentales qui entrent dans ce moule du rajeunissement. Elles deviennent des équipes de formation du WorldTour, ce qui appauvrit encore un peu plus le  marché des coureurs amateurs. Nous sommes dans un système vertueux et qui l'est encore jusqu'à maintenant puisqu'on a le système professionnel le  plus puissant, non pas au niveau des résultats, mais en matière d'équipes, de coureurs et de courses professionnelles au calendrier. C'est parce que la Ligue Nationale du Cyclisme a su trouver à un moment donné les bons accords entre les organisateurs et les équipes pour garantir la participation à toutes les courses. Mais la contre-partie, c'est qu'on a considéré que l'échelon continental était professionnel, géré par la Ligue avec les contraintes françaises du droit du  travail à savoir le salaire minimum.

« ON AVAIT TROP D'ÉQUIPES EN N1 »

En attendant, la liste des N1 en difficulté s'allonge de mois en mois…
Je pense qu'on avait trop d'équipes en N1 (27 en 2023, NDLR). On avait assoupli le cahier des charges. On avait voulu partir sur un système rendant plus accessible la montée en N1. On a maintenant une réforme en application qui va resserrer les lignes. Ça va connaître un premier temps d'application en vue de la saison 2024. Ce n'est pas illogique que le nombre se réduise un petit peu, que ce soit plus sélectif pour être en N1. Des équipes comme Arkéa-B&B Hôtels et AG2R Citroën U23 arrivent. Même si elles auront des coureurs étrangers, ça fait beaucoup d'un seul coup sur une génération de coureurs. C'est pourquoi on est sur un sujet à court terme, même s'il faut tenir compte de l'inertie de ce type de réforme. On ne peut pas se permettre d'attendre. Toutefois, ce n'est pas ce type de réforme qui va apporter les réponses au problème du rajeunissement du cyclisme professionnel.

Quelle est votre solution face à ce problème ?
J'insiste sur le fait que ce système a été vertueux et a protégé l'écosystème professionnel en France. Mais on va être obligés de réinterroger le modèle actuel parce qu'il faut qu'on arrive à le recalibrer. On a deux ans pour le faire. Ces transformations, vous ne les faites pas en six mois. Il faut consulter en amont, préparer les acteurs, ne pas se tromper sur la direction où on veut aller. Le but est de revoir le système en profondeur d'ici 2026. Les coureurs de l'équipe de France Espoirs sont des jeunes dans cette configuration. Vous avez deux schémas. Je les ai interrogés parce que ça me préoccupe. Vous avez des coureurs passés pros à 19 ans et vous en avez d'autres qui ont fait un an chez les amateurs. Il faut interroger les coureurs, l'encadrement de l'équipe nationale, le monde professionnel car ça ne sera pas fait sans eux, les organisateurs car ce qui est en cause aussi derrière, c'est le calendrier fédéral qui est extrêmement fourni. J'ai conscience qu'on est sur quelque chose qui ne peut pas rester en l'état. Ça ne peut plus marcher comme ça parce que les hypothèses de départ ne sont plus les bonnes. Par conséquent, les réponses non plus.

« REVOIR LA MÉTHODE DE TRAVAIL AVEC LES JUNIORS »

Que faire d'autre ?
On doit revoir la méthode de travail avec les Juniors car ça se passe de plus en plus à ce niveau-là puisqu'on voit les meilleurs Juniors passer pro. La formation en Junior est devenue déterminante. Ça passe peut-être par d'autres programmes en équipe de France. Il faut qu'on soit en capacité de permettre aux Français de briller autant qu'ils en ont besoin, mais il faudra le faire en complémentarité avec nos clubs et nos comités régionaux.

Craignez-vous la fin du cyclisme amateur de haut niveau ?
Il faut juste recaler le dispositif en remettant les bonnes données d'entrée. C'est une équation dont on a changé la base. Aujourd'hui, ce n'est plus la même règle. Avant, la fourchette pour passer pro était de 20 à 24-25 ans, le temps de faire ses preuves en amateur. Maintenant, ce n'est plus vrai. J'ai besoin que tout le monde retrouve sa place là-dedans car il est important de garder la dynamique du cyclisme professionnel mais celle aussi du cyclisme amateur. Car si on n’a plus ça, on atrophie tout le système fédéral.

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