Arkéa : « C’était le moment d’y aller »

Crédit photo DR

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Arkéa Pro Cycling Team est officiellement lancée ce vendredi 22 novembre. Avec dix féminines dans ses rangs (voir ici l'effectif), l'équipe bretonne évoluera au niveau UCI à partir de 2020. “C’est un jour spécial, apprécie Ronan Le Moal, directeur général du groupe Arkéa. Sans jugement de valeur pour les autres sponsors, c’est la première fois qu’en France, un sponsor privé va venir seul aux côtés d’une équipe féminine professionnelle. C’est un moment important. Je suis très fier, tout comme tous les acteurs de la maison”. Pour DirectVelo, il explique pourquoi Arkéa a choisi de se lancer dans le cyclisme féminin.

DirectVelo : Pourquoi Arkéa a décidé de devenir un acteur du cyclisme féminin ?
Ronan Le Moal : La réponse est relativement simple. Quand nous sommes arrivés aux côtés de l'équipe masculine, en 2014, nous avions l'objectif de la faire monter progressivement. Nous avions des grandes ambitions, et nous avons fait comme nous savons le faire. Arkéa est un challenger dans son domaine, la banque-assurance. La formation Bretagne-Séché Environnement était un challenger à l’époque. L’équipe a grandi pas à pas. Nous avons été raisonnables, avec la volonté de franchir des paliers à certains moments. Il y a eu l’arrivée de Warren Barguil il y a deux ans. Même s’il a eu beaucoup de détracteurs, il est aujourd’hui revenu à son niveau de 2017. Puis il y a eu l’arrivée de belles pointures pour 2020. Nous voulions franchir ces étapes-là, et depuis trois ans, nous parlions de cette équipe féminine. Emmanuel (Hubert) m’avait dit qu’il serait vraiment bien de la monter un jour.

« PAS BESOIN DE DISCUTER TRÈS LONGTEMPS »

Il était donc le moment de le faire ?
Le cyclisme féminin est l’avenir de ce sport pour différentes raisons. Il a son esthétisme propre, avec des coureurs de talent. Il n’est hélas pas financé aujourd’hui, mais il correspond avec notre projet d’entreprise. La mixité est importante pour Arkéa. Nous avons lancé une mission il y a deux ans qui visait à ce que la mixité et la parité soient de vrais sujets, et pas juste du marketing. Quand Emmanuel m’a dit qu’il pouvait être prêt pour l’année prochaine, j’ai dit oui de suite. On n’a pas eu besoin de discuter très longtemps. Au-delà de l’équipe, on veut contribuer à aider le cyclisme féminin à être plus visible. Dans les années qui viennent, ça doit être plus simple pour les femmes d’accéder à des rémunérations qui leur permettent de vivre de leur sport. On veut franchir ces étapes-là avec Emmanuel et l’équipe féminine. Je fais le parallèle avec le football. Il faut des coups de projecteur comme la Coupe du Monde et des matchs filmés pour se rendre compte que le foot féminin a toute sa place auprès du grand public. Pour le cyclisme féminin, c’est pareil. il faut des moyens et des acteurs qui investissent.

Ce qui veut dire que les cyclistes de votre équipe ne vivront pas du cyclisme en 2020 ?
On met le pied à l’étrier. On ne donne pas le budget ou la rémunération des femmes, mais c’est une évidence de dire que nous ne sommes pas sur des montants qui permettent aux athlètes d’en vivre. Cela dit, il n’y a pas de raisons que ça n’arrive pas. Notre objectif est de faire partie de ceux qui vont remédier, modestement, à inverser cette situation. Il ne faut pas chercher le big-bang mais une progression linéaire. Dans les cinq à dix ans, on doit contribuer au fait que le cyclisme féminin soit reconnu comme l’est aujourd’hui le cyclisme masculin. On doit se donner cet objectif.

