Xavier Jan : « Il faut savoir évoluer »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

À l’occasion de la cérémonie des Coupes de France FDJ hommes et femmes, ce jeudi à Boulogne-Billancourt, DirectVelo fait le point sur ce challenge de régularité avec plusieurs intervenants. Des coureurs qui ont marqué cette édition, à la Ligue Nationale de Cyclisme, en passant par la FFC, l’heure est aux bilans de la saison 2023, mais aussi aux projections sur la suite à donner à la compétition. 
Paul Penhoët a remporté le classement général de la Coupe de France FDJ cette année. Le coureur de la Groupama-FDJ qui n'a pas encore 22 ans succède à l'expérimenté Julien Simon, une des figures de cette Coupe de France FDJ, créée par la Ligue Nationale de Cyclisme en 1992. "Voir cette année un jeune coureur qui truste à la fois la victoire sur le classement des jeunes et au général, c’est dans la philosophie de cette Coupe de France, qui doit permettre de révéler de jeunes talents", se félicite Xavier Jan. Le Président de la LNC est revenu pour DirectVelo sur la situation et l'avenir du calendrier français et l'influence des modifications du calendrier international.


DirectVelo : En quoi cette Coupe de France FDJ est-elle importante pour la Ligue ?
Xavier Jan : Déjà, c’est quelque chose qui nous permet de raconter une histoire tout au long de la saison, de créer un lien sur différents épisodes. On apporte une attractivité autour de ces manches d’un jour, ce qui crée un Challenge dans les différents classements, que ce soit par équipes, en individuel ou pour les jeunes. C’est un beau fil conducteur tout au long de la saison.

Es-tu satisfait du nombre de manches pour cette Coupe de France FDJ alors que l’UCI veut les limiter à huit (lire ici) ?
On a entendu parler de ces changements réglementaires mais pour l’instant, ce n’est qu’une piste. Va-t-elle se concrétiser, on n’en sait rien. Le nombre retenu sera-t-il de huit manches ? On ne le sait pas non plus. Ce qui est annoncé, c’est que l’existant ne sera pas modifié. C’est normal que l’UCI réfléchisse à une évolution mais il n’y a donc pas d’inquiétude. De notre côté, on réfléchit aussi à toutes les évolutions possibles. Des réflexions sont en cours et elles vont se prolonger. Il faut savoir évoluer au fil du temps, être inventifs. On a monté un cahier des charges en fonction des organisateurs et à un certain nombre d’autres choses. Il faut continuer en ce sens. Cette Coupe de France doit continuer d’avoir un sens. Il ne peut pas y avoir trop peu d’épreuves, ni trop… Le but n’est pas d’avoir un vainqueur final qui aurait glané quelques points par ci-par là. Le vainqueur final doit avoir gagné des manches ou terminé sur le podium de plusieurs épreuves pour que ça puisse représenter quelque chose.

« IL FAUT PENSER A LA RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE »

Lorsqu’une nouvelle Classe 1 voit le jour en France, comme c’est arrivé récemment avec le CIC Mont Ventoux ou la Mercan’Tour Classic, avez-vous envie de les attirer ? Comment cela se passe-t-il ?
Il y a d’abord une règle de base : avant de pouvoir intégrer le calendrier de la Coupe de France, il faut qu’il y ait déjà eu deux premières éditions de la course en question. Les nouvelles compétitions doivent faire leurs preuves. On doit s’assurer de la qualité organisationnelle, même s’il y a la DNCG. La Coupe de France FDJ est un label qui se mérite. Il faut aussi penser à la répartition géographique. Si on a un candidat qui arrive d’une région où il n’y a pas, ou peu, de manches, c’est toujours plus attractif que dans une région où il y a déjà une concentration d’épreuves. Si on est objectif, on ne peut pas dire qu’aujourd’hui la répartition géographique soit uniforme, même si on a des manches un peu partout. La place dans le calendrier est importante aussi. On ne peut pas concentrer toutes les épreuves sur une seule période. Encore une fois, on veut pouvoir raconter une histoire sur toute la saison.

Vous avez souvent évoqué la volonté de regroupement géographique des épreuves. Es-tu satisfait du calendrier 2024 de ce point de vue ?
C’est une première étape. On continue à travailler, à réfléchir aux évolutions possibles. Il faut continuer d’avancer, en sachant qu'on est dans un contexte international avec beaucoup de pays émergents qui deviennent organisateurs et qui n’ont pas les mêmes contraintes que nous, de toutes natures qu’elles soient. Le bilan carbone des déplacements est aujourd’hui l’un des premiers éléments à prendre en compte. Clairement, il faudra encore progresser dans ce domaine.

« ON VEUT APPORTER DES RÉPONSES STRUCTURELLES »

D’une manière générale, où en sont les organisateurs français aujourd’hui ?
La motivation est toujours là. Le Covid a laissé des traces. Il a fallu passer le cap. Certains ont dû taper dans leurs fonds propres… Nous avons des organisateurs qui sont passionnés, mais confrontés à une multitude de contraintes : administratives, financières, environnementales, concurrentielles au niveau international. On se doit de les accompagner. On a mené un audit cette année avec l’ensemble des comités d’organisation sur leurs problématiques, leurs points forts, leurs points faibles, pour essayer de dégager des points communs à travailler, et mettre en place un certain nombre de dispositifs. On en est au stade où l’on a recueilli les données, on les a analysées, on a des pistes, mais il va falloir construire avec eux. Dans notre modèle, chaque organisateur est indépendant. Mais ces échanges sont indispensables. L’idée, c’est de développer un socle commun et des services, pour professionnaliser et structurer tous ces comités d’organisations. On sent une dynamique mais certains restent arc-boutés sur leurs méthodes. Mais si 80% suivent, les autres ne resteront pas à quai et finiront par suivre le mouvement. On ne va pas empêcher la grande majorité d’avancer car certains, très peu d’ailleurs, ne veulent pas bouger. Là encore, il faudra trouver le bon dosage entre ne pas se précipiter  et trouver une bonne dynamique. On veut apporter des réponses structurelles à long terme. La politique de la rustine n’est pas viable à long terme.

