Nicolas Prodhomme : « Des rêves plein la tête »

Crédit photo Zoé Soullard / DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard / DirectVelo

C’est un énorme soulagement pour Nicolas Prodhomme. Suite à une occasion ratée de passer chez les professionnels l’an passé, et après avoir eu peur de ne pas pouvoir s’exprimer cette saison - la faute à la covid -, le grimpeur de 23 ans a finalement décroché un contrat chez AG2R La Mondiale, un an après avoir pourtant quitté le centre de formation de la structure WorldTour, le Chambéry CF. “Je pourrais être tenté de dire que la roue tourne. Mais je n’ai pas envie de passer pour un pleurnicheur qui se plaint de ne pas être passé pro dès l’an passé. Disons simplement que c’est quand même un retournement de situation. Et ce n’est pas pour me déplaire”, sourit le futur néo-pro auprès de DirectVelo. Le Normand, originaire du département de l’Eure, peut jubiler. Le voilà qui repense à tout le chemin parcouru depuis l’enfance.

DES CADETS À AUBER, DES DÉBUTS RELATIVEMENT DISCRETS

D’abord adepte d’athlétisme, il se fait tout doucement une place dans le monde du cyclisme chez les Cadets, mais ne gagne qu’une seule course d’importance avant son passage dans la catégorie des Élites : le Championnat de Normandie Juniors sur route (voir classement). Licencié au club Souvenir Daniel Laborde à cette époque, il rejoint ensuite Sud de l’Eure Cyclisme avant de passer un premier gros cap durant l’hiver 2016-2017, en s'engageant avec le CM Aubervilliers 93. Le tout en continuant de donner la priorité à ses études. “J’ai consacré beaucoup d’énergie à mes études pendant longtemps. J’ai commencé le vélo intensément lors de ma saison à Auber, même si j’étais encore dans ma seconde année de BTS. Il m’arrivait de rouler derrière scooter le soir pour essayer de m’entretenir malgré mes études (lire ici). C’est à ce moment-là que j’ai commencé à performer. Je n’ai rien lâché”.

Tout s’accélère en cette saison 2017, entachée par une lourde chute qui lui fait perdre connaissance sur le Tour du Loir-et-Cher, mais qui le voit surtout remporter la Gislard (Élite Nationale) et décrocher sept Top 10 en Élite. Alors que tout le monde lui promet un avenir radieux en montagne, il est désormais temps de se tester dans les cols savoyards en partant à Chambéry. “Lorsque j’étais Junior, en Normandie, on me disait déjà que je pouvais être un bon grimpeur. Mais je n’en savais rien. Ce n’est pas en montant des bosses de trois bornes que tu sais si tu es grimpeur”. Pendant ses deux années au CCF, Nicolas Prodhomme se fait rapidement une place de choix dans l’équipe. Il devient même stagiaire chez AG2R La Mondiale à l’été 2018. Mais l’hiver dernier, au terme de son ultime saison chez les Espoirs, c’est donc la soupe à la grimace : pas de place pour lui dans la maison mère.

CHEZ AG2R, VINCENT LAVENU N’AVAIT PAS (TOTALEMENT) FERMÉ LA PORTE

Son succès final sur l’Orlen Nations Grand Prix, manche polonaise de la Coupe des Nations Espoirs, l’a pourtant laissé imaginer que le plus dur avait été fait. “Lorsque j’ai gagné là-bas, tout le monde me disait que ça allait le faire. On me demandait si Vincent (Lavenu) m’avait appelé. J’attendais que le téléphone sonne, mais il n’a jamais sonné”. Très déçu de rester à quai, le Normand s’est entretenu avec ce même Vincent Lavenu, manager général de l’équipe AG2R La Mondiale, pour comprendre. “Je voulais savoir ce que je devais corriger sur le vélo, ou en tant que personne, humainement, pour avoir une chance de passer pro dans le futur. Vincent a été très humain, il m’a expliqué qu’il n’y avait pas la place cette année, mais qu’il ne fallait pas que je lâche l’affaire”. Un autre grimpeur du CCF, Clément Champoussin, devait déjà rejoindre l’équipe en 2020 et il n’y avait pas la place pour deux jeunes athlètes ayant sensiblement le même profil. “Il m’a rappelé qu’il était lui-même passé pro à 27 ans seulement, et m’a dit qu’il continuerait de me surveiller. Je me suis donc dit que ce n’était pas mort à 100%, mais je considérais comme plus probable que je passe pro dans une autre équipe”.

