Victor Bosoni : « Courir sous traitement, c’est non, alors j’arrête »

Crédit photo Aurélien Regnoult / DirectVelo

Crédit photo Aurélien Regnoult / DirectVelo

Il était encore plein d’espoirs chez les Juniors. En 2019, Victor Bosoni remportait alors une étape du Tour Causse-Aigoual-Cévennes et terminait dans le Top 50 du Challenge Morphologics-DirectVelo. Depuis, les résultats se sont faits de plus en plus rares pour le garçon. Et pour cause, pendant que ses adversaires prenaient de la caisse et de l’épaisseur, lui était - sans le savoir - nettement freiné, pour ne pas dire complètement bloqué, pas un problème génétique l’empêchant de poursuivre sa progression dans de bonnes conditions. Ses dernières prises de sang et les annonces de son médecin l’ont contraint à se résoudre d’arrêter la compétition. Avec effet immédiat. Le grimpeur du CC Étupes - 20 ans - s’explique sur sa situation et revient sur son parcours pour DirectVelo, au lendemain de sa plus qu’honorable 12e place sur l’Étape du Tour.

DirectVelo : Pourquoi as-tu récemment décidé de mettre un terme à ta carrière cycliste dans les rangs Élites ?
Victor Bosoni : Ça fait plusieurs années que c’est compliqué. Là, ça n’allait pas sur le vélo. J’ai eu la mononucléose en tout début de saison sur les courses dans le sud. Je suis revenu au Circuit des Ardennes et j’ai chopé la Covid. Puis avec Melvin (Rullière), on a essayé de trouver ce qui n’allait pas car on voyait que c'était plus général que ça. Et on a découvert, dans mes prises de sang, qu’il y avait un souci depuis plusieurs années qui m’empêchait de performer.

« ON PENSE QUE J'AI 14 ANS »

C’est-à-dire ?

J’ai un taux de testostérone super bas. Maintenant que ça s’est révélé, mon grand-père m’a d’ailleurs récemment annoncé qu’il avait connu le même problème. Pour la faire simple : je n’ai plus du tout évolué physiquement depuis que j’ai 14 ans. Je fais actuellement 1m67 pour 47 kg. Ce n’est vraiment pas facile à vivre. Et je ne parle pas que de cyclisme… Dans la vie de tous les jours, ce n’est pas marrant. Depuis des années, on rigole de mon gabarit, même si ce n’est jamais très méchant et que je n’en tiens pas trop rigueur. On me dit encore aujourd’hui que je ressemble à un Minime, sauf que je commençais à devenir l’un des plus vieux du club (rires). Dans la vie de tous les jours, on pense que j’ai 14 ans… Hier (dimanche) encore, lors de l’Étape du Tour, j’en entendais certains dire : “regarde le lui, il fait la course alors qu’il est tout jeune !". On m’a même pris pour une fille.

Une situation qui ne t’a pas empêché de te battre dans le peloton des Élites et de rivaliser avec de solides gaillards pendant plusieurs saisons !
J’ai parlé avec mon médecin, il m’a dit qu’avec un taux de testostérone aussi bas, c’était impossible de rivaliser avec les autres. Je manquais de puissance brute. Avec le recul, j’ai compris comment j’ai réussi à contourner mes problèmes et à performer quand même : je misais sur mon poids, paradoxalement. Je suis devenu un pur grimpeur, bon sur les efforts longs. C’est comme ça que j’ai pu réussir à ne pas être ridicule sur certaines courses comme la Ronde de l’Isard. Je suis quand même fier de ce que j’ai fait dans ces conditions, malgré ce problème génétique. Je m’en suis rendu compte, en prenant du recul, très récemment. Avant, j’ai essayé de faire tout ce qu’il fallait. En début d’année, j’ai changé d’entraîneur alors que ça se passait bien. Mon directeur sportif me disait que j’en faisais peut-être trop… On ne comprenait pas pourquoi ça ne marchait pas. Maintenant, je réalise que je n’y pouvais pas grand-chose et que c’était indépendant de toute ma bonne volonté.

