Pôle Espoir de Saint-Étienne : « Aller chercher plus loin »

Crédit photo Philippe Pradier

Crédit photo Philippe Pradier

Depuis le 1er janvier, Jean-Loup Fayolle (Arkéa-B&B Hôtels) et Titouan Fontaine (Groupama-FDJ Conti) ont rejoint les rangs professionnels à l'issue de leur passage au Pôle Espoir de Saint-Étienne. Ces deux promotions à 18 ans ne dérogent pas à la tendance actuelle de faire passer les coureurs de plus en plus jeunes vers les rangs professionnels. Pour les structures de formation comme les Pôle Espoirs, cela implique une refondation des apprentissages. Entraîneur aux côtés des co-directeurs Guillaume Rousset (en charge du scolaire) et Cédric Bonnefoy (responsable haut niveau), Romain Rosier fait le point sur la situation du Pôle Espoir stéphanois.

DirectVelo : Comment se porte le Pôle Espoir de Saint-Étienne ?
Romain Rosier : Le Pôle est une structure qui forme des jeunes coureurs depuis bientôt 30 ans. La stabilité de la structure n’est plus à démontrer et ça nous a permis de résister à l’épreuve du temps. Notre acquis c’est cette fiabilité, les coureurs et les parents savent les valeurs et les services qu'ils vont y trouver.

Comment un Pôle s’adapte-t-il au jeunisme ambiant dans le cyclisme ?
Ce jeunisme, il faut l’accepter, sinon on se fera bouffer. Il faut s’en servir pour évoluer, pour se remettre en question, pour explorer de nouvelles pistes de réflexion. Par contre, l’expérience et ce qu’on met en place depuis longtemps nous aident à relativiser la pression qui s’exerce sur les jeunes actuellement… On pense à l'intérêt global du coureur. Nous ne pouvons pas aller à contre-courant, nous sommes obligés d’adapter notre formation et nos actions car c’est la tendance et c’est le besoin du haut-niveau actuel. Mais ça n'empêche pas d'apporter de la sérénité aux jeunes et de leur maintenir un discours de bon sens et de progressivité.

Quel avantage a un coureur à être dans un Pôle ?
Au Pôle, on ne peut pas oublier les priorités. Il y a l’école ET la performance sur le vélo. Les coureurs ont plus à gagner dans un Pôle qu’en passant par des entraîneurs à distance s'ils veulent optimiser leur performance. Quand le coureur est exigeant, qu’il pousse loin dans sa démarche, c’est plus facile pour lui d’être dans un Pôle. Il a ses après-midi pour rouler, c’est mieux que d’y aller le soir à la lampe.

« ÇA NOUS MET LA PRESSION »

Sens-tu un vrai changement de mentalité ces dernières années ?
Je ne peux pas dire qu’aujourd’hui le niveau est intrinsèquement plus élevé car en tant que coureur du Pôle, j’ai connu une génération avec Russo, Sauvage, Faussurier ou Bernier…  Ce n’était pas des bambanes. Par contre, les coureurs sont aujourd’hui dans une démarche de performance plus significative au même âge. Les Juniors sont déjà dans une course à l’optimisation. Quand ils sont plus exigeants, ça nous met la pression. On doit aller chercher plus loin, s’équiper de nouveaux outils, proposer des nouveaux formats...

Les coureurs sont-ils plus exigeants aujourd’hui ?
Je ne dirais pas qu’ils sont plus exigeants. Les Juniors se faisaient déjà mal avant. Des coureurs qui ont envie de réussir et qui ont une vision mature de leur performance, ça a toujours existé. Mais aujourd’hui, ils se mettent plus la pression. Ils veulent rapidement un contrat. lls se disent que c’est fichu s’ils n’ont rien à mi-saison de J2… Passer pro à 18 ans, ce n’est pas la normalité. Même si c’est la mode, ceux qui font ça, ce sont des exceptions. Beaucoup de ne voient pas d’issue au haut niveau s’ils ne rejoignent pas une équipe développement. Et on ne peut pas leur en vouloir, c’est omniprésent actuellement.

Comment le Pôle s’adapte-t-il aux nouvelles exigences ?
Nous sommes obligés de trouver l’équilibre entre la volonté des jeunes, qui sont toujours de plus en plus précoces, et le bon sens pour leur faire faire les bonnes charges au bon moment. On doit répondre à leurs attentes tout en restant attractif. Si on reste avec les méthodes d’il y a 25 ans, on n’attirera plus personne… Il faut un juste milieu tout en gardant à l’esprit que tous les jeunes ne sont pas précoces comme Remco (Evenepoel).

« ON NE LEUR LAISSE PAS LE CHOIX »

Les coureurs ont-ils encore envie de faire des études ?
À Saint-Étienne, on ne leur laisse pas le choix. On refuse un jeune s’il n’y a pas de projet scolaire associé. Il est hors de question de ne pas avoir de double projet. Nous n’avons ni le temps ni la vocation d’accompagner un jeune qui serait à 100% vélo. Nous, on leur permet de gérer leur absence à l’école, d’avoir des cours de rattrapage quand ils sont en difficulté scolaire, on leur permet d’avoir une amplitude horaire pour l'entraînement de 13h à 18h… En revanche, avoir des “presque pros” qui roulent en Espagne trois mois par an, ce n’est ni notre rôle, ni notre volonté.

Quelle est la synergie entre le Pôle et les clubs ?
Avoir un jeune dans une structure fédérale de haut niveau, c’est une fierté. Ils sont donc très contents de voir leurs meilleurs éléments être suivis dans un Pôle comme le nôtre. Les jeunes progressent et ont un équilibre entre études et performance. Certains clubs parviennent aussi à retenir leurs jeunes car ces derniers n’ont pas besoin de céder aux sirènes de plus grosses structures qui proposent du suivi.  C’est tout bénéfice pour ceux qui font confiance au Pôle.

Es-tu confiant pour l'avenir d’un Pôle comme celui de Saint-Étienne ?
Tant qu’il y aura des jeunes qui sont assez sensés pour ne pas arrêter les études en 3e, nous aurons notre place dans la pyramide de la formation. Je dirais même que plus la pression sera forte envers les jeunes athlètes, plus notre travail de formateur sera important pour préparer au mieux les gars. Par contre, ces nouveaux besoins sont chronophages et nécessitent des investissements. Nous devons nous adapter aux besoins actuels, sans perdre nos valeurs et en gardant une attractivité. C’est un vrai défi.

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