Nicolas Prodhomme ne désespère pas de réaliser une grande année 2020 pour convaincre une autre formation de lui donner sa chance. Et il pense en priorité à l’équipe Cofidis, déjà intéressée durant la trêve hivernale. En attendant, c’est sous les couleurs du VC Villefranche Beaujolais qu’il veut désormais démontrer toute l’étendue de son talent. “AG2R était mon objectif principal depuis des années. J’étais venu m’installer en montagne, avec le CCF, dans ce but. Mais à partir du moment où je me suis engagé avec le VC Villefranche Beaujolais, la Cofidis était devenue la piste privilégiée”. Et malgré une saison tronquée, l’ancien lauréat de la Piccola SanRemo décroche un contrat de stagiaire chez Cofidis, le troisième après ceux chez HP BTP-Auber 93 puis AG2R La Mondiale. En coulisses, l’agent de Nicolas Prodhomme, l’ancien coureur professionnel, Christophe Le Mével, revient à la charge auprès des dirigeants d’AG2R La Mondiale pour les convaincre de donner une chance à l’ancien du CCF. Loïc Varnet, du même CCF, propose lui aussi le nom de son ancien coureur, notamment auprès du directeur sportif d'AG2R, Julien Jurdie. “C’est vraiment grâce à Christophe et Loïc que ça l’a fait, sans oublier la famille Barle du VC Villefranche Beaujolais. Je les remercie tous !”

LA COVID AURAIT PU TOUT GÂCHER

Grâce à ce travail mais aussi et surtout aux bonnes performances du garçon ces trois dernières saisons, le voilà qui signe enfin chez les pros. “Mon stage chez Cofidis s’est super bien passé mais l’équipe ne m’a rien proposé avant AG2R. Du coup, mon agent (Christophe Le Mével) et moi-même avons décidé de signer chez AG2R comme c’était la première offre concrète”. Alors que Cédric Vasseur, le manager de la Cofidis, avait dit à Nicolas Prodhomme être content de son stage dans l’équipe, “rien n’indiquait qu’ils allaient me signer” pour autant. “Je sais que Cédric (Vasseur) est content pour moi”. Du côté d’AG2R La Mondiale - future AG2R-Citroën -, c’est, d’après nos informations, le départ d’Alexis Vuillermoz vers la formation Total Direct Energie qui aurait favorisé la venue de deux nouveaux coureurs dans la structure terre-et-ciel, à savoir Nicolas Prodhomme et l’Australien Ben O’Connor (NTT Pro Cycling). “Lorsque l’on m’a annoncé la nouvelle, j’avais du mal à y croire au début. J’étais tellement content !”

Le « Loup » du VCVB a donc réussi son pari, lui qui paraissait être en plein doute au printemps dernier (lire ici). Je pouvais sembler pessimiste mais en réalité, c’est surtout que je ne voulais pas être déçu. J’avais trop peur de me fixer des objectifs et de les voir s’envoler sans avoir pu batailler. Je me doutais que les courses seraient annulées pendant un bon moment. Il valait mieux être fataliste pour ne pas enchaîner les déceptions. Mais c’est sûr qu’après avoir traversé cette période-là, je n’aurais pas imaginé me retrouver en WorldTour quelques mois plus tard”. De quoi savourer plus encore la situation actuelle. “Quoi qu’il arrive, c’est ma passion. Si je n’étais pas passé pro, j’aurais sûrement continué l’an prochain. Peut-être en bossant en parallèle”, promet-il. 

GRIMPEUR, MAIS PAS QUE

Tout s’enchaîne actuellement pour Nicolas Prodhomme puisqu’après avoir décroché son contrat, il vient tout juste - ce vendredi - de trouver un logement en Savoie, dans la commune du Bourget-du-Lac, à un gros kilomètre des abords du Lac du même nom et au pied du Mont du Chat. Jusque-là, il avait séjourné du côté de Villefranche-sur-Saône, notamment pendant la période sans compétitions, avant la reprise du mois d’août, puisqu'il a passé deux mois à travailler 20 heures par semaine dans la région. “Je fabriquais des bornes de gel hydroalcoolique”. Puis il est resté dans le coin à la reprise. “C’était plus facile pour les transferts d’avant/après-course car je n’étais pas loin du service course”

Il ne lui reste désormais plus qu’à se préparer psychologiquement pour ses débuts chez les pros. Mais les grandes premières ne lui font ni chaud ni froid. En 2018, par exemple, il remportait une mythique course italienne dans les Dolomites, Bassano-Monte Grappa, une course qui compte à son palmarès Gino Bartali, Ivan Gotti, Gilberto Simoni, Damiano Cunego ou encore Fabio Aru. Le tout pour sa première expérience en Italie. Deux mois plus tôt, il avait terminé 8e de Paris-Roubaix Espoirs, lui le grimpeur, pour sa…. première course sur les pavés. Vous avez dit grimpeur ? Oui, mais pas que, pour un cycliste qui espère devenir le plus complet possible. “Les nouveautés ne me font pas peur. C’était aussi le cas sur le KBE où je me suis senti plutôt à l’aise. Je m’adapte assez vite. Je sais profiter du fait de ne pas être connu”. Surtout, le garçon a toujours été curieux et a voulu progresser dans tous les domaines. Il a ainsi “appris à frotter” en Normandie puis durant sa saison au CM Aubervilliers 93. Avant d'accumuler de nouvelles expériences sur les pavés puis en montagne. Des qualités d’adaptation qui lui serviront, à coup sûr, en 2021. Avec humilité. “C’est quand même dur de se projeter. La seule chose de certaine, c’est que j’arrive dans un bon environnement pour progresser. Avec des rêves plein la tête”. Dont certains rêves qui, de son propre aveu, et pour ne pas paraître prétentieux, restent pour le moment “inavouables”

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