Julien Thollet : « On n’est pas sur une feuille blanche »

Crédit photo Aurélien Regnoult / DirectVelo

Crédit photo Aurélien Regnoult / DirectVelo

Le maillot bleu n’aura pas beaucoup coloré les pelotons en 2020. Pour les Juniors, les courses auront été peu nombreuses en raison de la crise sanitaire. À part quelques Fédérales, les Championnats de France et d’Europe, les moins de 19 ans n’ont pas eu beaucoup de fenêtres pour sortir la tête. Pourtant, le sélectionneur national, Julien Thollet, a pu tirer des enseignements de cette année. Et confie à DirectVelo ses craintes, mais aussi ses bons points pour la saison prochaine, après une année finalement sans grosse casse.

DirectVelo : Quel est ton bilan de cette année compliquée ?
Julien Thollet : Le mot qui résume le mieux la situation, c'est la frustration. Mon cœur de métier, c'est d'accompagner des jeunes coureurs. Lorsqu'ils arrivent avec moi, ils sont sur le seuil de la porte vers le très haut niveau. Finalement, la saison internationale s’est résumée à deux courses : le chrono et la course en ligne des Championnats d'Europe. Seuls sept coureurs ont porté le maillot. Habituellement, c'est entre 25 et 30, ça illustre le fait que beaucoup de coureurs n'auront pas pu prendre toute cette expérience utile pour passer des échelons. C'est très frustrant. 

Et sur les résultats ?
On voit très nettement arriver cette génération de J1. Ils ont pris le pouvoir rapidement, on pouvait s'y attendre. En début de saison je partais d'une feuille blanche. Identifier des coureurs était compliqué après la très belle génération de J2 l'année dernière. Les deux champions de France sont J1 (Eddy Le Huitouze et Romain Grégoire, NDLR), d’ailleurs. Ce sera sympa de voir rouler les deux maillots la saison prochaine. C’est un peu la prise de pouvoir des J1 qui laisse entrevoir une saison 2021 plutôt riche. Il faudra souhaiter que des coureurs qui sortent des Cadets arrivent à éclore rapidement. Mais on peut avoir une ossature assez vite sur le début de saison, avec des coureurs à fort potentiel. On n’est pas sur une feuille blanche. 

« ACCOMPAGNER LES 19 ANS »

Comment les Juniors ont-ils traversé cette saison dans l'ensemble ?
Avec le premier confinement, on a appris à travailler différemment. J'ai le sentiment que ce n’est pas propre aux Juniors, tout le monde a plutôt bien traversé ces moments. On avait la chance de pratiquer, en intérieur et confiné. Avec la Fédé, on a proposé des outils à travers « Roulez chez vous ». On a le sentiment que ça a bien bossé. Les coureurs n'ont pas perdu de temps cette année. On a vu des choses intéressantes, des progressions. Certains ont pu souffler aussi, parce qu'ils enchainaient entre route et cross sans respirer. Ils ont pu lever un peu le pied pour repartir sur des bases plus saines. Puis à la reprise, on a finalement pu sauver une partie de la saison. Ils ont pu un peu courir. Ça a bien repris.

Avec Pierre-Yves Chatelon, vous vouliez organiser un rassemblement avec des Juniors 2…
On essaye de se projeter, d'inventer ou réinventer des choses. Une des choses positives c'est qu'en juillet j'ai pu visiter les régions pour rencontrer les Juniors et les cadres techniques (lire ici). C'était riche. En temps normal ca aurait été compliqué. On a pu explorer. Sur ce rassemblement, on s'est demandé comment on accompagnait les J2. Ça devait débuter par un premier stage après les Championnats de France. On a anticipé et on voyait bien que la situation se dégradait, on ne voulait pas faire de mauvaises annonces après avoir envoyé des convocations. On a vu juste malheureusement. On se projette sur 2021 et on veut accompagner les 19 ans sur une formule équipe de France, sur des compétitions. On n’a rien validé concrètement, on travaille encore dessus. 

« CERTAINS N’AURONT PAS EU CETTE MARCHE INTERMÉDIAIRE »

Est-ce que tu as peur qu'il y ait de la casse après une année comme celle-là ?
L'accompagnement est important mais le risque existe. On reprend un deuxième confinement, on ne sait pas jusqu'où ça va nous mener. Quand on parle de casse, c'est un peu l'inquiétude. Le cycliste aime le sport plein air, en nature, et s'évader. On n'y est plus du tout. On a ce risque d'en perdre certains. Mais on peut aussi en retrouver d'autres, car d'autres sports sont en souffrance. On peut avoir des sportifs qui se tournent vers le vélo parce qu'on peut pratiquer peu importe les conditions. La casse, il y en aura forcément un peu. Le confinement nous amène tous à réfléchir, remettre en question son mode de vie... ça peut contribuer à des arrêts précipités.

As-tu, d'un point de vue personnel, la peur de passer à côté de talents à cause du manque de compétitions ?
La fonction que j'occupe n’est qu'un passage car ça ne dure que deux saisons. Il faut les amener vers le haut niveau, certains brillent chez les pros sans porter le maillot en Juniors. Certains coureurs vont éclore plus tard. Mais certains auraient besoin de l'accompagnement. Quand on a des nouveaux en course, passés la satisfaction et l'émerveillement, le ressenti c'est que ça roule vite, ça frotte, les gars sont fous dans le peloton, etc. Ça leur fait passer un cap et on voit apparaitre de véritables coureurs qui s'engagent à fond alors qu'ils étaient impressionnés à la base. On propose de passer des caps, pour certains ça va leur manquer. On voit des coureurs performants qui auraient mérité un programme international. Pour certains ils n’auront pas eu cette marche intermédiaire.

Quel travail va être fait avec les Juniors cet hiver, pour les garder motivés ?
J'ai par habitude d'identifier les entraineurs et ne pas court-circuiter le travail fait entre entraineur et coureur. Je continue d'animer ce réseau et le contact avec les CTR. Mais pour certains il y aura peut-être une prise de contact directe, ça peut se faire en visio ou téléphone. Je ne reprogramme pas de rassemblements car ça parait compliqué. Mais l'idée est de leur montrer qu'on compte sur eux et qu'on est prêt à les accompagner pour traverser l'hiver. On a des structures qui fonctionnent bien et des entraineurs qui bossent bien.

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