« AU NIVEAU DE L'EXPLOSIVITÉ, C'ÉTAIT VRAIMENT CATASTROPHIQUE »

On imagine que ton déficit de puissance t’a, en revanche, fait souffrir sur de nombreuses épreuves…

Oui, bien sûr. Comme je le disais, je n’étais véritablement à l’aise qu’en montagne, en fait. J’étais vraiment un pur grimpeur, sur les efforts longs et au seuil. Au niveau de l’explosivité, c’était vraiment catastrophique quand je comparais avec mes coéquipiers. Sur les sprints ou les efforts courts, quand on arrivait sur une petite bute de 500 mètres où ça monte à fond, je reculais constamment dans le peloton. Les débuts de course aussi étaient très durs pour moi. En Élite, c’était compliqué, hormis sur quelques coups d’éclat… Je n’évoluais plus du tout, j’avais toujours mon corps de Cadet…

Sur les réseaux sociaux, tu as évoqué te lancer dans un traitement. Peux-tu nous en dire plus ?
C’est tout simplement un traitement pour compenser mon manque de testostérone. C’est de la compensation. Ce n’est pas alimentaire, je vais faire des piqûres mensuelles. C’est aussi pour ça que j’arrête le vélo.

Parce que tu n’aurais plus été autorisé à courir ?
Disons qu’à cause de mon traitement, j’aurais dû faire une demande d’AUT (Autorisations d’Usage à des fins Thérapeutiques, NDLR). J’ai quand même fait les démarches avec l’AFLD (Agence française de lutte contre le dopage, NDLR) mais je n’étais pas emballé… Courir sous traitement, c’est non, alors j’arrête… Comme Thibaut Pinot l’avait dit, si on est malade, on n’a rien à faire sur un vélo. Je suis sur la même longueur d’ondes. J’ai quand même fait la demande d’AUT mais on m’a dit qu’il fallait des examens complémentaires. J’avais prévu de les faire mais c’est prévu en octobre… Ça fait loin. Tous ces éléments m’ont découragé. Je préfère arrêter maintenant. De toute façon, qu’est-ce que je peux espérer à terme en étant dans cette situation de déficit physique ? Autant dire stop.

« JE NE VEUX PAS DE CETTE ÉTIQUETTE À VIE »

Tu dois beaucoup attendre de ce traitement… 

J’ai hâte de voir ce que ça va donner car j’ai vraiment envie que les choses changent. Je ne parle même pas pour le vélo mais dans ma vie de tous les jours, en tant qu’homme. Ma situation et mon poids actuel me ferment des portes. C’est frustrant. Au club, on m’a toujours pris pour “le petit”, même si encore une fois, ce n’est pas méchant. Mais je ne veux pas de cette étiquette à vie.

Tu vas également pouvoir te lancer dans d’autres projets et t’épanouir loin des pelotons !
Je l’espère ! J’ai annoncé à l’équipe que j’arrêtais avec effet immédiat. Mais je ne renonce pas à ma pratique du cyclisme. J’ai bien aimé l’Étape du Tour, j’ai montré que je pouvais être à l’aise sur ce type de distance et de format et je compte réitérer ce genre de choses. Je veux me mettre à l’ultra-distance. Il y a une semaine, j’ai fait une sortie de 300 km ! Là, j’ai un projet de faire les sept majeurs (enchaînement des Cols de Vars, de l’Izoard, d’Agnel, de Sampeyre, de Fauniera, de Lombarde et de la Bonette, NDLR), comme l’avait fait Pierre Idjouadiene (lire ici). J’ai aussi un projet d’alternance pour travailler avec Steven Le Hyaric, un cycliste de l’extrême qui a plein de projets, notamment sur les GravelMan Series - des épreuves d’ultra-endurance -, et qui cherchait un assistant. Je compte me lancer dans un Master de Management du Sport à Dijon à la rentrée. J’ai obtenu ma Licence et je veux maintenant un Master.

Tu garderas, forcément, de beaux souvenirs de tes années sur le vélo et de tous ces déplacements avec tes potes de tes différents clubs, à Dijon ou à Étupes !
C’est sûr, quand je regarde dans le rétroviseur, je me dis que c’était franchement pas mal malgré mes soucis. J’ai gagné sur une Fédérale, c’est déjà ça. J’ai vécu deux superbes années Juniors avec Quentin Bernier, au SCO Dijon, notamment. On avait un super groupe, on était tous des copains. On avait même fait le Tour de l’Abitibi au Canada. C’était deux années incroyables.

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