Pierre Gautherat : « J’essaie de tourner la page »

Crédit photo Freddy GUERIN / DirectVelo

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Pierre Gautherat s’est refait le film plusieurs fois dans sa tête. Tombé à moins de six kilomètres de l’arrivée du Championnat du Monde Juniors, vendredi dernier, alors qu’il était dans le groupe de huit coureurs qui allait se jouer le maillot arc-en-ciel, le Franc-Comtois a vu son rêve s’envoler en une fraction de seconde (voir classement). Il ne s’était pas exprimé, à chaud, après l’arrivée. “Pierre est effondré, il avait la gagne dans les jambes”, concédait en zone mixte le sélectionneur national, Julien Thollet. 72 heures après l’événement, le vice-Champion de France sur route est revenu sur ce Championnat du Monde auprès de DirectVelo. Entretien.

DirectVelo : Comment as-tu vécu les trois dernières journées ?
Pierre Gautherat : C’était un peu compliqué, quand même… Retourner en cours ce lundi, juste après un Mondial, après avoir vécu de telles émotions, ça fait drôle, mais ça permet de revenir à la réalité, et au monde réel. Ce n’est pas toujours simple mais c’est quand même une bonne chose, au final. Lors de mon retour à la maison, il a aussi fallu debriefer tout ça. Mes parents m’accompagnent depuis toujours. La déception était très grande pour eux aussi. Mon père a eu du mal à accepter le scénario. J’avais envie de leur faire plaisir et de les récompenser de tout ce qu’ils font pour moi depuis tant d’années, l’investissement qu’ils ont pu avoir notamment au niveau des déplacements. Mais bon, il n’y a pas mort d’homme non plus. Sur ce Mondial, on a pris une médaille d’argent et on l’a arrosée à l’hôtel le soir même, avec Julien (Thollet) et les membres du staff. Malgré la déception, ça reste un podium au Mondial et c’est ce qu’il faut se dire. Mais clairement, sur le coup, après la course, c’était vraiment dur. Mais je ne peux m’en vouloir qu’à moi-même. Cette chute, c’est de ma faute. Je suis tombé en premier. Ce n’est pas comme si quelqu’un m’avait fait tomber…

Lors des épreuves Espoirs et Élites qui ont suivi, on a vu que ce virage représentait un vrai danger puisqu’à plusieurs reprises, certains autres coureurs ont failli partir à la faute au même endroit...
C’était vraiment la partie la plus piégeuse du circuit. Ce virage, on l’a pris huit fois en tout, donc on commençait à bien le connaître. Mais je savais que la course allait se jouer là, en partie, dans la bosse suivante (la Côte de Saint-Antoine, NDLR). Il fallait être bien placé en bas. Malheureusement, c’est le moment où l’on a perdu la course puisque je me suis retrouvé par terre, pendant qu’Eddy (Le Huitouze) a été bloqué et Romain (Grégoire) gêné.

« LE PLUS DUR AURAIT ÉTÉ FAIT »

Et tu as donc vu Per Strand Hagenes s’envoler vers le titre, de loin…
Je me sentais vraiment bien. J’avais réussi à faire le jump sur le petit groupe de tête où il y avait Eddy. Puis Romain nous avait rejoints. C’était l’idéal pour nous. On avait trois gars sur huit devant, c’était top. Il ne nous restait plus qu’à conclure, mais on connaît la suite…

On imagine que, depuis, tu as repensé à cette chute et à ce qui aurait pu se passer sans ce malheureux fait de course…
Je me suis refait le scénario un paquet de fois dans la tête… Mais maintenant, j’essaie de tourner la page. Il ne faut pas rester là-dessus sinon, je n’avancerai pas. Seulement, je ne peux pas m’empêcher de me dire que c’était sur la plus belle course au monde, sur un circuit qui me convenait, un jour où j’avais de super bonnes jambes après avoir très bien préparé ce rendez-vous. Tout se passait très bien jusqu’à cette chute à six bornes de l’arrivée. Je savais que ma course commençait au moment de cette dernière bosse. Si je passais en-haut avec les premiers, il allait être difficile de me lâcher jusqu’à l’arrivée, ensuite. Bien sûr, on aurait pu avoir une course tactique sur la rocade puis dans Louvain, mais le plus dur aurait été fait.

« ON A REPOUSSÉ NOS LIMITES »

Il fallait tout de même être capable de suivre Per Strand Hagenes lors de son offensive !
Franchement, quand il a mis son attaque, il avait déjà dix mètres d’avance sur Romain grâce à la chute mais ensuite, il n’a pas pris plus d’avance jusqu’au sommet. Donc je pense que Romain aurait pu le suivre. Et moi aussi, peut-être. C’est en tout cas le sentiment que j’ai eu en revoyant les images. On va dire que c’était possible. Je savais que le Norvégien allait attaquer, on le savait tous. Il n’allait pas attendre le sprint, c’était sûr. Surtout face à trois Français ! On avait aussi envisagé de tenter quelque chose avec Romain. Mais si les positions avaient été serrées en haut de la bosse, et si Romain n’avait pas été gêné par ma chute… S’il avait pu accrocher le Norvégien… Alors je pense qu’il n’aurait pas collaboré avec lui et que ça aurait pu me profiter. On aurait sans doute joué la carte du sprint même si le Norvégien va vite aussi, attention ! Il m’avait battu sur la première étape de la Course de la Paix et je ne l’avais certainement pas oublié. Mais on aurait pu profiter de notre surnombre.

Une chose est sûre : l’équipe de France a démontré une énorme force collective, à Trente comme à Louvain, et on imagine que c’est une fierté…
Il faut le souligner ! Des gars comme Léo (Kraemer) ou Melvyn (Lethier) se sont sacrifiés pour nous alors qu’ils avaient de bonnes jambes et qu’ils auraient pu faire un joli truc, eux aussi. Eddy (Le Huitouze) a fait un travail de fou lui aussi. On a rarement vu ça en Juniors, je pense. Ils n’ont pas hésité à y aller, à bloc, la tête dans le guidon, pour nous. C’est beau ! Julien (Thollet) a créé un beau groupe et une belle osmose. Bien sûr, Romain est super fort individuellement et ça joue beaucoup. Mais collectivement, on s’est fait plaisir et on a repoussé nos limites. Après la Course de la Paix, où ça ne s’était pas super bien passé, on s’était dit qu’il fallait corriger des choses. On avait eu du mal à se trouver et on ne voulait pas qu’il se passe la même chose sur les Championnats. On en a tiré des leçons et on a réussi à vite apprendre, à vite progresser. Donc, oui, on peut être content de ce que l’on a fait.

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