A Travers les Hauts-de-France : « On dort mieux aujourd’hui »

Crédit photo Hervé Dancerelle - DirectVelo

Crédit photo Hervé Dancerelle - DirectVelo

Annuler ou maintenir ? Jean-Charles Dancerelle s’est posé la question, notamment quand il ne trouvait pas le sommeil. Mais en ce début de semaine, avec le noyau dur de l’organisation d’À Travers les Hauts-de-France, il a préféré annuler son épreuve prévue du 22 au 24 mai prochains. À ce moment-là, l’épreuve de Classe 2 était la course UCI programmée la plus tardivement à annoncer -déjà- son annulation. Celui qui est également membre de l’Association DirectVelo explique pourquoi.

DirectVelo : Pourquoi avoir annoncé l'annulation de ta course dès le début de semaine ?
Jean-Charles Dancerelle : Nous avons commencé à nous poser des questions quand il y a eu la première limitation de personnes sur une manifestation, avec 5000 au maximum en intérieur. En parallèle, on voyait aussi ce qui se passait en Italie, et ça allait crescendo. On s’est dit que ça pouvait se compliquer ici aussi. Puis on est passé à 1000 spectateurs, aussi bien en intérieur qu’en extérieur. Et là, ça commençait à ne plus sentir bon. J’ai appelé la préfecture du Nord pour prendre des informations. Nous n'étions que mi-mars, mais on s’est dit que ça allait durer plus de quinze jours… Il n’y aura peut-être plus de coronavirus le 22 mai prochain, mais on s’est demandé de quelle manière on allait finaliser l’organisation ou faire des réunions. Et même si le budget était quasi-bouclé, il restait un peu d’argent à aller chercher… 

« LES PERSONNES DE l’ORGANISATION COMPRENNENT »

Comment s’est prise la décision d’annuler ?
J’ai beaucoup échangé avec mes deux prédécesseurs, Jean-Luc Masson et Patrice Boulard, qui sont toujours très actifs dans l’organisation. Les avis étaient divergents au début. Un disait “on va dans le mur”, et l’autre “on va attendre la fin des élections”. On s’attendait à avoir des mesures plus fermes après les élections… J’ai aussi eu des discussions lors du Grand Prix de Lillers. Les organisateurs ont subi une annulation pour d’autres raisons l’an dernier (lire ici). René Pelcat m’a expliqué toutes les difficultés qu’ils ont pu avoir en annulant au dernier moment, et surtout ce que ça avait pu coûter. Ils ont quasiment été obligés de payer la course comme si elle s’était tenue. J’en ai aussi parlé avec mes collègues de travail qui n’ont rien à voir avec le vélo. On se nourrit de tout ça. Le Président de la République puis le Premier ministre ont ensuite pris la parole, et on s’est réuni, ce mardi, pour prendre la décision, à l'unamité, d’annuler. 

Comment ont réagi les autres bénévoles ?
Les gens sont forcément déçus mais ils comprennent que la priorité aujourd’hui n’est plus d’organiser une course de vélo. Ça aurait été perçu différemment si on avait choisi d’annuler la course une semaine plus tôt mais là avec toutes les mesures prises par l’Etat…

Une fois la décision prise, on dort mieux ?
Oui ! Car il n'y a plus le poids de quelque chose qui s'annonçait compliqué. Les bénévoles de l'association, les partenaires, les services de sécurité, les collectivités ou encore les équipes, dès lors où tu décides de continuer à préparer l'organisation, tu embarques tout le monde et c'est un peu stressant. On se demande si on n’aura pas de regrets si d’autres courses auront lieu en mai, mais aujourd’hui je dors mieux. C’était pour moi la décision la plus sage. Les retours que j’ai pu voir vont dans ce sens. Les gens commencent à se faire une raison. Je ne suis pas sûr que la saison soit repartie en mai. On n’a pas mis l’association en péril. On a annulé également car je ne me voyais pas dire : "on croise les doigts, pour l'instant on maintient, on espère, on croit à un miracle...".

« PAS DÉCENT DE JOUER AVEC CET ARGENT »

Aviez-vous déjà fait des dépenses ?
Il n'y en a eu aucune. On a fait une gestion de bon père de famille, on a essayé de retarder au maximum les sorties d’argent. Mais à deux mois de la course, on allait y arriver. C’est aussi pour ça qu’on a pris cette décision à ce moment-là. J’ai demandé au trésorier combien on allait devoir sortir jusqu’au 1er mai, et nous étions à 70 000 euros. Ce n’est pas mon argent personnel ou celui de Clovis Sport Organisation. C’est celui d’entreprises privées ou des collectivités qui te confient leur fric pour faire leur promotion. Ce n’était pas décent de jouer avec cet argent-là alors que ces boîtes ont pour certaines le rideau fermé aujourd’hui ou ignorent leur avenir. Il faut être sérieux, ce n’est qu’une course de vélo. On n’en vit pas.

A l’inverse d’autres organisateurs, tu n’as pas souhaité un report...
Je comprends la déception de ceux qui étaient dans le sprint final mais je suis un peu surpris de voir des organisateurs qui espèrent encore reporter plus tard dans l'année. On ne sait pas quand tout ça va se terminer. Tu bosses sur quoi ? Sur quelle date ? Personne ne connaît la situation qu’on aura cet été. C’est le flou artistique. On voit d’ailleurs que les annulations concernent désormais des courses prévues de plus en plus tard. En début de semaine, on était encore sur mi-avril… Désormais, on annule des événements de fin mai, début juin. La situation évolue très vite. Puis le calendrier UCI est déjà blindé. Elle ne pourra pas tout recaser en peut-être trois mois… À un moment, il faut être sérieux. Je suis surpris de cet entêtement.

Malgré tout, cette annulation peut-elle avoir des conséquences pour la suite ?
Ce n’est pas parce qu’une course de vélo ne se déroule pas une année qu’elle est forcément en danger l’année suivante. Même s’il faudra voir l’état de l’économie française, et si des partenaires veulent bien soutenir des organisations sportives alors que leur société est peut-être sur la sellette… Ça ne sera pas anodin. Mais les premiers retours des partenaires privés et publics sont unanimes. Ils seront là avec nous en 2021. 

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