Paul Seuwin : « C’est génial à vivre »

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

Quelle trajectoire originale que celle de Paul Seuwin. Coureur UFOLEP il y a encore trois ans, et parmi les coureurs non-prioritaires alors que la pandémie de Covid-19 a mis le vélo à l’arrêt ou presque à plusieurs reprises, c’est finalement à 33 ans qu’il fait ses débuts en N1. En remontant encore un peu plus loin, le coureur du CC Nogent-sur-Oise était même basketteur, puis coureur à pied et triathlète, alors qu’il se familiarisait doucement avec l’univers de la petite reine. Après avoir gravi les échelons, année après année, il est désormais aligné sur sa troisième Classe 2 de la saison, après le Tour du Loir-et-Cher et le GP de Lillers. Paul Seuwin raconte son parcours à DirectVelo, entre ses différents sports, ses années UFOLEP avant le bond en FFC, et sa recherche de concurrence. Et ce avant de prendre le départ de la Ronde de l’Oise, sa course locale.

DirectVelo : Comment te sens-tu avant de prendre le départ de la Ronde de l’Oise ?
Paul Seuwin : Très bien, je suis très content ! C’est juste à côté de la maison, pour moi c'est ma plus belle de l'année, et même de ma petite carrière. Je vis à Liancourt, au pied du départ et donc dans la ville d’arrivée de la première étape, je suis à 1 km de la ligne. Je suis également directeur d'école à Villers-Saint-Paul, et je vais aller y dormir d'ailleurs (sourire) ! Je vais aller travailler demain (jeudi) et vendredi matin rapidement, histoire de faire tourner le truc.

Il s’agit déjà de ta troisième épreuve de Classe 2…
Mes expériences se sont très bien passées, c’est très différent du niveau Elite, mais au final je me suis plutôt bien plu en Classe 2. Même si j'étais malade au Loir-et-Cher, ça ne s'est pas trop mal passé, et j'ai déjà réussi à terminer (rires) ! C'est un niveau super dur, bien au-dessus du mien. Avec tous les coureurs autour de moi, je me se sens tout petit. Mais c'était intéressant, on voit du vrai vélo, c'est génial à vivre.

« ON A TOUJOURS QUELQU’UN PLUS FORT QUE SOI »

Découvrir ce niveau à 33 ans est plutôt original…
Je suis venu au vélo sur le tard. J'ai commencé par la petite porte. J'avais commencé en UFOLEP 2e caté. Le vélo est un monde où il vaut mieux rentrer par la petite porte et se faire sa place, et se sentir légitime pour aller au-dessus. J'ai gravi les échelons, Nogent m’a donné ma chance. Au début j'avais vraiment postulé au culot, je me disais que je n'avais pas trop le niveau. Et au final si. Ils m'ont dit de ne pas avoir peur, tout le monde a été très accueillant. Je suis loin d'être le meilleur… quand on côtoie des Killian Theot, Kévin Avoine, Romain Bacon, Vincent Pastot… tout de suite ça rend humble. Et ça permet de voir qu'on a toujours quelqu'un plus fort que soi, c’est enrichissant niveau humain.

Qu’est-ce qui t’a motivé à postuler au CC Nogent-sur-Oise, en N1 ?
J'avais pas mal de propositions. J’ai, entre guillemets, bénéficié du Covid la première année. J'en avais claqué trois, avec quelques 2e places. Il me manquait un Top 5 pour monter. Comme c'était gelé (les catégories étaient gelées en raison de l’arrêt des courses, NDLR), je ne m'inquiétais pas trop. Ça m'allait bien a l'OC Val d’Oise, je le vivais bien avec les copains. La deuxième année, je savais très bien qu'ils n’allaient pas me rater (sourire). Je n’ai commencé qu'en juin (les coureurs prioritaires devaient composer la grosse majorité des pelotons durant de nombreuses semaines, NDLR) mais j'ai vite enchainé les victoires et je suis rapidement monté en 1re caté. Il fallait que je boucle la boucle. J'ai eu des propositions de N3 et N2 durant les deux ans. Je me suis dit que s’ils venaient me chercher, c’est que je ne suis pas ridicule. Donc j’ai envoyé mon CV et on verra. Et que ce soit les DS, le président, ou moi, on a trouvé un projet intéressant pour chacun. Du coup ils m'ont laissé tenter ma chance.

« PAR QUESTION D’ÉQUITÉ J’AI TENTÉ LE NIVEAU FFC »

Tu as découvert le haut niveau amateur à partir de 2019, soit à 30 ans. Quel a été ton parcours avant d’en arriver là ?
J'ai été basketteur pendant une dizaine d'années, je faisais de la course à pied aussi. Je me suis fait les croisés et je suis revenu à la course à pied. Puis je me suis rendu compte que j'avais plus de facilités à vélo, et que ça valait le coup d'en faire un peu plus. Alors je suis venu au triathlon, ça m'a beaucoup plu. Mon père était coureur et m'a proposé de prendre un dossard. J’ai mis mon premier en 2017. Je suis parti en UFOLEP 2e caté. J’ai rencontré des DN sur des cyclosportives et je me suis dit qu’il y avait moyen de devenir plus fort. Mais je me souviens que la deuxième année je me suis fait marcher dessus sur une course à étapes (rires). C’était la Route de l’Oise 2018, qui est la petite sœur de la Ronde. J’avais pris le mors aux dents pour me défoncer l'hiver et ne faire que du vélo. Je suis un peu mauvais perdant (rires). Je m'étais dit qu’il était hors de question de me faire taper sur le casque comme ça. J’ai donc arrêté le triathlon. Et l’année qui a suivi, en 2019, j’ai tout gagné en UFOLEP, les cyclosportives, le VéloStar…

