La Grande Interview : Guillaume Perrot

Dans la roue de Francis Mourey (FDJ.fr) sur le Championnat de France de cyclo-cross, il y aura peut-être Guillaume Perrot. Le coureur amateur du Team Probikeshop Saint-Etienne-Loire est en effet l’un des favoris pour le podium Elites, sur le circuit de Lignières-en-Berry. N’est-il pas à chaque fois placé dans les trois premiers sur les trois manches du Challenge National ? Pour lui, une médaille serait synonyme de "contrat sportif rempli". Mais sa situation personnelle n’évoluerait pas forcément pour autant. "Financièrement, c’est difficile", reconnaît ce coureur de 26 ans, qui paie de sa poche (avec la contribution de son club et de ses parents) ses déplacements en Coupe du Monde. "C’est vrai que je suis peut-être arrivé à un tournant. Les années défilent et il va falloir prendre une décision", confie-t-il à DirectVelo.com dans le cadre de l’interview. Perrot doit désormais trouver des sponsors ou plus idéalement une équipe professionnelle. A défaut, il pourrait arrêter sa carrière en 2014 et se consacrer pleinement à une vie active comme artisan. Comme d’autres, ce crossman doué mais en galère reconnaît qu’il "faut vraiment avoir la passion ou être très têtu pour insister dans de telles conditions."

DirectVélo : Le titre de Champion de France, ce week-end à Lignières-en-Berry, est-ce un rêve ?
Guillaume Perrot : Oui, c’est toujours un rêve. Mais il faut être réaliste. Francis (Mourey) semble vraiment au-dessus du lot comme il l’a encore montré tout l’hiver. Il arrive tout seul à chaque fois. Il semble impossible de le suivre et une fois qu’il a pris quelques mètres, on ne peut plus le remonter. Mon objectif sera donc de terminer sur le podium comme j’ai pu le faire sur chacune des manches du Challenge National (dans l’ordre troisième à Saint Etienne-lès-Remiremont, deuxième à Quelneuc et troisième à Flamanville, NDLR). J’ai terminé cinq fois sur le podium lors des six dernières manches depuis 2012. Le parcours de Lignières-en-Berry sera sans doute assez roulant, ce qui n’est pas pour me déplaire. Nous devrions être au moins cinq ou six à nous disputer la deuxième place. Entre nous, la lutte sera acharnée !

Si tu as enchaîné les podiums en France, tu es en revanche passé à côté de ta manche de Coupe du Monde à Namur (42e)...
Le niveau était très relevé et le circuit difficile. Je suis toujours resté dans un faux rythme. Dans la tête, j’ai complètement lâché après deux tours et je n’avais qu’une hâte : que la course se termine au plus vite. Je sais que je suis capable de faire mieux en Coupe du Monde. Je disputerai d’ailleurs peut-être la manche de Nommay si je suis qualifié pour le Mondial. Cela dépendra de mon résultat du week-end sur le Championnat national.

« J'ARRIVE A LA LIMITE SUR UN PLAN ECONOMIQUE »

Pourquoi ne pas avoir participé à d’autres manches de Coupe du Monde ?
Financièrement, c’est trop compliqué. Je ne peux pas me rendre sur des courses trop éloignées. A vrai dire, je dois sortir de l’argent de ma poche pour disputer des manches de Coupe du Monde comme à Namur. Alors, je ne peux pas participer à chaque manche. Je ne travaille plus depuis quelques mois et sans rentrées financières, je dois faire encore plus attention. D’ailleurs, j’arrive vraiment à la limite sur un plan économique : j’ai tout dépensé dans les déplacements sur les épreuves de cyclo-cross.

Dans quelles conditions te rends-tu sur les courses, comme à Namur par exemple ?
Je suis partiellement aidé par mon club de l’EC Saint-Etienne Loire. Il prend en charge une partie de mes frais de déplacement. Mes parents me soutiennent aussi. Je me déplace la plupart du temps en camping-car avec mon père. J’ai de la chance d’avoir un père prêt à faire tous ces kilomètres pour moi. Maintenant, il faut bien avouer que c’est quand même contraignant de faire toutes ces heures de voyage à chaque fois. Pour Namur, ça peut encore passer. Mais je ne pourrais pas me permettre d’aller disputer une manche de Coupe du Monde en République Tchèque car il faudrait que j’y aille en camping-car. Je serai déjà rincé avant même d’enfiler mon dossard et ce serait ridicule. Et puis ça me reviendrait trop cher.

