On a retrouvé : Fabien Patanchon

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Professionnel et fidèle équipier pendant trois saisons à la Française des Jeux (2006-2007) puis à la Caisse d'Epargne (2008), Fabien Patanchon n'en a pas totalement fini avec l'univers du cyclisme. Près d'une décennie après l'arrêt de sa carrière professionnelle, le Bordelais entend reprendre le flambeau de la passion que lui a transmis Dominique Arnaud, lors de ses saisons passées à l'Entente Sud Gascogne. En parallèle de son retour chez les amateurs en 2010 dans les rangs de sa formation de cœur, l'ancien athlète, 35 ans aujourd'hui, a soigneusement préparé sa reconversion professionnelle d'ingénieur. Dans l'attente d'à nouveau jouer un rôle au sein des pelotons en tant que directeur sportif, Fabien Patanchon fait le tour de ses souvenirs et de ses ambitions futures pour DirectVelo.

DirectVelo : L'an passé, l'équipe des Girondins de Bordeaux t'a officialisé comme nouveau directeur sportif (voir ici). As-tu débuté cette nouvelle activité ?
Fabien Patanchon : Non. J'ai repris une petite licence dans le club avec, à terme, l'envie de devenir directeur sportif. En fait, en 2017, je voulais davantage courir pour faire du sport le dimanche. Je m'entendais bien avec le président du club (Alain Celerier, NDLR) qui habite juste à côte de chez moi. Le but était de m'intégrer à l'encadrement du club. C'est une chose qui me plaît bien puisque j'ai envie de transmettre ce que j'ai appris, ma passion et ma vision des choses. Malheureusement, j'ai été trop pris par le travail, mon projet maison et ma petite fille qui vient de naître. Il a fallu préparer son arrivée. 

« TRANSMETTRE CET ÉTAT D'ESPRIT »

Malgré tout, tu as pour objectif de rester implanté dans le milieu du cyclisme ?

Quand on goûte au vélo et que l'on est passionné, on y revient. C'est en effet quelque chose qui me trotte dans la tête. Je veux vraiment essayer d'apporter ma pierre à l'édifice. Aujourd'hui, l'image du vélo a souffert à cause du dopage. Pour les parents, il est difficile d'amener de nouveaux passionnés s'ils ne sont pas eux-même passionnés. De même, comme on utilise la route, la question de la sécurité se pose également. J'aimerais pouvoir transmettre ma vision du vélo aux nouvelles générations et leur apporter quelque chose sportivement. Comme j'ai été professeur, je pense avoir la « fibre » de la transmission des connaissances. 

Tu expliques souhaiter transmettre ta vision du cyclisme : quelle est-elle ?
Dominique Arnaud est quelqu'un qui m'a beaucoup apporté et touché. J'ai vraiment adhéré à sa vision du vélo. J'aimerais combiner ce que j'ai appris au niveau management, grâce à mon travail actuel, avec mon parcours de professeur pour donner envie de faire du vélo. J'apprécie l'état d'esprit de Julian Alaphilippe. Il prend du plaisir, ce qui n'est pas si simple à mettre en œuvre. Parfois, on ne prend plus forcément de plaisir mais on court pour faire plaisir à son entourage. J'aimerais parvenir à donner envie de faire du vélo, à fédérer, et à tirer le meilleur de tout le monde au sein d'un groupe. C'est cet état d'esprit que je veux transmettre. Le vélo, c'est une école de la vie.  

Tu as donc à cœur de transmettre l'héritage de Dominique Arnaud ?
Mon père a été assez présent dans ce que je suis, mais je dirais que Dominique a été en quelque sorte mon « papa du vélo ». Il avait la faculté de transmettre sa passion et sa vision de la course. Mes plus belles années chez les amateurs, c'était à l'Entente Sud Gascogne, notamment la saison 2005. On était vraiment une bande de copains et sur le papier, nous n’étions pas loin d'être la meilleure équipe. Ensemble, on a fait des choses extraordinaires en gagnant la Coupe de France DN1 Espoirs. Dominique a réussi à faire créer une super ambiance. C'est hyper important. Au boulot, dans mon travail de management, je m'inspire de son exemple, mais aussi de mon intuition.

« JE NE VOULAIS ÉCRASER PERSONNE »

Justement, comment as-tu géré ta reconversion professionnelle après ta carrière ?