Et tu as donc décidé de faire le bond en FFC durant cette même année 2019…
Je suis arrivé l’été en FFC. Le niveau UFOLEP n’était pas plaisant parce que j’avais un niveau au dessus car j’avais beaucoup d'entrainement. Par question d'équité j'ai tenté le niveau FFC, on m'a ouvert la porte et ça s'est bien passé. Puis Villeneuve a arrêté la DN et l’OC Val d’Oise m'a ouvert la porte. En un sens, le Covid m'a beaucoup aidé à acquérir un gros niveau. J'avais des horaires allégés, je me suis entrainé comme un bœuf sur home-trainer. Je n'avais jamais été aussi fort qu'en sortie de confinement (rires). Je suis resté deux ans au Val d’Oise.

« QUEL EST L’INTÉRÊT D’ÉCRASER QUELQU’UN ? »

Comment s’est passée ton adaptation aux pelotons amateurs, et même au haut niveau ?
En 2e caté ça a été assez simple, j'ai toujours eu la même passion de courir. À ce niveau j'ai vite compris que les coureurs n’avaient pas beaucoup de jus sur la fin. Donc je les laissais se casser la figure et s'épuiser. Sur la fin c'était toujours assez facile et j'ai découvert comme ça. Il n’y avait pas un grand écart avec la 1re caté UFOLEP, ça ne me changeait pas grand chose. La grosse différence était en 1re catégorie FFC. En Elite il y a deux univers. Il y a les 1re caté un peu classiques comme moi, et les futurs pros qui sont dans une autre sphère.

Tu as fait ce bond d’UFOLEP à FFC à 30 ans. Qu’est-ce qui motive un homme de 30 ans à se lancer dans un changement de carrière ?
J'ai quitté l'UFOLEP parce que ça ne m'apportait plus grand chose de gagner des coursettes, ni de me dire que c'était bien de taper sur le casque des autres. Je suis enseignant, je passe mon temps à dire à mes élèves qu'à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. C'était un peu l’idée de ce changement. Sur ma dernière course UFOLEP, à la fin j’ai un copain qui m'avait dit que je n’avais pas d'intérêt à venir là. Et je lui avais répondu « rassure toi, je n’ai pas pris de plaisir ». Quel est l'intérêt d’écraser quelqu’un ? J’ai toujours voulu aller voir au-dessus et voir à quel moment j'allais me faire taper sur le casque. Et là je crois que j'ai trouvé (rires) !

« DES CONCESSIONS QUE JE N’AI PAS ENVIE DE FAIRE »

Tu penses pouvoir encore progresser maintenant que tu es en N1 ?
C'est grisant d’être en N1, et puis j’ai toujours envie de plus et voir au-dessus, à quel moment je suis limité. Je sais ce que je devrais faire pour être encore meilleur. Je devrais faire attention à la diététique, faire attention à tout ce que je fais. Mais ce sont des concessions que je n'ai pas envie de faire. Quand je voudrai m'arrêter, je m’arrêterai et ça ira très bien. Si je voulais performer davantage, je devrais borner énormément. Je vois la différence avec des semaines à 800 bornes et du biquotidien... Là actuellement, je fais ce que je peux avec le travail. Et je survis en Elite et en Classe 2 (sourire). Je tire mon épingle du jeu en Toutes Caté. Mais pour en faire plus il faudrait adapter mon emploi du temps. Mais je n’ai pas envie que mon travail et ma vie personnelle en prennent un coup, je n'ai pas envie de faire ces sacrifices.

Quelle place occupe le vélo dans ta vie ?
Maintenant, le vélo, c'est 80% de ma vie, au minimum. Même au travail j'ai ouvert une section vélo dans l'école. Je m'occupe des gamins du quartier, c'est non stop. Si je ne répare pas les vélos du quartier, j'ai des gamins à qui j’apprends à faire du vélo, je les emmène faire du VTT, etc. Sinon je suis sur mon vélo à m'entrainer ou dans ma cave à faire du Zwift.

Tu t’es donné des objectifs, à plus ou moins long terme ?
Réussir à faire gagner les copains. Leur filer un coup de main sera très bien. C’est vrai que dans l'équipe, ils veulent tous me voir gagner. On rigole bien, ils aimeraient bien que le vieux arrive à en claquer une. Mais moi pour la gagne… Je prendrai autant de plaisir à voir Kiki (Théot), Kévin (Avoine), ou un autre lever les bras, sur la Ronde de l’Oise, pour avoir un contrat plus tard. C'est ça mon objectif. Moi après j’aime aller en week-end, rigoler, charbonner, tirer des bouts… En chrono je peux les aider en équipe, j’ai ma place, c'est intéressant. Je n’ai pas d'objectif personnel, c’est plus l'équipe.

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