Le manque de ressources explique-t-il que tu as fait l’impasse sur la manche de Rome ?
Pas seulement. Il n'aurait pas été raisonnable de faire autant de kilomètres à quelques jours du Championnat de France. Je dois limiter les trajets pour éviter d’être trop fatigué.

« J'AURAIS SANS DOUTE DU MAL A ME VENDRE »

As-tu essayé de démarcher des sponsors ?

Oui, mais sans grand succès. Je n’ai jamais vraiment cherché à démarcher d’équipes professionnelles non plus car je n’ai jamais vraiment su comment m’y prendre et surtout par quoi commencer. J’aurais sans doute du mal à me vendre. Pendant ces deux dernières années, j’ai globalement réussi à conserver un niveau de vie acceptable en travaillant quelques mois par ci par là. Parfois, je me contentais vraiment de ce que je trouvais… J’ai notamment fait des travaux d’appartement pour la commune au mois d’octobre.

Ce n’est pas l’idéal pour préparer les grands rendez-vous de cyclo-cross...
En fait, j’ai toujours réussi à m’entraîner convenablement même si je suis toujours partagé entre le vélo et le travail. C’est surtout mentalement que j’ai eu des coups de moins bien. Je suis moins serein que d’autres car je ne sais pas trop où je vais finalement. C’est pour tout ça que j’ai aussi dû ralentir le cyclisme sur route en 2013. Je me suis posé des questions, je ne savais pas trop s’il fallait que j’insiste et que je refasse une année de cyclo-cross à fond. Mais finalement, j’ai décidé d’aller jusqu’au Championnat de France.

Tu aurais souhaité un soutien de la part de la Fédération Française de Cyclisme ?
Oui. Il y a encore quelques années, la Fédération prenait en charge les déplacements de ses représentants sur les manches de Coupe du Monde. Je trouve dommage que cela ne se fasse plus aujourd’hui. Il faudrait davantage soutenir les amateurs français.

Es-tu envieux de la situation d’un Francis Mourey ?
Certes, les moyens dont il dispose, ça fait rêver. Mais sans jalousie. Des gars comme Francis, Steve (Chainel) ou John (Gadret) profitent de leur encadrement professionnel et c’est bien normal ! Tant mieux pour eux. Mais, il ne faut pas croire que je suis le seul à galérer. Tout le monde n’a pas la situation de Francis, loin de là...

« IL FAUT AVOIR LA PASSION OU ETRE TETU »

Espères-tu améliorer ta situation personnelle en cas de podium à Lignières-en-Berry ?
Avant toute chose, un podium serait synonyme de satisfaction personnelle et de contrat sportif rempli. J’ai tout fait pour être au top de ma forme pour ce rendez-vous. Les retombées médiatiques et l’impact sur la suite de ma carrière sportive, j’ai du mal à l’évaluer. Si je reste en amateur, un podium ne changerait sûrement pas grand-chose mis-à-part quelques contrats supplémentaires ou un peu de matériel gratuit. Sinon, pourquoi ne pas espérer gravir l’échelon supérieur, chez les pros. Une place sur le podium pourrait m’aider dans cette démarche. Mais je vais avoir 27 ans et j’ai conscience que ce sera difficile.

C’est ton avenir sportif que tu joues lors de ce Championnat de France ?
Dit comme ça, j’ai la pression d’un coup (rires) ! Mais c’est vrai que je suis peut-être arrivé à un tournant. Les années défilent et il va falloir prendre une décision. Après avoir travaillé deux ans en comptabilité, j’ai passé un bilan de compétence et tant que sportif de haut niveau. Désormais, je veux me réorienter dans le secteur de l’artisanat en 2014. Il faudra forcément que je travaille après le Championnat de France car je n’ai plus aucun revenu. Soit j’ai une grosse opportunité dans le cyclisme, soit je me consacrerai essentiellement à mon nouveau métier.

Très prometteurs, Matthieu Boulo ou encore Clément Bourgoin ont décidé de tirer un trait sur le cyclo-cross ou d'arrêter le vélo... Cette discipline entraîne donc beaucoup de difficultés pour ses pratiquants à haut-niveau ?
Oui, la situation est difficile pour beaucoup. Je connais très bien Clément (Bourgoin) et il s’est retrouvé dans la même situation que moi, à la différence près qu’il a plus rapidement décidé de changer de cap. Il faut vraiment avoir la passion ou être très têtu pour insister dans de telles conditions. Personnellement, je vais peut-être devoir emprunter le même chemin qu’eux par la force des choses.

Crédit Photo : Freddy Guérin - www.directvelo.com
 

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