« SUR LA DURÉE »

L’effectif est jeune, avec beaucoup de Bretonnes. Est-ce une volonté d’Arkéa ?
Le côté jeunesse, c’est une volonté d’Emmanuel Hubert et d’Arkéa. Nous devons encourager la jeunesse. Mais comme avec les hommes, nous nous ne mêlons pas du recrutement. Chacun son rôle ! Le sponsor a son rôle à jouer évidemment. Nous sommes très heureux si on nous consulte, mais on n’a pas à se prononcer sur les choix sportifs. Ils reviennent à l’équipe. Nous sommes très heureux du casting, avec neuf Françaises et une étrangère. Il y a beaucoup de jeunes, et ça nous fait plaisir d’avoir ce pari sur l’avenir. Je n’ai pas de conseils à donner à Emmanuel et à son staff. C’est mieux de rester chacun à sa place.

Qu’attendez-vous de cette première saison ?
Je n’ai pas envie de mettre de pression inutile. Ce n’est pas bon de mettre des objectifs qu’on pourrait juger disproportionnés. C’est une nouvelle équipe, chacune va apprendre à se connaître. Il faut créer une alchimie entre les coureurs elles-mêmes, et avec le staff. S’il y a de la combativité et de l’émotion, ce serait une très bonne chose. Je trouve magnifique dans le sponsoring d’avoir de l’émotion. C’est beaucoup mieux qu’une publicité qui même si elle est efficace, peut être froide. Même si la victoire n’est pas toujours là, on peut vivre des grands moments qui valorisent une marque. J’espère qu’on vivra des belles émotions. Encore une fois, on fait ça sur la durée. On sera sûrement plus exigeant dans deux-trois ans. Mais il faut laisser le temps de se construire et voir une belle cohésion, comme ça a été le cas avec les hommes. Les choses ne se passent pas de manière linéaire, et c’est ça qui fait la beauté du sport. La victoire de Warren n’aurait pas été aussi belle s’il n’avait pas connu une traversée du désert. 

« BEAUCOUP DE CHOSES À FAIRE »

À l'inverse de l’équipe masculine, Samsic n’accompagne pas cette équipe...
Nous sommes très proches de Samsic, de Christian Roulleau et Thierry Geffroy. C’est notre partenaire dans le vélo. C’est également une entreprise bretonne et un client d’Arkéa. Il n’y a pas de problème, mais à un moment une entreprise se retrouve face à des choix. Sur l’équipe féminine, nous sommes leaders du projet. C’était le moment d’y aller pour nous. On ne sait pas de quoi l’avenir sera fait. Ils voudront peut-être monter dans le bateau un jour, je n’en sais rien à ce stade. Comme je l’ai dit, Arkéa croit beaucoup à la mixité et à la parité. J’ai fait du vélo il y a 20 ans, j’en refais aujourd’hui pour m’amuser à mon grand âge. J’ai assisté au Championnat du Monde sur piste à Saint-Quentin-en-Yvelines en 2015, c’était magique à voir. Il y avait des épreuves de poursuite et je m’étais fait la réflexion que j’aurais eu du mal à tenir dans les roues. La performance était là. Et je regrettais que ce ne soit pas valorisé. J’en avais discuté avec Emmanuel à l’époque. Il poussait déjà de son côté, et nous nous sommes rejoints cette année pour lancer l’équipe l’an prochain. Il fallait y aller, avec de l’ambition et en faisant les choses de manière méthodique même si on ne peut pas être totalement satisfait de voir que des sportives de haut-niveau ne peuvent pas encore vivre de leur sport. C’est en le faisant aujourd’hui qu’on va rendre cela possible d’ici cinq ans, même moins j’espère. C’est notre ambition.

Existera-t-il un vrai lien entre les deux équipes ?
Nous n’avons rien demandé de spécifique. Il est inutile de mettre des contraintes dans tous les sens. Pourquoi pas dans le futur ? On ne l’a pas formalisé. Encore une fois, on veut prendre le temps de s’installer, d’avoir de la cohésion, de l’émotion et des belles victoires. Emmanuel a forcément en tête d’avoir un vrai lien entre les deux équipes, et si c’est le cas, on sera très heureux de le faire. Il faut d’abord faire les choses de manière pragmatique. Nous avons plein d’idées en tête, mais à un moment donné il faut se “focuser” sur l'exécution propre de la première étape. La première, c’est de créer. Ensuite il y aura beaucoup de choses à faire. 

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