« Préserver et renforcer » les Boucles Drôme-Ardèche

Crédit photo Sarah Beziane - DirectVelo

Crédit photo Sarah Beziane - DirectVelo

Avec deux fois Juan Ayuso ainsi que Marc Hirschi, Romain Grégoire, Mattias Skeljmose et Maxime Van Gils, il est difficile de rêver de meilleurs podiums pour Guillaume Delpech et toute son équipe de bénévoles. Même si elles étaient moins nombreuses que l’an passé - neuf contre treize -, les Boucles Drôme-Ardèche accueillaient encore de nombreuses WorldTeams malgré une concurrence de plus en plus féroce et un contexte économique compliqué. Les Boucles vont aborder désormais une partie importante de leur histoire avec également l’organisation en septembre 2025 du Championnat d’Europe sur route, en Drôme-Ardèche. Et ce dans le but de pérenniser les deux courses ProSeries. DirectVelo a fait le point avec Guillaume Delpech, qui avait créé en 2001 la Classique du Sud-Ardèche pour rendre hommage à son père décédé accidentellement en rentrant d’une course où il était bénévole.

DirectVelo : Pourquoi avoir choisi d’organiser un Championnat d’Europe en 2025 en plus de vos épreuves ProSeries ?
Guillaume Delpech : Nous avons proposé le projet aux collectivités en 2020, juste avant le Covid. On cherche depuis plusieurs années comment on peut faire évoluer notre organisation. Le modèle associatif et bénévoles trouve ses limites. On devait arriver à construire un projet plus structuré, pour dégager des marges de manœuvre et obtenir des moyens financiers supplémentaires, et ainsi avoir un côté plus professionnel sur l’organisation.

Avec donc un Championnat d’Europe…
On s’est dit qu’on pouvait avoir du récurrent et de l'exceptionnel, ce qui est le cas d’un Championnat d’Europe. On est allé se présenter pour rencontrer les instances. Le Covid nous a mis deux années d’arrêt. En 2023, on a remis la discussion sur le tapis. Il y avait une fenêtre de tir pour les 20 ans du Championnat d’Europe. Plouay était également candidat. La FFC nous a dit qu’elle nous mettait en concurrence et qu’elle retiendrait le dossier le plus pertinent. Ça m'embêtait d’être en face de Plouay. Quand notre course est rentrée au calendrier UCI en 2010, j’étais monté les voir là-haut, j’avais participé au rassemblement des organisateurs des courses de l’Ouest. Jean-Yves Tranvaux m’avait super bien accueilli. J’ai beaucoup de respect pour leur organisation. Finalement, on a été choisi.

« ON MARCHE SUR DES OEUFS »

De l’extérieur, le plateau de qualité et la diffusion télé en clair pendant plusieurs heures ne donnaient pas l’impression que vous aviez besoin de quelque chose de nouveau…
L’organisation est de plus en plus complexe et technique. Il y a beaucoup d'enjeux. Aujourd’hui, on est 100% bénévoles. C’est rare. Ça nous consomme beaucoup d'énergie. L’idée avec le Championnat d’Europe est d’être en capacité de générer quelque chose qui permet de mieux nous structurer et nous professionnaliser. La question est centrale. Si on fait ce Championnat d’Europe, ce n’est pas juste pour nous faire plaisir. On veut préserver et renforcer les Boucles. On ne veut pas faire un Championnat d’Europe pour les affaiblir. Si c’est le cas, on mettrait en l’air presque 24 ans de boulot. Ça m'embêterait… On marche sur des œufs. La période économique n’est pas évidente. 

Cette année, l’organisation a fait quelques restrictions budgétaires. Il y avait moins d’équipes, de prestataires et d'infrastructures…
On a perdu du financement public. Par ailleurs, on a la traduction directe et très factuelle du fait que c’est compliqué en ce moment dans le domaine économique. Chaque année, on commercialise des hospitalités sur la course et cette année, on a 50% du chiffre d’affaires en moins là-dessus. Entre ça et une subvention assez conséquente en moins, ça nous a mis en difficulté. Il a fallu opérer des changements, faire des choix. 

Avec donc moins d’équipes au départ par exemple…
Oui, comme on avait moins d’argent mais il y a aussi de la concurrence, ça ne nous aide pas. La Belgique n’est pas un problème, ce n’est pas le même type de coureurs. Disons le clairement, l’UAE est un problème, l’Espagne aussi (O Gran Camiño, NDLR) et peut-être demain le Rwanda. Le Gran Camiño est financé par la Galice, au Rwanda c’est l'État. On ne peut pas bien lutter. On est aussi en fin de contrat télé. C’est une autre inquiétude. Le fait qu’on soit en clair fait qu’on touche plus de monde que si c’était sur une chaîne à accès payant. Quelle fenêtre de diffusion et visibilité on aura s’il n’y a plus de contrat avec L'Équipe ? Là on a quand même trois heures de télé en clair par course, c’est bien… Alors tout ça, c’est compliqué. 

« UN PEU INQUIET »

Et dans un an, tu organiseras deux ProSeries et un Championnat d’Europe…
Ça va vite s’enchaîner, avec derrière l’édition 2026 des Boucles. Ce sera une grosse année… Je ne suis pas serein et un peu inquiet par rapport à la charge de travail, et économiquement c’est compliqué… Je suis à la tête d’une entreprise, comme Damien (Pollet, vice-président de l’organisation, NDLR) et on voit bien que les signaux ne sont pas bons au niveau économique. On sera aussi sur une année post-olympique, il faudra voir comment se passent les JO. 

Regrettes-tu d’avoir postulé pour le Championnat d’Europe ?
Pas du tout ! L’enjeu est important. Comme je l’ai dit, l’idée est de nous renforcer et pas de nous affaiblir. On va se mettre en ordre de bataille rapidement dès la fin de ce premier semestre car il faut aussi bosser sur le Championnat d’Europe.

Y a-t-il l'idée de ne pas faire les Boucles en 2025 pour privilégier le Championnat d’Europe ?
Elles auront lieu bien sûr. Si je suis cohérent avec mon propos... On a voulu tester le parcours samedi, avec des ajustements. On a une idée très précise du parcours en ligne, on doit faire la visite sur site et le faire valider. On s’est permis de tester ce samedi. On veut des courses qui ressemblent à ce que sont les Boucles. Avoir le Championnat d’Europe, ça permet de donner un titre de noblesse aux difficultés qui font les Boucles, comme le Val d’Enfer.

« IL Y A DU PLAISIR »

Que de chemin parcouru quand même, depuis la première course en 2001…
Cette année, c’était la 24e édition et j’ai créé la course à 24 ans. Je me suis fait la remarque la semaine passée. Ça parait improbable, ce n’était pas écrit. On a commencé par une course nationale. Je disais aux élus que ça pouvait paraître normal d’avoir Ayuso ou Skjelmose au départ, mais il faut se rendre compte de la chance que c’est de les avoir pour le territoire. Même les Madouas, Grégoire…. Ils ne font pas beaucoup de courses en France. C’est une belle opportunité.

Tu as toujours la même motivation ?
J’essaie de ne pas m’épuiser. J'ai encore la passion même si je vieillis. Ça se voit non ?

Il y a quelques cheveux blancs…
C’est depuis le début ça (rires). Mais heureusement que j’ai toujours la passion. Si elle n’était pas là… Il y a quand même des emmerdes à organiser. Mais quand je vois les podiums que nous avons eus ce week-end, il y a du plaisir même s’il est fugace.

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