Avant mes années professionnelles, j'avais un DEUG de physique-chimie. En 2009, j'ai commencé une licence professionnelle dans le secteur des composites, puis j'ai effectué mon stage chez Cyfac, une marque de cadres de vélo. Au terme de cette licence, pendant un an, j'ai fait ce que j'ai toujours voulu faire : professeur de physique-chimie. Malheureusement, une nouvelle loi obligeait à être en Master pour pouvoir passer le CAPES. J'ai donc poursuivi dans une boite spécialisée dans les composites, en CDI. Je faisais de tout et notamment des pédaliers tout en carbone. Après deux ans, j'ai cassé mon contrat pour commencer un Master combiné avec un diplôme d'ingénieur, délivré par l'université en ingénieurie des structures composites. J'ai effectué mon alternance chez Ariane Groupe. Après mon Master, j'ai été embauché chez Safran Engineering Services sur le site de Bordeaux. On propose des prestations d’ingénieurs. Depuis un an, je suis devenu responsable d'activités. Je gère l'activité de vingt ingénieurs et techniciens.

En parallèle de ta reconversion, tu as continué la compétition dans les rangs amateurs. N'était-ce pas compliqué de redescendre à l'échelon amateur, après trois années professionnelles ?
Je suis quelqu'un qui se contente de peu. Chez les amateurs, avec les copains, on se prend moins la tête. On rigolait dans les lycées où l'on était hébergé ou bien dans le coffre de la voiture où l'on se changeait. Ce qui a été compliqué, c'était de se réhabituer à la manière de courir chez les amateurs. Chez les pros, c'est plutôt en mode diesel alors que là, c'était « bim bam boum ». C'était très différent. Et en tant qu'ancien professionnel, on est tout de suite jugé. On sent le regard des autres et on entend limite ce que pensent les gens. Cela peut être blessant quand cela provient de la part des personnes auxquelles on ne s'attend pas. Chez les amateurs, je ne voulais écraser personne...

Aujourd'hui, tes activités te laissent-elles le temps de rouler ?
Au fil des années, j'ai vraiment diminué la quantité de vélo. Le monde professionnel a pris le dessus. Après de bonnes journées de travail, c'est compliqué d'aller rouler. Je pense peut-être à acheter une maison donc j'ai encore moins de temps. Cette année, à part quelques sorties de deux heures, je ne pratique plus. Et encore, après deux heures, je reviens vidé. Il y a un grand décalage entre mon corps et ma tête. La tête se rappelle des sensations du haut niveau mais le corps ne suit pas (sourire). L'an passé, pour ma dernière course, je me suis mis minable afin de rester dans le peloton. Je me suis dit que j'allais mourir, j'étais à bloc, le cœur ne redescendait pas (rires). 

« ON PASSE À AUTRE CHOSE »

Dans ces conditions, les sensations de tes années professionnelles te manquent-elles ?
Dans la vie, il faut toujours avoir des projets et avancer. Ce qui me manque, c'est la sensation de la douleur, d'être à bloc, de revenir vidé et léger après un entraînement. Quand je regarde le vélo à la télévision, la sensation de jouer la gagne me manque. Mais derrière, on se replonge rapidement dans le boulot, les projets... et on n'y pense plus trop. On passe à autre chose.

As-tu gardé des contacts avec tes anciens coéquipiers ?
Pas tant que ça. Il suffirait d’envoyer un message ou de les appeler pour discuter mais je n'ai pas vraiment de contacts réguliers. J'échange encore parfois des messages avec Philippe Gilbert. C'est toujours sympa. J'avais revu Mathieu Ladagnous et Mickaël Delage autour de Dominique Arnaud mais on ne se donne pas trop de nouvelles. On a chacun nos trucs et on avance de notre côté, même si c'est dommage.

Est-ce en partie parce que dans le cyclisme professionnel, les relations entre coureurs s'apparentent davantage à des relations de collègues à collègues, que d'amis à amis ?
Chez les amateurs, c'est plus facile d'avoir des coéquipiers comme copains. Dans le cyclisme professionnel, on est tous en CDD et plusieurs coureurs sont en fin de contrat chaque année. Les places sont chères et on se retrouve parfois en bataille avec son compagnon de chambre. Il faut penser à soi, c'est humain. Les relations de copains à copains sont assez rares dans le peloton professionnel, mais c'est le système qui veut ça. Il faut être meilleur que les autres. Pourtant, quand Alejandro Valverde a gagné le Tour de Murcie en 2008, j'avais tiré le peloton sur des bouts droits pendant 150 kilomètres. Je suis arrivé avec dix minutes de retard mais dès que je suis rentré dans le bus, il est venu me remercier. Ce n'était pas calculé. C'était sincère. 

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