L’UCI travaille actuellement sur une évolution du calendrier (lire ici). Êtes-vous également partie prenante sur ces travaux ?
On n’est pas partie prenante directement dans le sens où la Ligue n’est pas membre de l’UCI. La Ligue est une spécificité française et italienne mais nos membres, les représentants des organisateurs par exemple, siègent à l’UCI. Ce qu’on demande, c’est d’avoir une visibilité sur plusieurs années. La démarche collective et structurante dans la construction de ce calendrier cycliste n'a de sens que si on peut construire sur la durée, l’idée n’étant pas de repartir d’une feuille blanche tous les ans. Sinon, on va démobiliser les gens.

« IL Y A PLEIN DE PARADOXES DANS NOTRE SPORT »

N’y a-t-il pas la crainte que tout soit fait pour mettre un maximum en lumière les épreuves WorldTour ? On peut se demander ce qu’il va rester aux autres…
Il est aussi éventuellement question de diminuer la durée de certaines courses par étapes du WorldTour. Dans tous les cas, on parle ici de la période après 2026. On va attendre de voir. Le WorldTour est le calendrier phare de notre sport, mais il n’y a pas que ça, surtout en France. Il faut trouver un équilibre avec ce calendrier WorldTour qui veut faire s’affronter les meilleures équipes sur les plus belles épreuves. Certes il y a la mondialisation mais le centre de gravité de notre sport reste en Europe. On a des partenaires qui ne sont pas tous des partenaires mondiaux et pas qu’en France. Demain, ces partenaires pourraient se poser des questions si les trois-quarts des compétitions se déroulent dans des territoires qui ne sont pas leurs cibles commerciales. L’UCI est dans son rôle de mondialisation. Nous sommes pour la préservation de notre modèle pyramidale, on y tient. Il faut trouver le bon équilibre, le bon dosage, entre le village gaulois et une mondialisation forcenée. On ne peut pas faire que subir. On doit être une force de proposition, même si on n’est pas décisionnaire. Pensons différemment nos épreuves et l’animation autour de nos épreuves.

On te sent convaincu qu’il y a de belles choses à faire !  
Il y a plein de paradoxes dans notre sport. On n’a jamais eu d’aussi bonnes audiences télé. On n’a jamais vu un tel engouement populaire autour des courses, avec de nouveaux phénomènes, festifs, autour du vélo. Il faut le capter, sans vouloir tout régenter non plus. On a une belle attractivité, on le voit avec le retour de sponsors, B&B ou Decathlon. La pratique du cyclisme est un vrai phénomène de société. On doit réussir à le traduire dans l’organisation de nos courses, dans la prise de licences aussi. Un autre paradoxe est qu’on est dans un système d’aménagement urbain pour la pratique quotidienne du vélo est parfois contraignante pour la compétition, et pas que professionnelle. On est aussi dans un phénomène concurrentiel pour les équipes et les organisateurs, avec des contraintes qui n’existent pas à l’étranger.

« LA PLANÈTE VÉLO A EXISTÉ PARCE QUE LA FRANCE ÉTAIT LÀ »

C’est-à-dire ?
Nos équipes font de la formation pendant que les pays émergents, notamment ceux du Golfe, ont d’autres stratégies. Ils sont consommateurs, ils ne forment pas mais viennent se servir car ils ont le carnet de chèques qui va bien. Il faut savoir s’adapter, là aussi, et trouver des solutions au niveau international. Il ne faut pas qu’on soit dans l’idée d’être le village gaulois qui fait mieux que les autres. On se doit d’évoluer, sans oublier que l’on représente un sixième du vélo mondial. La France représentait 50% des organisations de courses cyclistes pendant le Covid. La planète vélo a existé parce que la France était là, c’est un socle. Préservons-le tout en évoluant.

Une dernière question sur les Jeux Olympiques. Certains organisateurs se disent inquiets, notamment quant à la possibilité de pouvoir compter sur les forces de l’ordre pour assurer la sécurité des courses cyclistes. Peux-tu faire un point sur le sujet ?
Ce n’est pas que pendant la période des J.O, il y aura aussi l’avant et l’après et c’est normal car les forces de l’ordre auront aussi besoin de périodes de repos. La première des répercussions, ce sera le passage de quatre à deux jours de course pour la Route d’Occitanie, qui doit faire face à cette problématique. Pour d’autres, c’est même plus dramatique puisque, comme dans le cas du Mont Ventoux Dénivelé Challenge, les collectivités ne souhaitent pas, pour 2024, assurer leur engagement financier, avec le passage de la flamme. Mais c’est aussi dans les valeurs de la Ligue de mettre les professionnels français dans les meilleures conditions pour les Jeux olympiques pour rapporter des médailles.

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