Michel Callot : « On paie cher que l’espace public soit notre terrain de sport »

Crédit photo Michaël Gilson - DirectVelo

Crédit photo Michaël Gilson - DirectVelo

Mercredi, Michel Callot était en colère de voir que la jauge de 50 partants maximum était appliquée aux compétitions sur l’espace public, “notre terrain de sport”, dit-il à DirectVelo, alors que les établissements de plein air peuvent accueillir un nombre illimité de participants. Il l’a fait savoir dans un communiqué diffusé mercredi soir (lire ici). Ce jeudi, le président de la FFC avait avalé sa colère mais ne comprend toujours pas cette décision, comme il l’explique à DirectVelo.

DirectVelo : Pourquoi avez-vous eu besoin de publier un communiqué après les décisions ministérielles et en particulier la jauge à 50 sur la voie publique ?
Michel Callot : Nous considérons que le sport cycliste, comme tous les sports qui se déroulent sur la voie publique, était la victime du dispositif. Dès que le Président de la République a communiqué le calendrier du déconfinement, nous avons été alertés de la possibilité d'une jauge à 50. Nous avons activé nos réseaux au sein du ministère des sports et du cabinet des sports du premier ministre. À chaque fois, nos interlocuteurs nous disaient qu'on avait raison de défendre une jauge à plus de 50, grâce à nos organisations depuis le mois de juillet qui ont parfois reçu les félicitations des préfets. Mais les arbitrages finaux ne sont pas allés dans notre sens. Du côté du ministère et du mouvement sportif, la reprise est favorable car les autres sports étaient à l'arrêt depuis plusieurs mois. Le CNOSF (Comité national olympique et sportif français) s'en est félicité alors que ce n'est pas du tout notre avis. C'est aussi pour cela que nous avons publié notre communiqué.
 
Qu'est-ce qui vous choque le plus dans les règles du 19 mai ?
Il y a un point qui nous fait bondir ! C'est que dans le cas d'un établissement en plein air, il n'y a pas de jauge et sur la voie publique nous n'avons pas le droit à plus de 50 ! Il n'y a pas d'explication sanitaire plausible. Je ne vois qu'une explication politique. Une course sur route se voit plus qu’une compétition dans un stade. On paie très cher que l’espace public soit notre terrain de sport pour beaucoup de nos disciplines, c'est l'espace public. C'est un problème que l'on connaît déjà en temps normal pour obtenir l'utilisation de la route ou des terrains pour le VTT. C'est très irritant pour les cyclistes. 

« LE POINT DE VUE DU MINISTÈRE DE LA SANTÉ EST PRÉPONDÉRANT »

Vous parlez d'arbitrage. Comment se passent les négociations et qui décide ?
Nous avons régulièrement des échanges avec la ministre des sports, sur plusieurs dossiers, comme le Savoir rouler à vélo. Mais les personnes qui préparent les tableaux des déclinaisons des décisions sanitaires sont les personnes de la direction des sports mais aussi le directeur de cabinet de la ministre et également le conseiller sport du premier ministre. C'est avec eux que nous négocions. L'arbitrage se fait dans la cellule interministérielle de crise dont c'est le rôle. Les points de vue des différents ministères se confrontent et, d'après nos informations, c'est le point de vue du ministère de la santé qui est prépondérant. 

Est-ce que vous regrettez d'avoir suivi les décisions du ministère depuis le début de la crise ?
À part essayer de peser de tout notre poids, avoir des alliés avec d'autres fédérations pour négocier, je ne vois pas comment on aurait pu être plus efficace. On le voit bien avec les professions qui ont été arrêtées par le gouvernement, elles n'ont pas eu le choix. Nous avons souvent été suivis notamment sur la question de l'élargissement du public prioritaire, c'est ce qui augmente notre déception aujourd'hui. 

LE CAS PARTICULIER DES COUPES DE FRANCE

Qu'est-ce qui sera possible de faire à partir du 19 mai ?
La règle doit se lire à deux niveaux. Le premier concerne le public prioritaire. Pour celui-ci, il n'y a pas de changements, il peut y avoir 200 partants. Le deuxième niveau, c'est 50 partants par épreuve. Mais il reste à franchir l'obstacle des préfectures et elles peuvent aussi avoir une interprétation moins restrictive. 

Pour une course comme la Classique des Alpes, quelle règle va s'appliquer ?
Pour les manches des Coupes de France, comme la Classique des Alpes, mais aussi la Coupe de France de VTT à Guéret, nous essayons de faire la démonstration aux préfectures que c'est l'ensemble de la manifestation qui concourt à la filière d'accès au haut-niveau. C'est ce que nous avons réussi à faire avec le Championnat de France de cyclo-cross pour les jeunes en février. On part de la Classe de la course. 

« IL NE FAUT PAS QUE LES PELOTONS SE REGROUPENT »

Est-ce que les départs séparés, par exemple pour des D1-D2 et des D3-D4, seront possibles ?
Nous donnons la consigne à nos comités de respecter deux paramètres. D'abord ne pas être plus de 50 sur la ligne de départ. Si on lance plusieurs sas de départ, il ne faut pas que les pelotons se regroupent quelques kilomètres plus loin. Si le décalage permet d'éviter le regroupement et que chaque peloton a son propre classement, on est dans la règle. Je demande à nos clubs l'effort d'être le plus imaginatifs possible pour offrir des activités à nos licenciés. On peut faire des courses plus courtes pour en faire plusieurs dans la même journée. L'an dernier, on s'était adapté en juin pour organiser des contre-la-montre. Cette année, on peut organiser des courses en peloton. 

Où en est la prise de licences à la FFC ?
Nous avons eu jusqu'à un retard de 8000 licences. Mais nous avons commencé à combler notre retard pendant le confinement du mois d'avril. Avec la reprise, nous espérons combler notre retard pendant l'été. 

Y aura-t-il un geste financier pour les licences ?
Le CNOSF se bat pour le Pass'sport pour les mineurs. Ce dispositif permettra aux mineurs, sous condition de revenu, d'obtenir une remise de 50 euros sur la licence. À la FFC, la licence jeune est de 51 euros. C'est un plan de 100 millions d'euros pour tous les sports, budgété par le gouvernement. Mais les modalités pratiques ne sont pas encore décidées. 

« ÇA DURE DEPUIS LONGTEMPS »

Par rapport à l'an dernier, quelles sont les différences de conditions pour la reprise ?
Nous sommes en avance, c'est un plus. Et à partir du 9 juin, on pourra même avoir des épreuves de masse. L'autre point positif, c'est d'avoir une visibilité, contrairement à l'an dernier où on tâtonnait. Le troisième point positif, pour le haut niveau, c'est d'avoir pu maintenir la continuité des compétitions, même s'il y a eu des annulations. Le point négatif, c'est que ça dure depuis longtemps et on sent bien la fatigue, qui peut générer de la colère chez une partie de nos dirigeants, avec cette jauge de 50.

Et vous, quel est votre état d'esprit ?
La déception de mercredi est encaissée. Nous avons manifesté notre colère et on la fera savoir à nos contacts ministériels, mais je reste combatif. Il faut voir le bon côté des choses, donner le coup de rein pour offrir le maximum de choses à nos licenciés. Le sport cycliste possède ses atouts, notamment en période estivale. Nous continuons de négocier et rien n'interdit que cette jauge soit changée d'ici le 9 juin. 

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